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portes. Six autour des murs de cette forteresse, pour les empêcher de s'évader avec des cordes, ou par tout autre moyen. Six dans la cour du Palais de la Cité, pour la garde des reliques de la SainteChapelle, du trésor des chartes et de cette demeure royale. Six dans la Cité, auprès de l'église archipresbytérale de la Madeleine, sur le sol de laquelle passe aujourd'hui la rue Constantine, à la rencontre de celle de la Cité. Autant devant la fontaine des Innocents, alors adossée à cette église, dont l'abside joignait la rue SaintDenis, en face de la rue Aubry-le-Boucher. Six autres à la porte Baudoyer, près l'église de Saint-Gervais. Pareil nombre sous les piliers de la Grève, et le reste aux carrefours et autres lieux indiqués par les clercs.

Ces utiles dispositions avaient été fort négligées, par suite des concussions commises par deux clercs du guet, nommés Pierre Grosparmi et Guillaume Pommero, destitués pour avoir pris de l'argent de ceux qui devaient faire le guet, pour les exempter. Ce méfait, qui avait donné lieu à une infinité de désordres, fut réprimé par cette ordonnance, au moyen d'un système de contrôle qui y est soigneusement détaillé.

Suivant un de ces préjugés populaires, souvent admis comme la loi commune dans la société, et presque toujours entretenus en haine de l'autorité répressive, par ces hommes qui redoutent sa vigilance tutélaire; parce que, s'ils ne peuvent, grâce à elle, se livrer à leurs. funestes instincts, ils rêvent incessamment la possibilité de fouler aux pieds les droits les plus sacrés de la religion, de la loi et de la propriété : le chevalier du guet est considéré par certains historiens comme le chef sans dignité ou sans considération d'une milice d'oppression, d'espionnage ou de basse police. C'est par l'histoire elle-même que nous voulons rectifier ici une erreur qui, comme tant d'autres, est propagée dans le but de déprécier ou d'avilir nos vieilles et sages institutions.

Dans l'ordonnance de saint Louis, de 1254, le commandant ou capitaine de la compagnie y est qualifié: Chevalier du guet, miles gueti; ce qui n'était pas, à la vérité, un titre de noblesse pour ceux qui possédaient cette charge, mais la preuve formelle qu'on ne la confiait qu'à des personnes distinguées par leur naissance. Dans un arrêt du parlement, de l'an 1265, il est qualifié: gardien de la ville; custos villæ. Dans une assemblée des grands officiers de la couronne, tenue à Clichy, en 1445, Charles VII ôta de son cou le ruban de soie noire auquel était suspendu l'ordre de l'Etoile, en or,

et en décora le chevalier du guet, ordonnant que lui seul, désormais, et ses archers, tant à pied qu'à cheval, porteraient sur leurs casaques perses (1), tant devant que derrière, une étoile blanche. Or, cette disposition royale renfermait une pensée de pieuse protection pour la ville de Paris et ses habitants, puisque l'ordre de Notre-Dame de l'Étoile avait la sainte Vierge pour patronne titulaire, elle que l'Église et les chrétiens invoquent sous le double titre d'étoile de la mer et d'étoile du matin. Cette charge donnait de très-belles prérogatives: celui qui en était revêtu pouvait entrer chez le roi à toute heure, même en bottes. Il rendait compte directement à Sa Majesté, et prenait ses ordres. Les officiers et archers qui composaient la compagnie avaient aussi beaucoup de priviléges. A la mort de Choppin de Goussangré, dernier chevalier du guet, le roi, par ordonnance du 31 mars 1733, décida le remboursement de sa charge à ses héritiers, ne jugeant pas à propos de lui donner un successeur. Alors on réunit dans un seul officier le commandement de toutes les compagnies d'ordonnance tant à pied qu'à cheval. A l'époque de la révolution, le guet de Paris se composait de soixante-neuf archers à pied, de cent onze à cheval, et d'une troupe d'infanterie de huit cent cinquante-deux hommes. Ce chiffre peut donner à réfléchir, en le comparant avec les besoins de même nature nécessités par notre position sociale et urbaine aujourd'hui.

C'est un fait avéré de l'histoire de Paris, qu'au commencement du XIV siècle, le roi avait acquis, dans le champ Perrin Gasselin, au quartier Sainte-Opportune, une maison, pour y loger le chevalier, ou commandant du guet. Il y a grande apparence, dit Jaillot, le plus sérieux et le plus exact des topographes de Paris, que ce fut en conséquence de l'ordonnance du roi Jean, du 6 mars 1363 (2), que fut prise cette mesure. Et en effet, deux des principales dispositions de cette ordonnance, celle de la garde des prisonniers du Châtelet et du Palais, imposaient rationnellement la nécessité que le chef de cette milice fût installé dans le voisinage, et, surtout, assez près du Châtelet, siége de la prévôté de Paris, où, indépendamment des transactions civiles, se traitaient quelquefois les affaires les plus graves, au point de vue de la sûreté publique, et aux abords duquel se tramaient aussi les émeutes et les mouve

(1) Bleu d'une nuance qui tient du vert.

(2) Livre rouge du Châtelet, fo 39. - Jaillot, Quartier Sainte-Opportune, p. 15.

ments populaires. Il fallait aussi que cette maison fût assez vaste pour y recevoir et faire manoeuvrer tout ou partie de la compagnie.

