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cunéiformes. A Hamgheir, au delà de l'Euphrate, on voit aussi une grande statue colossale représentant un dieu chaldéen, mais elle est dans un état de dégradation tel qu'elle ne vaudrait pas la peine d'être transportée en Europe. En longeant Susiana, la commission dont M. Loftus fait partie, traversera tout les pays où abondent les ruines chaldéennes, et, grâce à la sécurité qui l'entoure et aux moyens dont elle dispose, elle fera indubitablement des découvertes qui jetteront un grand jour sur l'histoire primitive de Ninive et de Babylone.

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On vient de retrouver à Pescia un des plus anciens monuments de la peinture italienne. C'est un tableau représentant saint François et les principaux miracles de sa vie, peint sur fond d'or, selon l'usage des premiers temps de l'art. On lit sous la figure du saint:

BONAVENTVRA BERLINGHIERI DA LVCCA PINXIT 1235.

Ce tableau se trouve à l'église Saint-François-des-Champs (al prato), et excepté l'image du saint assez difficile à distinguer, tout le reste a été maladroitement retouché; mais cette découverte n'en est pas moins précieuse pour l'étude de l'art au XIII siècle.

-Notre collaborateur, M. Löwenstern, de retour d'un voyage en Allemagne, nous communique la nouvelle suivante qui intéressera ceux de nos lecteurs qui s'occupent d'archéologie orientale : M. Bopp, le savant orientaliste de Berlin, auquel on doit une grammaire comparée des langues indo-germaniques, va joindre aux langues sur lesquelles il a déjà fait porter ses recherches philologiques, l'ancien persan, tel que la première écriture cunéiforme nous en fournit les éléments. Il mettra pour cela à profit les travaux les plus récents sur cette matière, et nous ne doutons pas qu'ainsi complété son travail ne se place désormais au même rang que l'admirable grammaire allemande de J. Grimm.

Dans sa séance du 10 mai dernier, l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres a élu M. A. J. H. Vincent, membre titulaire en remplacement de M. Édouard Biot, décédé. Le 8 avril précédent, notre collaborateur avait été, par arrêté du ministre de l'instruction publique, nommé membre du Comité des Arts et Monuments en remplacement de M. Bottée de Toulmon, décédé.

BIBLIOGRAPHIE.

Mémoires de la Société d'Archéologie et de Numismatique de SaintPétersbourg. Tome III (liv. 1 et 2). Saint-Pétersbourg, 1849, in-8°, avec planches.

La Société de Saint-Pétersbourg vient de faire paraître récemment les deux premières livraisons du tome III de ses Mémoires; nous croyons être agréable à nos lecteurs en leur faisant connaître les sujets qui ont été traités par les savants qui la composent. Le premier cahier renferme : Des documents pour l'histoire et l'archéologie de la ville de Chersonnèse en Tauride, ouvrage qui a mérité à son auteur, M. de Koehne, le prix de numismatique décerné par l'Institut de France en 1849; un long article sur les aspres comnénats au type de Saint-Eugène, par le même ; des recherches sur la numismatique slave par M. de Richel; enfin un article de M. Vossberg sur un sceau de la ville de Varsovie. Tous les articles contenus dans cette première livraison sont en allemand.

Le second cahier renferme aussi des travaux fort remarquables. Nous citerons d'abord une note de M. Bartholomei, sur une drachme inédite d'Artavasde, roi d'Arménie; un article de M. de Muralt sur les colonies de la côte nord-ouest de la mer Noire; une description de quelques antiquités trouvées dans le district de Zwenigorod, par M. Eschotkoff; un article de M. Vossberg sur les médailles d'Auguste II, frappées à Dantzik; deux intéressantes notices de MM. Thomson et Hoffmeister sur la numismatique allemande; et enfin le post-scriptum de la lettre de M. Paul Sawelieff à M. de Koehne, sur les médailles modernes de l'Asie.

Les dernières pages de la livraison sont consacrées à la bibliographie archéologique et au bulletin de la société, comprenant le compte rendu de cinq séances (21 à 25), présidées par S. A. I. Mgr. le prince de Leuchtemberg.

Nous avons tout lieu d'espérer que les relations amicales qui existent entre la France et la Russie faciliteront les études archéologiques des savants des deux pays; la science ne pourra que profiter de

cette union.

ÉTUDES

SUR

LES ANCIENNES NOTATIONS MUSICALES DE L'EUROPE.

CINQUIÈME ARTICLE (1).

S XII.

Examen critique des monuments relatifs aux ornements de l'ancienne musique de l'Europe (SUITE).

M. Fétis a signalé la lettre de Notker Balbulus que j'ai reproduite in extenso dans l'article précédent, mais il n'a fourni aucun détail sur le texte et la signification de ce précieux monument historique. On a vu plus haut l'explication qu'en donne Baini qui, toutefois, ne cite point Notker.

Qu'étaient-ce donc que les lettres alphabétiques imaginées par Romanus ?

Je vais essayer de le dire.

:

Tout ce que rapporte Notker de l'invention de Romanus peut sans aucun doute, se rattacher à ce qu'on appelle ornement du chant, dans l'acception la plus générale du mot. Ainsi, lorsque M. Danjou disait « Le chantre Romanus a-t-il ajouté les notes aux <«<lettres ou les lettres aux notes? Nous adoptons le premier sens, « M. Nisard le second (Revue, 1848), » il persistait dans une erreur impardonnable, comme on va le voir et comme on peut le constater en examinant avec soin l'antiphonaire de Saint-Gall. (Confer. le facsimile qui est en tête du premier article.)

