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grec, entièrement distinctes des notes instrumentales, car les premières sont prises dans l'alphabet, tandis que les autres sont des signes planétaires. M. Vincent voyant les notes de la première catégorie appliquées au commencement de l'Ode, et celles de la seconde appliquées aux vers suivants, a eu l'idée fort naturelle, quoique personne ne s'en fût encore avisé, de les rapprocher les unes des autres; et de ce rapprochement est résulté une sorte de contre-point à la tierce.

Un fragment signalé pour la première fois par M. Vincent dans deux manuscrits, appartenant, l'un à notre Bibliothèque nationale, l'autre à la Bibliothèque royale de Munich, et présentant une gamme de cithare à deux parties, l'une pour la main droite, l'autre pour la main gauche, confirme d'une manière évidente l'opinion depuis longtemps émise sur ce sujet par M. Vincent.

ALFRED MAURY.

LETTRE A M. LE COMMANDANT DE LA MARE

SUR LES RUINES DE LAMBESA

(ALGÉRIE).

Blidah, le 2 avril 1850.

MON COMMANDANT,

Je suis heureux que le petit envoi d'inscriptions que je vous ai adressé vous ait été agréable. Malheureusement je ne saurais plus répondre à vos désirs, en vous adressant des renseignements positifs sur Lambesa. Nous avons quitté subitement Batna le 22 février. J'ai visité Lambesa plus d'une fois, et bien que sans notes mathématiques, mes souvenirs sont nombreux.

Au risque de vous apprendre ce que vous connaissez déjà, je vous dirai que le temple d'Esculape n'est plus tel que vous l'avez vu, c'est-à-dire tel qu'il a été reproduit dans la Revue Archéologique (1). Le terrain a été déblayé. Les colonnes sont libres, reposant tout simplement sur la dernière marche d'un escalier qui y conduit. L'édifice me paraît avoir été un carré ou à peu près le côté opposé à la colonnade aurait eu deux enfoncements à angle droit dans lesquels on a trouvé deux statues, actuellement à Batna, l'une d'Esculape et l'autre d'Hygie, toutes deux en marbre blanc, et probablement ce qu'on a trouvé de mieux en Algérie. Esculape est sans avant-bras et Hygie sans tête. Une belle avenue bordée de gradins aux contours sinueux, et d'un niveau inférieur d'environ un mètre à celui du petit temple, est côtoyée par de petites loges carrées où sont des mosaïques recouvertes de terre par nous.

Le plan du petit temple est parfaitement tracé; ce qu'il y a même de curieux, c'est qu'une partie des murs subsiste encore jusqu'à la hauteur de quelques décimètres; mais d'une épaisseur très-mince, comme si le revêtement intérieur avait été mal conservé. Ce revête

(1) Revue Archéologique, iva année, pl. 73 et p. 450.

ment est en marbre rougeâtre veiné de blanc, aujourd'hui s'écaillant avec facilité.

Le monument qu'on appelle Temple de la Victoire, a été aussi fouillé. Sur sa face méridionale on a dégagé une colonne de plus d'un mètre de diamètre. Les fouilles intérieures n'ont rien produit.

Outre ces deux statues précitées et une réduction d'Esculape, on a aussi une belle cuisse de Jupiter, côtoyée d'un aigle, un génie de la colonie de Cirta, avec une inscription votive; d'autres fragments, des pilastres hexagones avec soubassement et chargés d'inscriptions; une sorte de tribune, enceinte semi-circulaire aux extrémités terminées par deux cippes couverts d'inscriptions sur leurs côtés libres. La face intérieure de cet appareil semi-circulaire est également couverte d'une inscription curieuse. Tout cela a été transporté à Batna.

Le colonel Carbuccia a fait travailler longtemps à Lambesa; il a fait dessiner et relever tous ces monuments avec soin par tous ceux qui pouvaient être à sa disposition.

Je vous donne ci-contre une inscription que j'ai déterrée à la grande halte entre Sétif et Aïn-Tagrout, à l'Aïn-Zada. Cette inscription détermine la position d'une petite ville romaine, que son emplacement me fait croire être Caput saltus, et la proximité de deux autres dont l'une, l'Horrea, se trouve citée dans les cartes routières des Romains sur la voie de Sétif à Bougie, c'est-à-dire de Sitifis à Saldæ.

