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élévation. Souvent même sur des plateaux ondulés dont les parties hautes atteignent 1000 à 1200 mètres, et qui présentent des différences de niveau de 3 à 400 mètres, comme ceux de la contrée de Röraas, les stries possèdent une allure propre et indépendante de la disposition des accidents de terrain. Dans les régions montagneuses, où il y a des vallées profondes et encaissées entre des flancs abruptes, on voit des sulcatures dirigées dans le sens des vallées; mais souvent sur les hauteurs qui bordent ces déchirures on voit des stries disposées obliquement ou transversalement, produites par des agents érosifs qui ont dù passer par dessus les vallées. Quelquefois on voit des stries descendre des plateaux environnants dans les vallées, suivant des lignes obliques, et venir couper les sulcatures creusées parallèlement au Thalveg, comme je l'ai remarqué sur le flanc droit de la vallée de la Driva, entre Kongsvold et Drivstuen. D'autres fois, au contraire, les stries sortent de la vallée et se reportent sur le plateau adjacent ; c'est ce qui a lieu, par exemple, dans la vallée du Nid Elv (Norvége méridionale): sur la rive gauche du lac Nisser, on voit, comme l'a indiqué M. Keilhau sur une carte de ce pays, des stries quitter la vallée, dirigée ici du N. au S., et s'élever vers l'O.-N.-O., en faisant un angle d'environ 60° avec l'axe de la vallée, et se portant vers le plateau situé à l'E., qui est élevé de plus de 1000 pieds audessus du lac Nisser.

Je signalerai encore une circonstance qui me paraît importante : ce ne sont pas les vallées longues et profondes, se rattachant aux plus hautes cimes, qui ont produit les grands systèmes de sulcatures; ainsi les agents érosifs descendus le long de la vallée du Guldbrandsdal, une des grandes vallées norvégiennes, qui remonte jusqu'au pied du Sneehättan et reçoit un grand nombre d'affluents, ces agents, qui s'avançaient du N.-N.-O. vers le S.-S.-E., ont laissé des traces peu nombreuses sur les collines mamelonnées du lac Miösen. Les sulcatures qui sont le plus marquées entre le lac Miösen et Christiania dérivent du N.-N.-E., de régions où les cimes sont comparativement peu élevées; et les forces érosives, au lieu de suivre le cours d'une grande vallée, ont franchi beaucoup de plateaux et de vallons dans un sens oblique à celui de leur allongement.

Classement des directions des stries.

Pour classer les directions des sulcatures, j'ai divisé les espaces que j'ai explorés en zones, dont chacune présente une certaine homogénéité et la prédominance de stries disposées de la même

manière; puis j'ai réuni par tableaux les directions observées dans chaque zone, d'après le même procédé qu'a employé M. Élie de Beaumont pour les directions des couches de gneiss dans les montagnes des Maures et de l'Estérel (1). Dans ces tableaux, les sulcatures appartenant à un même système se trouvent disposées par groupes, de façon que dans les zones où il y a plusieurs systèmes, chacun d'eux se manifeste par un groupe particulier qui en indique la direction normale. Il est à remarquer que les directions dépendant d'un même système sont réparties sur une étendue angulaire un peu grande, qui est rarement inférieure à 45°; cela provient d'abord de ce que les agents érosifs ont éprouvé des variations dans leur marche à travers un pays qui n'est pas tout-àfait plat, et puis à ce que les stries latérales observées sur les deux côtés des monticules ne présentent pas exactement la même direction que celles tracées suivant une ligne médiane, et il en résulte une cause d'erreur qu'il est impossible d'éviter complétement.

Ce mémoire n'étant qu'un résumé des principaux faits que j'ai observés, l'énumération de toutes les directions de stries serait beaucoup trop longue pour y trouver place, vu qu'elles sont fort nombreuses : elle fera partie du mémoire plus détaillé qui doit être imprimé dans les voyages en Scandinavie; je ne présente donc que les tableaux définitifs. Les nombres de directions relatifs à chaque angle ont été doublés, afin d'éviter la fraction 1/2; toutes les directions sont rapportées aux méridiens astronomiques.

