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dans les larges vallées des Alpes, surtout près de leur extrémité, dans les plaines ou les bassins où elles se terminent, des collines de débris allongées et aplaties par le haut qui ressemblent aux åsars; ainsi la Serra du Piémont en offre un bel exemple.

Difficultés que présente l'explication des phénomènes erratiques des Alpes et des Pyrénées d'après la théorie glaciaire.

Les objections que nous avons faites à la théorie dans laquelle on suppose l'envahissement de la Suède, de la Finlande et des contrées situées au midi de la Baltique par d'immenses glaciers, peuvent aussi s'appliquer aux Alpes, mais avec un degré moindre d'évidence. M. Elie de Beaumor.t a déjà fait voir (1), en comparant les pentes de la limite supérieure du terrain erratique de la vallée du Rhône avec celles des glaciers actuels et des cours d'eau, que les premières sont intermédiaires entre les deux autres, qu'elles sont beaucoup plus faibles que celles des glaciers, mais incomparablement plus grandes que celles des rivières les plus rapides, et qu'elles représentent l'inclinaison de torrents d'une extrême violence.

Si l'on compare l'immense développement qu'auraient dû avoir dans les Alpes les glaciers diluviens avec ce qui a lieu dans les régions polaires, qui possèdent une température moyenne de ——-15o, il paraît difficile d'admettre une extension aussi considérable que l'exige la théorie des glacialistes. Les traces d'usure, de polissage, et les dépôts erratiques s'observent dans toutes les vallées alpines, et sur les pentes des montagnes au-dessous de certaines limites de hauteur; ainsi toute cette région aurait été couverte par des glaciers qui se seraient étendus sur la basse Suisse, sur une grande partie du Jura, et qui auraient envahi le nord de l'Italie jusqu'à la vallée du Pô, car on observe des érosions jusqu'à l'embouchure des vallées alpines, dans les plaines de la Lombardie et du Piémont (ainsi dans la vallée d'Aoste, près Ivrée). Cependant, même dans la partie septentrionale du Spitzberg, où la température se maintient pendant peu de temps au-dessus de zéro, il y a de très grandes étendues de terrain dépouillées de neige et de glace, et les pentes exposées au midi offrent plus rarement des glaciers que celles exposées au nord; on n'en voit point sur les îles qui bordent le littoral; si l'on examine des vues de côtes du Gröenland ou de la nouvelle Zemble, on reconnaît qu'il s'y trouve de grands es

(4) Annales des sciences géologiques de M. Rivière, 1842.

paces sans glaciers ni sans neiges : on a donc de la peine à se représenter des glaciers directement exposés au midi, descendant jusque dans le bassin du Pô, à une hauteur peu considérable au-dessus de la mer. Je pense que l'on s'exagère l'influence des climats humides pour favoriser le développement des glaciers : cette influence est réelle, mais moindre qu'on ne le suppose; ainsi sur les régions littorales du nord de la Norvége, de l'Islande, et sur les iles de l'océan glacial, qui offrent les types les mieux caractérisés des climats humides, on n'observe pas un développement d'effets glaciaires semblable à celui qui aurait eu lieu dans les Alpes lors de la période diluvienne.

On sait que sur le flanc méridional du Jura les blocs erratiques amenés le long de la vallée du Rhône se sont déposés depuis Gex jusqu'à Bienne: si l'on réfléchit à la grande étendue en largeur occupée par ce dépôt, il paraît peu probable que ce soit la moraine frontale du glacier que l'on suppose avoir rempli la vallée du Rhône. En effet, avant de déboucher dans la plaine suisse, ce glacier n'aurait eu que deux lieues de largeur au plus, tandis que sur la pente du Jura sa largeur eût été de plus de 30 lieues; ainsi depuis Villeneuve jusqu'à la montagne de Chasseron, sur une distance d'à peu près 15 lieues, il se serait élargi de plus de 28 lieues. Je pense que les glaciers sont susceptibles de s'étendre un peu lorsque leur lit vient à s'élargir; mais lors même qu'on les considère comme des masses douées de viscosité ou de plasticité, il paraît difficile d'admettre qu'ils puissent subir une pareille expansion.