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Cette inscription est tracée sur un prisme quadrangulaire, haut d'un mètre quatre décimètres. C'est la seule nouveauté qu'à coup sûr je puisse vous offrir.

J'ai l'honneur d'être, etc.

L. LECLÈRE,

Chirurgien aide-major au régiment des zouaves.

(1) Voici la restitution que propose M. Hase auquel cette inscription a été communiquée : Imperatori] Cæsari Marco Au || reli]o Severo An- || to]nino pio, felici, || Augusto, domino nostro, Parthico Britannico || maximo, consuli TITI, co- loni Caput Sal-||tus, Horreorum || et Kalefacelenses (*) || aram pro salu-|| le ejus consa- || craverunt, et no- || men castello || quem constitue- || runt, Aureliani || Severiani] Antoninia- || ni im]posuerunt, || decurionum decreto, || anno provinciæ CLXXIIII (**).

(*) Les deux localités désignées sous les noms de Caput saltus et de Calefacile, ne sont citées par aucun géographe ancien. Peut-être de nouvelles recherches permettront-elles de les déterminer. Horrea est en effet mentionné dans l'Itinéraire d'Antonin (p. 31 de l'éd. de Wesseling) comme situé sur la voie romaine qui menait de Sitifis à Saldæ (Bougie), à dix-huit milles de Sitifis. M. Pellissier. Exploralion scientif. de l'Afrique, Sciences hist. el géogr., t. VI, Paris, 1844, in-4°, place Horrea au Djebel Megris ou Magrise, M. Lapie dans ses cartes au Djebel Annini. (**) L'ère de province commence en Afrique à l'an 42 de l'ère chrétienne. Donc, en ajoutant 41 à 174 nous trouvons 215; c'est la cinquième année du règne de Caracalla, alors consul pour la quatrième fois.

DÉCOUVERTES ET NOUVELLES.

Des lettres récentes de Bagdad annoncent que M. Loftus, le géologue attaché à la commission qui s'occupe de la démarcation des frontières turco-persanes, a visité, en se rendant à Bassora, les antiquités de la Basse-Chaldée, jusqu'à présent inconnues.

Les ruines de l'ancienne Ur des Chaldéens (aujourd'hui appelées Werka), où se sont passés les faits rapportés par l'Exode dans la vie d'Abraham, occupent une étendue immense, et offrent un intérêt extraordinaire à l'archéologie. Dans une enceinte qui, selon toute apparence, doit avoir été un lieu public de sépulture, on a décou-、 vert un grand nombre d'anciens cercueils moulés en plâtre, suivant la forme et les dimensions du corps humain, enduits d'un vernis trèsbrillant, ornés d'une grande quantité de figures en relief, et s'ouvrant à la partie supérieure, au moyen d'un couvercle ovale, également orné.

Un vase de grandeur moyenne était attaché par un lien à chaque cercueil. D'après le récit des indigènes, on trouve souvent dans ces tombes des bijoux en or, des pierres fines et d'autres restes des arts chaldéens; mais ceux que M. Loftus a examinés ne contenaient déjà plus rien, parce que les Arabes les avaient visités avant lui. Il a cependant pu emporter un bon nombre de briques couvertes de caractères cunéiformes, des pièces de terre cuite moulées ayant la forme de cornes de bœuf et portant des inscriptions; enfin, plusieurs morceaux d'une pyramide hexagone chargée de longues inscriptions semblables à celle qui a été retrouvée à Ninive par M. Layard et qui se trouve maintenant au British muséum.

Si on en croit la tradition du pays, Werka serait le lieu de la naissance d'Abraham; mais en tout cas on ne peut pas révoquer en doute que ce ne soit l'ancienne Ur des Chaldéens. D'autres voyageurs avaient déjà aperçu de loin ces ruines, qui habituellement sont inaccessibles, à cause de l'inondation qui les enveloppe et du dangereux voisinage des Arabes Khézels. M. Loftus est donc le premier Européen qui ait vu et examiné de près le berceau du peuple juif.

Aux ruines de Hammam, près du canal de Haï, M. Loftus a aussi trouvé une statue en basalte noir, revêtue de deux inscriptions

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