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plus d'une année a été perdue lors de l'invasion étrangère, et notre section a été éprouvée par les plus cruels malheurs.

Si je promène mes regards autour de moi, je me sens prist d'un sentiment de profonde tristesse, en voyant les vides que la retraite ou la mort ont faits parmi nous. Nous avons perdu, par démission, trois membres des plus recommandables, MM. Blerzy, Meugy et Cornet. Au moins ils vivent, et deux d'entre eux continuent à nous appartenir sous un autre titre. Deux autres, malades, heureusement en bonne voie de guérison, nous reviendront bientôt. Mais qui nous rendra l'infatigable travailleur qui a fourni des mémoires à toutes les sections, l'auteur d'une si riche collection de documents sur l'histoire de Troyes et sur la géographie du département, l'excellent Théophile Boutiot! Qui nous consolera de la mort tragique du docteur Auguste Guichard! Trois jours à peine après notre séance d'octobre 1874, il tombait frappé par une main barbare dans son cabinet, au moment où il remplissait ses devoirs professionnels, quelques minutes après avoir embrassé son enfant ! M. Gambey, curé de SainteMadeleine, dans une allocution touchante qui allait au cœur, MM. Paul Carteron et Le Brun-Dalbanne se sont rendus les éloquents interprètes de la douleur d'une famille éplorée, de toute une ville consternée et des regrets de notre Société. Jamais rien ne pourra nous faire oublier cet affreux malheur; il m'a enlevé un ami, à nous tous un esprit distingué, un cœur excellent, et aux pauvres un homme que sa charité distinguait entre tous.

Troyes, le 19 mai 1875.

RAPPORT

SUR LES

TRAVAUX DE LA SECTION DES ARTS

Depuis la Séance publique du 27 Décembre 1869

PAR

M. ALBERT BABEAU

MEMBRE RÉSIDANT

MESSIEURS,

Les membres de la section, dont je suis chargé de vous faire connaître les travaux, s'efforcent de concourir, par des moyens différents, mais également dévoués, au culte et aux progrès des arts. Les uns vous ont fait apprécier, dans leurs œuvres de peinture et d'architecture, un talent justement estimé ; les autres, en formant des collections que vous avez tous admirées, vous retracent, d'une plume exercée, les merveilles que contient votre cité, et rassemblent dans le Musée confié à leurs soins tous les objets précieux ou curieux qu'il leur est donné de recueillir. Sans me dissimuler les difficultés de ma tâche, je suis d'autant plus à l'aise pour rendre hommage au zèle et au talent qu'ils déploient, que l'un des derniers venus parmi eux, je ne puis prétendre qu'au rôle d'historien fidèle de leurs actes et de leurs travaux.

La ville de Troyes a toujours aimé, cultivé et encouragé les arts. Ses monuments l'attestent, les chefs-d'œuvre qu'ils renferment le prouvent. Elle a donné naissance à des artistes illustres; elle a favorisé leurs études et applaudi à leurs œuvres. Il y a eu cent ans, le 15 novembre 1873, qu'une réunion de citoyens généreux, dirigés par cet esprit d'intelligente initiative dont la Société Académique s'efforce de conserver la tradition, fondait l'école gratuite de dessin, dont notre président, M. Gréau, vous retraçait naguères l'histoire dans un travail considérable intitulé: Simple revue de quelques institutions publiques dans la ville de Troyes. M. Gréau nous a montré, dans les pages instructives qu'il leur a consacrées, combien le souci des améliorations intellectuelles et matérielles, l'avancement des sciences et des arts, la recherche des progrès légitimes, avaient préoccupé nos concitoyens dans le dernier siècle et dans le nôtre. M. Le Brun-Dalbanne nous l'a montré également pour le dix-huitième siècle, dans son attrayante étude historique et littéraire sur les Savants de Troyes et l'Académie de Châlons. Quelques-unes des institutions dont M. Gréau nous parle ont cessé d'exister, ne laissant derrière elles que le souvenir des intentions louables qui avaient présidé à leur fondation; mais parmi celles qui ont subsisté et prospéré, avec des vicissitudes diverses, l'école de dessin figure en première ligne; elle rend tous les jours d'utiles services, et peut se glorifier d'avoir suscité des élèves illustres, tels que le sculpteur Simart.

