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à celles du Pterodon, et ces dents ne peuvent être autre chose que des carnassières dont les racines ont des formes et des nombres constants et particuliers tels que nous les trouvons dans le fossile.

On peut donc conclure de l'examen du système dentaire : 1o que les Pterodon, Taxotherium et Hyanodon ne constituent pas des genres particuliers, et qu'il est impossible de les placer dans les genres des Subursus et des Canis, quand même on voudrait les séparer; 2o que le genre auquel ils ont appartenu offre dans sa dentition les caractères essentiels de deux animaux de l'ancien genre des Dasyurcs, c'est-à-dire une plus grande complication dans les nombres de la partie carnassière, de même que les insectivores didelphes comparés aux monodelphes présentent une augmentation constante dans la même partie du système, c'est-à-dire dans les mâchelières insectivores. Mais le genre fossile se distingue par l'absence d'une quatrième paire d'incisives à l'intermaxillaire. Il doit donc recevoir un nom linnéen spécial qui permette de le ranger à côté des Thylacynes dans l'ancien grand genre des Dasyures, où il constituera une forme plus voisine des monodelphes que le genre précité, qui, comme on le sait, a déjà ses os marsupiaux réduits à des cartilages. Le nom de Taxotherium doit être rejeté comme essentiellement impropre; celui de Hynodon l'est presque autant, puisqu'il rappelle un genre qui n'a aucun rapport avec les fossiles, cependant il a la priorité. Le nom de Pterodon, indiquant la disposition si caractéristique des trois carnassières, nous semble en tout préférable aux deux autres, et devoir être adopté, en lui donnant une plus grande extension générique, ou plutôt une interprétation différente de celle pour laquelle il a été créé.

Le genre Pterodon Pom. (non Blainv.) devra renfermer quatre espèces 1° P. Parisiensis, Blainv.; 2° P. Cuvieri (Taxotherium, Blainv.), différentes par leurs avant-molaires supérieures, et appartenant toutes deux aux gypses de Paris; 3' P. leptorynchus (Hyænodon leptorynchus, Laiz. et Par.), d'Auvergne; 4o P. brachyrynchus (Hyænodon, Dujard.), du Tarn; ces deux derniers trouvés dans des couches miocènes.

On a encore objecté à cette manière de voir l'absence des lacunes d'ossification du palais; il est facile de voir que c'est un caractère tout à fait secondaire; car dans les insectivores monodelphes, par exemple, ces lacunes existent dans certains genres, Macroscelis, Erinaceus, et manquent dans beaucoup d'autres. En second lieu, on ne peut méconnaître que si le rétrécissement post-orbitaire

n'est pas aussi prononcé que dans le Thylacyne, il n'en est pas moins évident que le crâne des fossiles est singulièrement réduit des proportions qu'il a dans les carnassiers monodelphes, par où il est plus semblable aux didelphes; et enfin, lorsqu'on considère que l'angle de la mâchoire a son apophyse bien moins saillante à l'interne dans le Dasyure thylacyne que dans le Dasyure ourson, et que celui-là tient évidemment le milieu entre celui-ci et l'Hyænodon (car il est inexact de dire que ce dernier a l'apophyse angulaire comme les Canis), on est en droit de conclure que le Pterodon ne peut être rejeté, pour ce caractère, de la sous-classe des Didelphes, et que tout au plus cette particularité tend à le rapprocher un peu plus des vrais carnivores monodelphes, comme cela a aussi lieu pour la partie incisive de son système dentaire.

M. le vice-secrétaire donne lecture d'une note de M. Chaubard, ayant pour titre :

Observations relatives à la note de M. Constant Prévost sur les ossements fossiles de Sansan, insérée au Bulletin du 2 mars 1846, p. 338 et suiv. ; par M. A. Chaubard.

L'autorité d'un géologue aussi célèbre et aussi consciencieux que M. Constant Prévost ne pouvant manquer de faire sensation sur les personnes qui ne connaissent pas le bassin de la Garonne, j'ai cru qu'il était de mon devoir de redresser quelques assertions qui, dans sa note sur les ossements fossiles de Sansan, m'ont paru

peu exactes.