Si l'on examine l'élévation du terrain erratique au-dessus du fond de la vallée du Rhône, on remarquera qu'elle diminue très peu depuis l'origine de cette vallée jusqu'à son embouchure dans le bassin du lac de Genève, et là où il y a une diminution de hauteur, elle paraît tenir principalement à l'élargissement de la vallée ; ainsi, d'après M. de Charpentier, dans les environs de Bex et d'Aernen, la limite supérieure du terrain erratique est à environ 2,800 pieds au-dessus du Rhône ; depuis Brieg jusqu'au - dessous de Martigny (partie large), elle est à 2,500 pieds; mais entre Martigny et Saint-Maurice, où la vallée se resserre, la limite s'élève jusqu'à 3,000 pieds, et, depuis là, l'élargissement qui a lieu la maintient à 2,300 pieds jusqu'à l'entrée dans la Basse - Suisse. L'épaisseur du glacier, supposé avoir produit le terrain erratique, aurait donc varié en raison des élargissements et rétrécissements de la vallée, mais elle n'aurait éprouvé qu'une faible diminution sur un parcours de 134 kilomètres, qui, en supposant un avancement de 200 mètres par an, aurait exigé un laps de temps de 670 ans.

dans les larges vallées des Alpes, surtout près de leur extrémité, dans les plaines ou les bassins où elles se terminent, des collines de débris allongées et aplaties par le haut qui ressemblent aux åsars: ainsi la Serra du Piémont en offre un bel exemple.

Difficultés que présente l'explication des phénomènes erratiques des Alpes et des Pyrénées d'après la théorie glaciaire.

Les objections que nous avons faites à la théorie dans laquelle on suppose l'envahissement de la Suède, de la Finlande et des contrées situées au midi de la Baltique par d'immenses glaciers, peuvent aussi s'appliquer aux Alpes, mais avec un degré moindre d'évidence. M. Elie de Beaumont a déjà fait voir (1), en comparant les pentes de la limite supérieure du terrain erratique de la vallée du Rhône avec celles des glaciers actuels et des cours d'eau, que les premières sont intermédiaires entre les deux autres, qu'elles sont beaucoup plus faibles que celles des glaciers, mais incomparablement plus grandes que celles des rivières les plus rapides, et qu'elles représentent l'inclinaison de torrents d'une extrême violence.

Si l'on compare l'immense développement qu'auraient dû avoir dans les Alpes les glaciers diluviens avec ce qui a lieu dans les régions polaires, qui possèdent une température moyenne de —15o. il paraît difficile d'admettre une extension aussi considérable que l'exige la théorie des glacialistes. Les traces d'usure, de polissage, et les dépôts erratiques s'observent dans toutes les vallées alpines, et sur les pentes des montagnes au-dessous de certaines limites de hauteur; ainsi toute cette région aurait été couverte par des glaciers qui se seraient étendus sur la basse Suisse, sur une grande partie du Jura, et qui auraient envahi le nord de l'Italie jusqu'à la vallée du Pô, car on observe des érosions jusqu'à l'embouchure des vallées alpines, dans les plaines de la Lombardie et du Piémont (ainsi dans la vallée d'Aoste, près Ivrée). Cependant, même dans la partie septentrionale du Spitzberg, où la température se maintient pendant peu de temps au-dessus de zéro, il y a de très grandes étendues de terrain dépouillées de neige et de glace, et les pentes exposées au midi offrent plus rarement des glaciers que celles exposées au nord; on n'en voit point sur les îles qui bordent le littoral; si l'on examine des vues de côtes du Gröenland ou de la nouvelle Zemble, on reconnaît qu'il s'y trouve de grands es

(1) Annales des sciences géologiques de M. Rivière, 4842.

paces sans glaciers ni sans neiges : on a donc de la peine à se représenter des glaciers directement exposés au midi, descendant jusque dans le bassin du Pô, à une hauteur peu considérable au-dessus de la mer. Je pense que l'on s'exagère l'influence des climats humides pour favoriser le développement des glaciers : cette influence est réelle, mais moindre qu'on ne le suppose; ainsi sur les régions littorales du nord de la Norvége, de l'Islande, et sur les îles de l'océan glacial, qui offrent les types les mieux caractérisés des climats humides, on n'observe pas un développement d'effets glaciaires semblable à celui qui aurait eu lieu dans les Alpes lors de la période diluvienne.