"

Et d'ailleurs ne suffit-il pas de lire sans préoccupation les paroles même d'Ekkard le jeune, pour avouer que les notules musicales sont antérieures aux lettres explicatives imaginées par Romanus : Primus ille litteras alphabeti significativas notulis..... aut sursum aut jusum,

(1 Voir les articles précédents, t. V, p. 701; t. VI, p. 101, 461 et 749.

aut ante aut retro excogitavit; quas postea cuidam amico quærenti Notker Balbulus explanavit?

Ce que soutenait M. Danjou eût été admissible, si les lettres de Romanus avaient été des notes, ainsi que le pensait dom Mabillon. Mais il n'en est rien. Ces lettres qui se trouvent çà et là dans la notation neumatique, avaient pour objet :

1o D'indiquer le mouvement des différents groupes mélodiques d'une même cantilène (C, M, T):

C, citò (vite).

M, moderari (en donnant à l'exécution un mouvement modéré). T, tenere (en accentuant lentement chaque note).

On ne peut pas exposer plus clairement, que ne le fait ici Notker, les variétés principales de lenteur ou de vitesse dans l'émission de la voix. Les trois termes précédents correspondent au lento, au moderato et à l'allegro des modernes.

2o De prévenir qu'il fallait faire un silence ou une pause dans la mélodie (X expectare expetit).

3o De préciser la manière dont on devait former tel ou tel son (0, H, M, F, G, K, Q) :

O, en donnant à la bouche la figure d'un O.

H, aspirat (en chantant la note avec aspiration).

M, en donnant à la voix le son pleureur que laisse échapper un mendiant qui demande l'aumône.

F, cum fragore (avec force).

G, ut garruletur, avec tremblement de la glotte ou trille. C'est évidemment la vox garrula, vox vinnolata, dont j'ai constaté l'emploi dans la musique européenne dès les premiers siècles de notre ère.

K (pro x græca positum, chlenge id est clange clamitat), désignait une note qui devait être exprimée par un cri aigu et perçant. Le mot grec xayr, que cite ici Notker en le mutilant un peu, a bien réellement cette signification. Il s'ensuit que le K ne se mettait jamais qu'au-dessus de notes élevées de l'échelle mélodique, tandis que s'adaptait indistinctement à tous les sons d'une gamme grégorienne. Q, avec douceur, piano.

I'F

<<< Pourquoi rechercher cette lettre dans l'alphabet de Romanus, <«< dit Notker, puisque, dans l'orthographe des mots latins, le Q << s'emploie seulement pour montrer que l'U suivant perd sa force « (Vim suam amittere)?» - Sans entrer dans l'explication philologique de cette phrase un peu obscure, il est évident qu'il s'agit ici d'une amission de force, c'est-à-dire de ce que les musiciens mo

dernes appellent piano. Et ce qui me confirme dans ce sentiment, c'est que si la lettre Q n'avait pas, dans l'alphabet de Romanus, la signification que je lui donne, il faudrait admettre que le chanteur grégorien a imaginé un signe pour exprimer notre forte, et qu'il n'en a inventé aucun pour indiquer notre piano. Or, cela n'est point croyable.

-

4o De prémunir contre certaines difficultés concernant la lecture de la notation (E, N, L, I, S, A):

E signifiait que la note marquée de cette lettre était à l'unisson de la note précédente.

C'est de là, sans doute, qu'est venu, dans le système d'Hermann Contract, l'usage d'employer l'E pour désigner l'unisson; E voces unisonas æquat (Gerberti, Scriptores, t. II). C'est de là aussi que l'on doit faire dériver le guidon E, mis à la fin d'une ligne de musique, pour montrer que la dernière note de cette ligne forme unisson avec la première de la ligne suivante. Ce genre de guidon, que personne n'a signalé, est employé notamment dans le manuscrit 1121 du XIe siècle, de l'ancien fonds latin de la Bibliothèque nationale,

N, équivalant à notre Nota benè, indiquait un passage qu'il fallait avoir étudié et par conséquent bien connaître, pour l'exécuter convenablement.

L, neumes qui s'élèvent jusqu'aux notes les plus hautes de l'ambitus du mode.

I, pour faire observer que la note initiale d'un neume doit être chantée au-dessous de la note finale du neume précédent. S, pour indiquer le contraire.

A, pour rappeler que, dans un groupe neumatique, il y a un saut disjoint de quarte ou de quinte, suivant le mode.

5° De corriger certaines fautes de transcription musicale, échappées aux copistes (P, R) :

P, pressionem indicat; cette lettre montre qu'il doit y avoir un pressus dans les neumes, bien que la sémiologie ne l'y indique pas. Je dirai plus loin le rôle important du pressus dans les anciennes notations musicales de l'Europe.

R (rectitudo vel rasura non abolitionis sed crispationis), phrase barbare que je traduis de cette manière: Rectification ou rature non d'abolition, mais de crispation, c'est-à-dire que tel ou tel signe neumatique représentant un son crispé, il faut effacer, dans le manuscrit, non la note elle-même, mais seulement la crispation de cette note. Il est évident que les mots rectitudo et rasura sont synonymes; or,

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