1o Selon M. Constant Prévost, c'est presque toujours près de la surface, dans des matières meubles ou peu consistantes, que les fossiles du bassin de la Garonne ont été rencontrés et se rencontrent tous les jours (p. 339 et 340 ). Si M. Constant Prévost eût dit que dans sa course au travers du bassin de la Garonne, il n'a vu, dans les collections, que des fossiles recueillis dans les terrains meubles et principalement dans les terrains de la grande formation de transport, fort improprement dite diluvium par certains géologues, son assertion serait l'expression de la vérité. Mais M. Constant Prévost parle sans restriction, et là est l'inexactitude. Ce n'est pas seulement dans le terrain meuble de la grande formation de transport, composé de gravier, de sable et de marne, et qui a tout recouvert dans le bassin de la Garonne, que se trouvent les dépouilles fossiles. On en rencontre pour le moins autant et plus même dans les roches du troisième étage de sable et cal

caire qui, de part et d'autre de la Garonne, s'élève à 150 mètres ou environ au-dessus de la mer. Mais ceux-là sont rarement recueillis et ne peuvent l'être, parce qu'ils sont engagés dans un calcaire gris tellement dur et compacte, qu'il supporte le poli gras du marbre noir. C'est au reste à ce troisième étage de sable et calcaire qu'appartient la sommité même de Sansan, ainsi que celle de toutes les collines du second ordre au S. de la Garonne. Si le sommet de la colline de Sansan a fourni tant d'espèces à la science, c'est parce qu'en cette localité la facilité de les extraire du rocher presque avorté de ce lieu, et surtout le zèle aussi louable que rare de M. Lartet, sont venus en aide à la science. Ce troisième étage de sable et calcaire, auquel appartient le sommet de Sansan, est caractérisé dans la contrée par un horizon géognostique facile à saisir et qui fait rarement défaut. C'est un banc de grosses Huîtres, grandes comme la main, connues à l'état vivant sous le nom d'Ostrea hyppopus, et à l'état fossile sous les déno minations d'O. longirostris, O. crassissima,O.virginea qui n'en sont que des variantes liées entre elles par tous les intermédiaires désirables. Ce banc se trouve en place, dans cette contrée, au-dessus de ce troisième étage de sable et calcaire, partout où le quatrième étage est venu le recouvrir. Autrement les Huîtres se rencontrent dans les champs où il est aisé de les trouver, surtout après une pluie qui, en les lavant, leur rend leur blancheur et leur forme. Ainsi, ce n'est pas seulement dans les terrains meubles et à la surface que se trouvent les fossiles du bassin de la Garonne, comme a dû le croire M. Constant Prévost à l'inspection des collections, mais encore et avec plus d'abondance même dans l'intérieur des collines et à 150 mètres au-dessus du niveau de la mer.

2o Selon M. Constant Prévost, il y aurait mélange dans le bassin de la Garonne entre les coquillages marins et les ossements d'animaux terrestres. Il est aisé de comprendre qu'au voisinage du contact ces deux sortes de dépouilles puissent former un pêlemêle; mais ce n'est là qu'un fait local sans conséquence. Partout ces dépouilles terrestres se trouvent dans des bancs distincts et superposés à ceux où se voient les dépouilles de la mer. C'est comme dans le bassin de la Seine où les bancs de calcaire à coquilles terrestres et d'eau douce se montrent superposés aux bancs de calcaire à coquilles marines. Quant aux ossements isolés et séparés du reste du squelette, et qui sont ordinairement plus ou moins usés par le frottement, ce n'est pas ceux qui ont été voiturés avec les dépouilles marines qui se montrent ainsi, mais bien ceux qui y sont arrivés avec les graviers et les sables. Ceux qui se trou

vent dans les gisements de calcaire analogues à celui de Sansan c'est-à-dire ceux qui gisent dans les marnes ou dans les calcaires, sont entiers, peu séparés du squelette; mais, on le répète, ceuxlà ne pouvant être extraits de la roche dure dans laquelle ils sont engagés, ne figurent point dans les collections, et M. Constant Prévost, en visitant ces collections, a dû être trompé à cet égard.

