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Partie d'une rue de Bourges garnie de maisons du XVIe siècle.

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Maison en encorbellement sur la rivière, à Fontenay (Vendée).

Avec les vieilles maisons qui nous restent dans plusieurs quartiers, il est facile de se faire une idée de nos villes des XVe et XVIe siècles.

Vues d'une position élevée, elles offraient un tableau très-pittoresque. De tous côtés des tours d'églises, de chapelles, de murailles militaires et jusqu'aux clochetons couronnant les escaliers et les cheminées des maisons, présentaient une forêt de pyramides auxquelles venaient se marier les pignons aigus des maisons. Ce tableau offrait le coup-d'œil le plus animé; on peut en juger par beaucoup de vignettes de manuscrits du XVe siècle, représentant les villes de cette époque.

Cet état des villes ne changea qu'au XVIIe siècle : alors on commença à élargir les rues, détruire les fortifications pour faire des promenades, et les maisons en pierre ou en brique prévalurent décidément sur les maisons en bois.

Ajoutons que beaucoup de villes n'étaient pas encore régulièrement pavées; que les rues étaient pleines de fange; que le chaume couvrait encore les maisons du peuple, et que la plus grande malpropreté régnait dans beaucoup de quartiers (1).

Quelques rues n'avaient que 10 pieds de largeur; les plus grandes n'avaient guère plus du double.

ainsi on

Les ouvriers de même profession étaient dans la même rue; connaît, dans beaucoup de villes, la rue aux Fêvres, celles des Pelletiers, des Tonneliers, etc., etc.

Les places peu spacieuses étaient souvent entourées de porches. Les lanternes suspendues régulièrement dans les rues ne datent guère que de la fin du XVIIIe siècle pour les grandes villes (2). Le soir, les personnages notables se faisaient précéder, dans les rues, d'un domestique portant une torche de résine. Quelques hôtels, notamment celui que j'habite à Caen, avaient sous leurs portes, fixé à la muraille, un grand éteignoir en fer pour éteindre les torches en

entrant.

L'abandon du style ogival, longtemps admiré, ce retour vers l'an

(1) Ce ne fut qu'au XVIIe siècle qu'un service régulier fut établi pour nettoyer les rues de Paris; on peut de là conclure que les villes de province ne prirent des mesures analogues que quelque temps après.

(2) Les lanternes dites réverbères et à huile ne datent que du siècle dernier, 1768 pour Paris, 1769 pour Rouen (de La Quérière, ouvrage cité). Il y eut encore à Rouen, après cette époque, des lanternes éclairées par des chandelles de suif.

cienne architecture si opposée de formes au système précédent, est un des phénomènes les plus extraordinaires de la versatilité de l'esprit humain, de cette mobilité qui a produit, à diverses époques, des voltes-face soudaines que les générations suivantes ont quelque peine à s'expliquer.

Il est évident que les causes indiquées dans mon Cours d'antiquités, et dans le volume de l'Abécédaire consacré à l'architecture religieuse, notamment la réaction opérée en faveur de la littérature et des beaux-arts des anciens, d'abord en Italie, puis en France, ont beaucoup contribué à produire cette grande révolution artistique ; cependant on peut l'expliquer aussi par beaucoup d'autres causes.

Quelques-uns ont pensé que les formes de l'architecture antique (le cintre, le carré et les lignes horizontales) se prêtaient mieux à la distribution des maisons et des palais, ce qui put influer puissamment dans l'esprit des architectes sur la préférence qu'ils lui donnèrent.

M. Hope trouve les causes principales de l'abandon du style ogival dans le progrès de l'industrie, des richesses et des connaissances parmi les laïques. Cette émancipation des laïques produisit, d'après lui, le besoin de nouvelles constructions plus nombreuses et plus variées qu'auparavant et qui ne pouvaient plus avoir le caractère religieux dans lequel excellaient les architectes de l'Église. Elle fit sentir plus vivement le désir de secouer le joug de l'influence sacerdotale dans le plan et l'exécution de ces bâtiments, même à une époque antérieure à la Réforme.

« A coup sûr, ajoute M. Hope, on n'a point fait de progrès en revenant aux formes anciennes, on a rétrogradé : si l'on avait pro«gressé, on n'aurait point renoncé à toutes ces dispositions adaptées << aux habitudes sociales et religieuses, qui étaient nées et avaient << grandi avec elles; on n'aurait pas abandonné toutes ces hardiesses << ingénieuses dont les anciens ne s'abstenaient que parce qu'ils ne les • connaissaient pas ; car s'ils les eussent connues, ils eussent volontiers « renoncé pour elles à une foule de formes que la Renaissance s'avisa « de raviver. En un mot, on n'eût point adopté des modes qui, loin « d'être des résultats et des symptômes de progrès, n'étaient, du moins « à mon sens, qu'une rétrogradation vers l'ignorance et la barbarie; << on n'eût pas fait une halte dans la poursuite des beautés essentielles << du style antique, pour ne produire qu'un vrai salmigondis d'an« ciennes formes dépouillées tout à la fois de la perfection mécanique « du style ogival et de la grâce rationnelle de l'antique. »

Je l'ai dit ailleurs, M. Hope a été trop sévère pour l'architecture de la Renaissance, et s'il y a, comme je le crois, beaucoup de vrai dans ses opinions en ce sens qu'en revenant à un style abandonné, on a fait un pas en arrière, cependant il ne faut pas aller jusqu'à nier la grâce du style de la Renaissance et son aptitude à se plier à la distribution des habitations telles que la civilisation moderne les a faites.

Quelle que soit la valeur de ces opinions, il est certain que les architectes, qui adoptèrent le style de la Renaissance, étaient plus à l'aise quand ils bâtissaient des maisons et des palais, que quand ils construisaient des églises, et j'ai déjà dit que les productions de la Renaissance ont été civiles plutôt que religieuses.

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