Système d'érosions s'étendant des environs de Calmar au lac d'Östersund.

Dans la région située au midi de Stockholmn et de la partie orientale du lac Mälar, entre Mariefred, Nyköping, Linköping, sur le littoral et les îles de l'Archipel de Stockholm, toutes les stries que j'ai observées se rattachent à un même système dirigé en moyenne du N. 25° O. au S. 25° E., et sont pour la plupart comprises entre le N. 15° O. et le N. 40° O. (voir le tableau n° 1). Ce système d'érosions se montre seul le long du littoral, depuis Stockholm jusqu'aux environs de Calmar, et je l'ai suivi en remontant vers le N. depuis Stockholm jusqu'au-delà du 63° deg é de latitude, jusqu'au-delà du bourg de Marby, sur la rive occidentale du lac d'Östersund, où je les ai vues dirigées de la même manière que sur le littoral de Stockholm.

(1) Explication de la carte géologique de France, t. I, p. 465.

Le tableau no 2 comprend toute l'étendue de terrain située depuis Sala jusqu'à la maison de poste de Kläppa sur le lac d'Östersund; j'ai fait ce trajet en passant par Falun, le lac Siljan, Furudal, Carlsberg, Karböle, Berg, Skatgård et Kläppa. Toutes les directions que j'ai mesurées soit dans les plaines, soit sur les montagnes, sont comprises entre le N. et le N. 40° O. ; elles ne forment qu'un seul groupe, dont la direction moyenne N. 20o O. ne diffère que de 5o de celle relative à la contrée de Stockholm et Linköping. Dans cette zone, les agents sulcateurs ont traversé obliquement plusieurs vallées, celles du Ljusne-Elf, de l'Oreân et du DalElf, des dépressions occupées par des lacs; ils ont franchi les rochers avoisinant le Siljan et le Storsjön, et qui s'élèvent jusqu'à 200 mètres au-dessus de ces lacs : sur le haut des montagnes de Carlsberg et de Gymås, ils ont buriné leur empreinte exactement dans le même sens qu'au bord des lacs, c'est-à-dire du N.-N.-O. au S.-S.-E.

Disposition des stries dans l Uplande.

Dans l'Uplande (province d'Upsal), les stries sont dirigées d'une manière un peu différente : au lieu de venir de l'intérieur des terres, comme celles de Falun et du lac Siljan, la plupart dérivent du golfe de Botnie; il y en a encore quelques unes du N. N.-O. au S. S.-E., mais celles-ci sont croisées par des sulcatures beaucoup plus nombreuses qui viennent du N. et du N.-N.-E. Dans la partie de l'Uplande que j'ai explorée, entre Danemora, Upsal et Sala, la direction la plus répandue est du N. au S. : c'est celle indiquée dans le tableau no 3; mais sur la côte de Gefle et d'Öregrund, la plupart des stries observées par M. Sefström courent entre le N. N.-E. et le N.-E. Les agents erratiques, qui ont tracé les stries de l'Uplande dirigées du N. et N. N.-E., se sont élevés du golfe de Botnie vers la terre ferme ; car le côté choqué est tourné vers la mer. Leur empreinte est le plus fortement marquée sur les rochers de la côte de Gefle et d'Öregrund, parce qu'ils se sont trouvés exposés le plus directement à leur action; mais, à une certaine distance de là, vers le S.-O. leurs traces deviennent beaucoup moins marquées, et les stries du système N.-N.-O. redeviennent prédominantes. On peut expliquer cette circonstance en supposant que le système N.-N.-O. est le plus moderne, et qu'il a effacé l'autre; il est effectivement le plus marqué sur la zone qu'il a envahie.

Soc. géol., 2 série, tome IV.

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Dans la contrée située au midi de la partie occidentale du lac Mälar, entre Strängnäs, Thorshalla et Malmköping, la plupart des stries sont dirigées du N. N.-O. au S. S.-E., et appartiennent évidemment au même système que celles du littoral compris entre Stockholm et Calmar, comme l'indique le tableau no 4; mais il ya, en outre, quelques directions groupées autour de la ligne NS qui se rattachent probablement au même système que celles de l'Uplande.

