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quelques endroits ils s'élèvent à une assez grande hauteur au-dessus du lit actuel des cours d'eau. Pour expliquer ce fait, M. Lodin, ingénieur des mines, croit qu'il n'est pas nécessaire d'attribuer leur formation à de gigantesques cours d'eau dont la surface aurait dépassé le niveau le plus élevé où l'on retrouve les alluvions anciennes ; selon lui, nos profondes vallées n'étaient à l'origine que de faibles dépressions des plateaux qui ont été creusées lentement par les cours d'eau qui y circulent, de sorte que le fond des vallées, occupé par les alluvions, s'abaissait lentement en laissant sur les pentes des témoins qui indiquent son ancienne composition. Il résulterait de cette explication que les alluvions sont d'autant plus anciennes qu'elles occupent une position élevée par rapport au thalweg actuel de la vallée.

J'aurais encore à vous parler des terrains qui se forment de nos jours, comme les tourbières, les alluvions modernes etc., mais cela aurait pour vous peu d'intérêt. Je dois donc borner ici cette trop longue description et considérer comme terminée la tâche que je me suis imposée. Il ne me reste plus, Messieurs, qu'à vous présenter mes excuses pour avoir retenu si longtemps votre bienveiliante attention.

NOTE EXPLICATIVE

SUR LE

PROFIL GÉOLOGIQUE A TRAVERS LE

PERCHE-ORNAIS

SUIVANT L'ANCIENNE GRANDE ROUTE DU MANS A PARIS.

Par PAUL BIZET

Conducteur des Ponts et Chaussées à Bellême

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EXPOSÉ. Le profil géologique que nous avons l'honneur de présenter cette année à la Société Géologique de Normandie, traverse normalement une grande partie des collines percheronnes. Il a pour origine le bourg de St-Cosmes-de-Vair (Sarthe) et il se termine à celui de La Loupe (Eure-et-Loir) en passant par Bellème et Rémalard; son étendue est d'environ 53 kilomètres.

Les altitudes de tous ses points ont été relevées au moyen d'opérations de nivellement faites avec des instruments de précision. Les inflexions et les épaisseurs des couches ont été déterminées aussi exactement que possible, à l'aide d'observations barométriques et de calculs basés sur l'inclinaison et la direction. des différentes assises du sol dans cette région. Toutes les fois que les dépressions du terrain l'ont permis, les épaisseurs ont été constatées d'une manière rigoureuse.

La direction que nous avons adoptée est celle de l'ancienne grande route du Mans à Paris, aujourd'hui fort déchue de son ancienne importance et descendue, en grande partie, au modeste rang de chemin vicinal de grande communication.

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ORIENTATION. De St-Cosmes à Bellême, notre profil est, dans son ensemble, orienté N. 35° E. - Entre Bellême et Colonard, cette direction devient N. 60° E; de Colonard jusqu'à Rémalard elle continue encore à s'infléchir vers l'Est et atteint N. 75° E. Au delà de ce bourg, la route remonte vers le Nord-Est (N. 50° E.); ce n'est qu'à partirdu hameau de Freulemont qu'elle prend, jusqu'à la limite du département d'Eureet-Loir, une direction générale N. 73° E. Ensuite elle court à l'Est (E. 10° S.) jusqu'à La Loupe.

En somme, la médiane de ses diverses inflexions peut donc être orientée N. 67°30 E. entre Bellême et La Loupe.

La

OBSERVATIONS GEOLOGIQUES ET PALEONTOLOGIQUES. route que nous avons suivie repose à St-Cosmes sur les couches graveleuses du TERRAIN CORALLIEN à astartes (astarte nysa). Des carrières ouvertes sur le chemin de Contres, à 1 kilomètre à l'Est du bourg, permettent d'étudier la composition de la roche. On y rencontre des trigonies et des astartes en assez grande quantité, mais ces fossiles sont tous à l'état de moules et assez mal conservés. On y trouve aussi des fragments d'encrines et de pentacrines.

La roche, de nature graveleuse et blanchâtre dans les parties élevées, devient dure et de couleur brune dans les bancs inférieurs. Une autre carrière existe au sommet de la côte du Loup-Pendu; elle est ouverte dans les assises supérieures. Ce calcaire repose sur les sables roussâtres du Calcareous-grit visibles sur le bord de la route, au hameau du Vivier. Là une sablière permet de les observer. Ils renferment des nodules de grès concrétionné et ils sont traversés par de petites veines interrompues d'argilithe à la surface desquelles on rencontre des trigonies (trigonia Bronni), quelques astartes, des encrines et des pentacrines. On retrouve ces sables dans les flancs du coteau, à gauche de la route, depuis le Vivier jusqu'au LoupPendu. Ils acquièrent en quelques points une puissance de près de 15 mètres.