Une autre considération avait dû aussi exciter le roi Jean et son conseil à prendre cette mesure d'opportunité; car déjà, à cette époque, les quartiers Sainte-Opportune, Saint-Denis et SaintJacques-la-Boucherie, étaient redoutables au pouvoir par leur population turbulente, sans cesse animée au désordre par cette terrible corporation des bouchers, jouant toujours le premier rôle dans les querelles civiles qui signalèrent si particulièrement la captivité du roi Jean, et, plus tard, la démence de Charles VI. D'ailleurs, il avait vu, en 1357, un magistrat municipal se mettre lui-même, en trahissant ses serments et son devoir, à la tête des révoltés, de telle sorte que, sous son commandement, Paris était devenu un théâtre d'horreurs, où, au lieu de nos modernes et odieuses barricades, les rues étaient barrées par des chaînes.

Jean de Harlay, chevalier du guet, habitait cet hôtel sous Louis XI. Dans nos recherches pour notre monographie, inédite, de l'église de Saint-Germain l'Auxerrois, nous avons trouvé que les marguilliers de la paroisse de Garges, près de Pontoise, ayant eu la singulière idée de confier des reliques de leur église à cet officier, pour les faire approuver par Guillaume Chartier, évêque de Paris, et n'ayant pu les recouvrer, portèrent une plainte contre lui à l'archidiacre, dans sa visite de 1472.

Le 2 juillet 1465, pendant la guerre du bien public, Jean Balue, évêque d'Évreux, depuis cardinal, vint dans cette maison requérir le guet, et le conduisit au son des trompettes, au Châtelet, et de là, dans les rues de Paris, où son intervention était nécessaire.

Cette maison, beaucoup plus considérable alors qu'elle n'est aujourd'hui, n'était pas à son commencement étranglée par une foule de constructions, au milieu desquelles elle est comme perdue actuellement. Dans l'origine, elle s'élevait sur un espace libre, appelé, comme nous l'avons déjà dit, le Champ Perrin Gasselin, nom probable du propriétaire primitif. C'était un terrain herbu, formant, au XIII siècle, l'esplanade de l'arrière-face nord de la forteresse du Grand-Châtelet, et qui, bien que déjà environnée d'habitations, finit, avec le temps, et par suite de l'agglomération incessante d'une population industrielle sur ce point, où se trouvait la grande boucherie, et la pierre ou coutume du poisson, à s'en couvrir tout à fait.

Au XVe siècle, la principale entrée, l'entrée d'honneur de l'hôtel du Chevalier du Guet, s'ouvrait au milieu de la rue de ce nom,

qu'elle changea alors contre celui de Perrin Gasselin, dont il est fait mention dans des titres authentiques des années 1254 et 1269, cités par Jaillot nom que porte encore l'obscure et hideuse ruelle qui en forme la prolongation jusqu'à la rue Saint-Denis.

La place, ou plutôt l'impasse où est situé notre vieil hôtel, communiquait jadis avec la rue Saint-Germain-l'Auxerrois par deux ruelles aujourd'hui fermées, qui ne se trouvent désignées dans les historiens par aucuns noms, et qui sont aujourd'hui de simples passages particuliers dans deux maisons voisines, situées dans une impasse en face.

Le portail sur la place du Chevalier du Guet n'était qu'une porte de dégagement, et, néanmoins, elle était flanquée de tourelles qui ont disparu dans les premières années du règne de Louis XV, et de deux contre-forts carrés qu'on n'a pu démolir, et qui ont encore conservé toute la vivacité de leurs profils. Cette façade extérieure est sévère, triste même, et ne laisse pressentir, par sa nullité, qu'il ait jamais existé au dedans ces délicatesses archaïques qui distinguent si particulièrement l'architecture civile du XVe siècle, dont Jean de Sallazard nous a laissé un exemple fameux, dans son curieux hôtel archiepiscopal des métropolitains de Sens, à Paris (1).

Autant qu'on doit juger par le peu qui reste des constructions primitives et des détails échappés aux injures des siècles, ou aux changements radicaux qui ont entièrement transformé cette maison, ils témoignent qu'elle a dû être bâtie au commencement du dernier tiers du XIVe siècle, au plus tôt ; circonstance qui semblerait confirmer la tradition que cette demeure existait avant qu'on la destinât au commandement du guet.

Les murs devaient être entièrement construits en pierres de taille de grand appareil, atteignant une largeur de soixante centimètres sur une hauteur proportionnée, de manière à offrir de la résistance aux attaques extérieures. La face de l'entrée, sur la cour, est la seule partie à peu près complète, depuis le rez-de-chaussée jusqu'au faîte, qui ait conservé les traces élémentaires de sa structure native. La baie d'entrée à plein cintre, comme par devant, est aussi cantonnée de deux contre-forts carrés, ou piliers butants. La baie de fenêtre percée au premier étage, au-dessus de cette porte, s'ouvrait jadis en cintre surbaissé, avec moulures saillantes qui ont été coupées dans un ravalement fait postérieurement pour dresser le mur, mais dont l'archivolte reste indiquée par les pierres disposées en forme de

(1) Voir notre Nolice historique sur l'hôtel de Sens, Revue Archéologique, ive année, p. 146.

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