On sait que sur le flanc méridional du Jura les blocs erratiques amenés le long de la vallée du Rhône se sont déposés depuis Gex jusqu'à Bienne : si l'on réfléchit à la grande étendue en largeur occupée par ce dépôt, il paraît peu probable que ce soit la moraine frontale du glacier que l'on suppose avoir rempli la vallée du Rhône. En effet, avant de déboucher dans la plaine suisse, ce glacier n'aurait eu que deux lieues de largeur au plus, tandis que sur la pente du Jura sa largeur eût été de plus de 30 lieues; ainsi depuis Villeneuve jusqu'à la montagne de Chasseron, sur une distance d'à peu près 15 lieues, il se serait élargi de plus de 28 lieues. Je pense que les glaciers sont susceptibles de s'étendre un peu lorsque leur lit vient à s'élargir; mais lors même qu'on les considère comme des masses douées de viscosité ou de plasticité, il paraît difficile d'admettre qu'ils puissent subir une pareille expansion.

Si l'on examine l'élévation du terrain erratique au-dessus du fond de la vallée du Rhône, on remarquera qu'elle diminue très peu depuis l'origine de cette vallée jusqu'à son embouchure dans le bassin du lac de Genève, et là où il y a une diminution de hauteur, elle paraît tenir principalement à l'élargissement de la vallée ; ainsi, d'après M. de Charpentier, dans les environs de Bex et d'Aernen, la limite supérieure du terrain erratique est à environ 2,800 pieds au-dessus du Rhône ; depuis Brieg jusqu'au – dessous de Martigny (partie large), elle est à 2,500 pieds; mais entre Martigny et Saint-Maurice, où la vallée se resserre, la limite s'élève jusqu'à 3,000 pieds, et, depuis là, l'élargissement qui a lieu la maintient à 2,300 pieds jusqu'à l'entrée dans la Basse - Suisse. L'épaisseur du glacier, supposé avoir produit le terrain erratique, aurait donc varié en raison des élargissements et rétrécissements de la vallée, mais elle n'aurait éprouvé qu'une faible diminution sur un parcours de 134 kilomètres, qui, en supposant un avancement de 200 mètres par an, aurait exigé un laps de temps de 670 ans.

Ce fait a lieu d'étonner quand on voit les glaciers actuels, inême à une élévation de 6 à 7,000 pieds, éprouver chaque année, à leur surface supérieure, une ablation de plusieurs mètres; cette destruction superficielle est loin d'être compensée par l'accroissement que peuvent éprouver les glaciers à l'intérieur, par la congélation de l'eau qui s'y infiltre; elle augmente à mesure que les glaciers descendent dans des zones atmosphériques de plus en plus chaudes, et les maintient dans leurs limites actuelles. Pour que l'ablation des glaciers diluviens ait été très minime et ait pu être compensée par l'accroissement provenant de la congélation à l'intérieur, il aurait fallu qu'à cette époque le climat fût peu différent de celui qui existe aujourd'hui dans la zone des neiges permanentes; mais il est remarquable que sur le Chasseron (versant méridional du Jura) le dépôt des blocs erratiques s'élève, d'après les mesures de M. de Buch, jusqu'à 3 100 pieds au-dessus de la plaine suisse, tandis qu'à Villeneuve il ne s'élève qu'à 2,300 pieds au-dessus du Rhône; il faudrait donc qu'en traversant la plaine il eût éprouvé une augmentation d'épaisseur de 800 pieds, malgré son énorme élargissement, ou bien qu'il eût remonté sur la pente du Jura, conséquences difficiles à admettre si les glaciers se meuvent sous l'action de la gravité, comme le démontrent les expériences de M. Forbes.

Considérations comparatives sur les théories glaciaire et diluvienne.

Néanmoins, il faut reconnaître à la théorie glaciaire un avantage incontestable, celui de faire intervenir des agents qui produisent encore de nos jours, mais sur une échelle beaucoup plus petite, des effets analogues à ceux qui ont eu lieu anciennement, et c'est cet avantage qui lui a conquis beaucoup de partisans dans ces dernières années, tandis que, dans la théorie diluvienne, les causes que l'on suppose avoir été en jeu ne fonctionnent pas aujourd'hui dans les mêmes conditions qu'autrefois, et, par suite, elles ne produisent pas sous nos yeux des effets tout-à-fait semblables à ceux du phénomène erratique; ainsi on n'a pas observé que l'eau des rivières produisît des érosions en forme de stries fines, lors même qu'elle entraîne avec elle des sables et des graviers; il est effectivement peu probable que des grains de sable disséminés dans un courant d'eau puissent entamer la surface de roches très dures et y creuser des cannelures rectilignes; mais si une masse énorme de détritus, formant un courant boueux d'une grande épaisseur, est entraînée avec rapidité, elle exercera un frottement

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