L'école de dessin a pour but de former des artistes; la Société des Amis des Arts, fondée en 1843, avait pour but de les encourager. Après une longue période de sommeil, la Société Académique l'a fait revivre, et l'exposition, en ce moment organisée par les membres les plus actifs de la Société reconstituée, MM. Gréau, Le Brun, Truelle et Nancey, qui sont aussi nos collègues, atteste à la fois son utilité et ses succès.

Dans son énumération des institutions publiques de Troyes, M. Gréau, n'oubliant ni les orphéons, ni les fanfares, nous rappelle que la Société philharmonique a eu pour modèle, au siècle dernier, une Académie de musique qui, pendant l'hiver, donnait un concert une fois par semaine dans la grande salle de l'hôtel-de-ville. On aimerait à voir renaître ces heureuses habitudes. La Société Académique est moins étrangère qu'on ne pourrait le croire à l'art musical, et elle s'est félicitée de voir son ancien président, M. Meugy, revenir à Troyes, l'an dernier, pour lui lire un travail sur la musique, dans lequel il résumait ses impressions sur cet art charmant et profond, qu'il est souvent plus facile de comprendre que d'analyser et de décrire.

M. Gréau est un membre trop dévoué de la Société Académique qu'il préside aujourd'hui, pour avoir omis de rappeler les travaux auxquels elle s'est livrée et les services qu'elle a pu rendre. Il ne nous appartient pas d'en parler. Mais nous pouvons nous féliciter avec lui de l'accroissement des collections de notre Musée, tout en formulant les mêmes vœux pour la construction de nouveaux bâtiments destinés à les contenir. La salle de peinture ne suffit plus à l'exposition de nos richesses artistiques qui augmentent tous les jours. C'est en vain que M. Le Brun-Dalbanne, qui s'occupe du musée de peinture avec un dévouement et un zèle qu'on n'ignore pas, s'est efforcé, en modifiant l'arrangement des tableaux anciens, de faire figurer parmi eux les nouveaux. C'est avec peine qu'il a pu placer les deux portraits de l'école anglaise qui sont dus à la libéralité de M. Audiffred, le Martyre de saint Edmond, donné par le Gouvernement, les paysages portugais offerts par M. le comte Armand, et la collection de tableaux légués par M. Jean-Baptiste Renauld. Il lui a été impossible de faire apprécier à nos concitoyens les quinze toiles qui nous ont été envoyées, en 1872, par le Ministère de l'Instruction

publique et des Beaux-Arts. Il est vrai que M. Le Brun en a publié une description fidèle dans l'Annuaire de l'Aube; mais quels que soient la compétence et le talent de l'écrivain, l'habileté de la plume ne saurait suppléer aux ressources du pinceau.

Il n'en est pas de même, lorsqu'à côté du tableau le travail du critique en fait connaître l'origine, en montre l'inspiration, en signale les beautés. Récemment encore, vous écoutiez avec l'intérêt le plus soutenu les élégantes descriptions que M. Le Brun-Dalbanne vous traçait de l'Exposition d'Alsace-Lorraine, où la plupart d'entre vous ont pu contempler tant de chefs-d'œuvre; et parfois, en les entendant décrire, vous croyiez encore les voir. Vous avez éprouvé la même impression, lorsqu'il vous a parlé du beau tableau de Mignard, que possède notre Musée. Vous vous en êtes rappelé le charme et l'éclat, et si vous vous êtes demandé quel en était le sujet, M. Le Brun-Dalbanne, dans la seconde partie de son étude sur Mignard, sa famille, et quelquesuns de ses amis, vous a dit que ce portrait, d'un attrait si vif, était celui de Mme de Montespan. Cette démonstration est une des parties les plus piquantes de ce travail, qui contient des détails non moins précieux sur la vie privée de Mignard, et sur l'admirable tableau du Baptême de JésusChrist, qui orne le maître-autel de l'église Saint-Jean.

M. Le Brun se plaît à chercher la solution des énigmes que présentent certaines œuvres d'art. C'est ainsi que, dans une savante dissertation sur les tableaux des inconnus au Musée de Troyes, il fait appel à toutes les ressources de l'induction et de la comparaison pour nous indiquer quels sont les auteurs du portrait du sire de Vaudrey, seigneur de Saint-Phal, et de deux belles compositions de fleurs et de fruits, provenant du château de la Chapelle-Godefroy. Un bas-relief, qui se trouvait autrefois dans la rue du GrandCloître-Saint-Pierre, lui fournit aussi le sujet d'une intéressante notice; dans le motif vulgaire que ce bas-relief

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