En deça d'Igé, au hameau du Loup-Pendu, une faille a causé l'abaissement du système oolithique sur une de ses lèvres, avec relèvement sur l'autre, de sorte que les assises supérieures du Corallien viennent, au sommet du coteau, buter contre la craie glauconieuse à turrilites tuberculatus.- En s'approchant d'Igé, on voit la glauconie affleurer à son tour et recouvrir directement le Coral-Rag sans aucune interposition du Kimméridgien. Dans le bourg d'Igé des carrières assez importantes permettent d'examiner de nouveau le Coral-Rag. C'est un calcaire graveleux, à grosses oolithes et à pisolithes, avec de nombreuses nérinées et quelques astartes. Il repose sur un calcaire ferrugineux compacte qui surmonte les sables du Calcareous-Grit et que l'on doit rencontrer à petite profondeur en cet endroit. Ce même calcaire compacte. se montre dans les talus de la route au hameau des Rocs. On le voit reposer sur les sables roussâtres du Calcareous-Grit, sur les bords escarpés de l'étang de Chanteraine situé, non loin de là, sur

la droite. A partir d'Igé, le Coral-Rag se poursuit d'une façon continue jusqu'à Bellême, en augmentant constamment en puissance, de sorte que ce sont les assises supérieures à dicerates qui apparaissent aux abords de cette ville. Là on peut encore, une dernière fois, voir son contact avec le calcaire compacte ferrugineux et les sables roussâtres du Calcareous grit (hameaux de la Guinguette et de la Fuie).

Les fossiles que l'on trouve le plus communément dans le Coral-Rag sont les suivants : Pholadomya paucicosta (Roemer), diceras minor (Deshayes), Astarte Nysa (d'Orb.), Rynchonella inconstans (d'Orb.), Echinobrissus scutatus (d'Orb.), Pygaster umbrella (Agas.), Hemicidaris crenularis (Agas.), Cyphosoma Bizeti (Cott.). On y rencontre aussi, surtout à la base, de nombreux moules de Trigonies, d'Astartes et de Nérinées d'espèces indéterminables.

Après avoir dépassé le petit monument dit La Croix Feue-Reine, élevé en souvenir du siège de Bellême, par Blanche de Castille, on aperçoit, sur les hauteurs, les premières strates du TERRAIN KIMMÉRIDGIEN, constitué, dans toute la région, par une alternance de couches argileuses ou marneuses et de bancs, peu épais, d'un câlcaire compacte sublithographique, gris bleuâtre. Le contact de ce terrain avec le Coral-Rag se voit dans plusieurs carrières ouvertes dans la ville même, pour l'extraction de pierre de taille et l'alimentation du four à chaux de M. Loriot. En s'avançant vers Rémalard, on retrouve encore plusieurs excavations où le Kimméridgien peut être étudié. Les calcaires compactes de cet étage ne peuvent donner que de la chaux grasse, mais certains bancs des calcaires marneux paraissent susceptibles de fournir de la chaux moyennement hydraulique, ainsi qu'il appert de diverses analyses dont nous présentons ci-dessous les résultats :

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Les propriétés hydrauliques des calcaires marneux du Kimméridgien semblent être constantes dans nos régions, car l'analyse d'un échantillon provenant des carrières du bourg de Ceton ont fourni des résultats encore plus probants; il ont donné une proportion de 13.40 d'argile pour 45.65 de chaux. On a même constaté dans un banc un rapport de 23.30 d'argile pour 38.90. de chaux, c'est-à-dire la composition des meilleurs ciments de Portland. Il est regrettable que, jnsqu'à ce jour, l'industrie n'ait pas essayé de tirer parti de ces roches qui deviendraient alors une véritable source de fortune pour le pays. On nous trouvera toujours disposé à étendre nos recherches de manière à seconder ceux qui voudraient tenter une semblable entreprise. La partie de route comprise entre St-Cosmes et Bellême est particulièrement intéressante, en ce qu'elle a été l'objet d'études de la part d'un de nos plus savants géologues. M. Hébert, membre de l'Institut et professeur à la Sorbonne, l'a parcourue et y a relevé plusieurs coupes qu'il a présentées dans son mémoire intitulé : « Les Mers anciennes et leurs rivages. »

A partir de Bellême, le terrain Kimmeridgien se continue jusqu'à la maison dite de Belle-Vue, avec une puissance de couches d'environ 15 mètres sur les sommets, mais bientôt ses assises disparaissent sous les dépôts de la formation crétacée; elles ne montrent plus d'affleurements que dans les bas fonds de Colonard et de Nocé.

Les fossiles du Kimméridgien sont :

Nautilus giganteus d'Orb.), Nerinca Gosa (Roemer), Natica turbiniformis (Roemer), Pholadomya Protei (Defrance), Ceromya excentrica (Agas.), Astarte minima (Sow.), Trigonia muricata (Romer), Mytilus Jurensis (Merian), Mytilus subpectinatus (d'Orb.), Pinnigena Saussurii (d'Orb.), Ostrea deltoidea (Sow.), Ostrea solitaria (Sow.), Ostrea Bruntrutana (Thurm), Terebratula subsella (d'Orb.). - Sur les hauteurs de Sérigny, dans les couches marneuses des talus du chemin du Theil, nous avons recueilli des fragments de tige d'une presle à laquelle M. Crié, professeur à la Faculté des Sciences de Rennes, a donné le nom d'Equisetum Guillieri.

Un peu au delà de Belle-Vue commencent à apparaître les premières couches crétacées, dont le premier membre est la GLAUCONIE à Ostrea vesiculosa, caractérisée par sa couleur vert foncé, surtout lorsqu'elle est pénétrée d'humidité. Bientôt la CRAIE GLAUCONIEUSE apparaît à son tour et des carrières assez vastes sont ouvertes dans cette formation au lieu dit La Mariette. Ces carrières sont assez

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