Je ne saurais terminer ces observations sans remarquer combien il est à regretter pour la science que des hommes du mérite et de l'antorité de M. Constant Prévost et de M. Dufrénoy n'aient pu parcourir en détail, dans ce pays classique, des terrains dits tertiaires, où tout se voit à découvert, où, l'horizontalité des couches n'ayant pas été détruite par les convulsions du globe qui les ont dérangées partout ailleurs, on peut les suivre avec la plus complète facilité d'une colline à l'autre, sans jamais les perdre de vue, et les voir former les cinq gradins de sable et calcaire qui composent les hautes collines de ces contrées. Si M. Constant Prévost, qui sait si bien voir, et est doué de tant de circonspection, de zèle et de bonne foi, eût exploré cet intéressant bassin, qui n'a encore été étudié que par M. Boué et par celui qui écrit ces lignes, il n'eût pas cherché à expliquer sa formation par son ingénieux système des affluents d'eau douce. Il aurait vu, comme tout le monde, que dans tous les vallons des grandes rivières et dans tous les vallons latéraux, les angles rentrants et les angles saillants se montrent toujours vis-à-vis l'un de l'autre, et attestent l'intervention d'un courant venant de la mer, et augmentant progressivement de niveau. Il eût vu que les graviers de la grande formation de transport, qui a tout recouvert, sont pareillement dus à une invasion de la mer; car partout, dans la direction de ces courants, on trouve des amas de gravier, tandis que latéralement on ne trouve que des sables et des marnes. Ces graviers appartiennent évidemment aux roches des Pyrénées; mais cela n'empêche pas qu'ils ne soient venus de la mer. Le fond de l'Océan, à l'embouchure de la Garonue et sur la côte de Gascogne, n'en contient pas d'autres; et il ne faut pas s'imaginer que la Garonne les y ait apportés, car cette rivière, même dans ses plus fortes crues, ne voiture plus que de la vase pendant les 12 derniers myriamètres de son cours vers l'Océan.

M. Constant Prévost, présent à la séance, répond: 1o A la première observation de M. Chaubard : qu'il n'a jamais pensé que les ossements fossiles du bassin de la Garonne

se trouvaient exclusivement à la surface du sol et dans les matières meubles ou peu consistantes; il a dit, au contraire (Comptes-rendus des séances de l'Académie des sciences, 30 juin 1845): Tous ces animaux, dont les débris ne se rencontrent que très rarement et par hasard à la surface du sol, sont presque toujours enfouis dans et sous des couches solides de plusieurs mètres d'épaisseur, etc.

Dans le Bulletin de la Société géologique, pag. 342, 345, séance du 2 mars 1846, il a donné avec détail la description, et, page 339, la coupe de la colline de Sansan, desquels il résulte évidemment que les ossements sont dans des couches solides, épaisses, profondes, dont plusieurs sont à plus de 150 mètres au-dessus du niveau actuel de la mer.

2o A la seconde observation: que non seulement le mélange des animaux terrestres, d'eau douce et marins, est incontestable sur une grande étendue du bassin de la Garonne (les Landes, l'Armagnac, le Condomois), comme il est dit page 340 du Bulletin, mais qu'il est également certain que le centre et le pourtour de l'ancien golfe sous-pyrénéen (département du Gers, rives gauche et droite de la Garonne actuelle jusqu'auprès de l'embouchure du Lot), sont exclusivement occupés par des formations d'eau douce, tandis que des formations marines ou fluvio-marines remplissent la partie O. ouverte à la mer.

C'est cette disposition qui conduit naturellement M. Constant Prévost à faire à la géologie des terrains tertiaires de la Garonne l'application de la théorie des affluents que depuis longtemps il avait proposée pour expliquer une distribution analogue des formations et des fossiles dans les autres bassins, de la France notamment.

En effet, de même que dans l'ancien golfe de la Seine, les formations d'eau douce des terrains tertiaires occupent les parties à l'E. et au S. de Paris, les formations marines celles à I'O. et au N., et les formations fluvio-marines ou de mélange. le centre;

Que, dans la grande vallée de la Loire, les formations d'eau douce se voient depuis la Haute-Auvergne jusque dans l'Orléanais, et que, dans la Touraine et au-delà, commencent à se montrer les formations marines de rivage, puis pélagiennes.

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