Deux systèmes d'érosions dans la contrée d'Åreskuttan.

Le tableau no 5 est composé des directions de stries que j'ai observées depuis le lac d'Östersund, ou Storsjön, jusqu'au col de Skalstuga, sur la frontière de Norvége (route d'Östersund à Drontheim), sur les bords du lac Liten et du lac Kalln, sur les flancs et la crête de la montagne d'Åreskuttan; l'O. 33° N. est la direction normale du système sulcateur qui prédomine dans cette contrée, et qui en a buriné les rochers dans un sens à peu près parallèle à la direction des accidents de terrain, en s'avançant de l'E.-N.-O. vers l'E.-S.-E. On remarque dans ce tableau un autre petit groupe beaucoup moins abondant, dirigé du N. 15° E. au S. 15° 0.; ces stries ont été creusées du N. vers le S, et coupent les précédentes sous des angles de 70 et 75°. J'ai vu plusieurs exemples de ces intersections, ainsi près du bourg d'Härsta et près d'Hjerpen; on voit sur un rocher, proche de ce village, des stries courant de l'O. 36° N. à l'E. 36° S., et d'autres du N. 22° E. au S. 22o O., faisant avec les premières un angle de 76°. Le caractère des côtés frappés et abrités indique que les forces érosives venaient de l'O.N.-O. et du N.-N.-E.

Directions observées entre le lac Miösen et Christiania.

Le tableau no 6, résumant les directions observées sur la rive orientale du Miösen, entre ce lac et Christiania, présente trois groupes; un premier, peu important (N. 22° 0.), se compose de stries dérivant de la vallée du Guldbrandsdal; un autre (E. 35° N.) renferme quelques directions observées un peu au N. de Christiania et se rattache probablement à un système d'érosions que nous allons voir très développé sur la côte orientale du golfe de Christiania. Le troisième groupe (N. 13° E.), qui est ici le plus important de tous, paraît se rattacher au même ensemble de stries que le groupe (N. 15o E.) du tableau précédent.

Deux systèmes d'érosions sur le côté oriental du Skager-rack et du Cattegat.

Les deux tableaux n° 7 et n° 8 embrassent les zones littorales situées sur le côté E. du Skager-rack, ou golfe de Christiania, et du Cattegat, depuis Christiania jusqu'à Kongelf, et depuis Kongelf jusqu'à Varberg (au midi de Göteborg). Chacun de ces tableaux indique les deux mêmes systèmes d'érosions, l'un dirigé du N. 15° E. au S. 15° O., l'autre du N.-E. au S.-O. ; mais daus la première zone prédomine le système N. 15° E., et dans la seconde le système N.-E., qui offre alors pour direction moyenne l'E. 35° N. Le système N. 15° E. coïncide avec celui que nous avons observé entre le lac Miösen et Christiania, et probablement aussi avec le système analogue du tableau no 5.

Intersection des deux systèmes.

Entre Christiania et Varberg, on voit fréquemment se couper les stries appartenant aux deux groupes N. 15° E. et N. 45 ou 55° E.; et quelquefois l'intersection a lieu sous des angles beaucoup plus considérables que l'angle 30 à 40o des directions normales: ainsi, que l'on examine la surface des collines basses et arrondies, entre lesquelles coule le Göta Elf, principalement celles de la rive droite, entre la maison de poste de Holm et Kongelf, on verra se succéder brusquement des sulcatures dont la direction est comprise entre le N.-S. et le N.-N.-E., et d'autres courant entre le N.-E. et l'E.N.-E.; entre Holm et Backa, je les ai vues, sur un même rocher, se croiser sous un angle de 65°.

Les régions qu'ont traversées les systèmes sulcateurs du N. 15o E. et du N.-E. sont arrosées par un grand nombre de cours d'eau parallèles entre eux, qui descendent du N.-N.-O. vers le S.-S.-E. : ainsi ils ne sont pas descendus le long des pentes que suivent aujourd'hui les rivières, et ils ont dù couper, sous des angles plus ou moins grands, les vallées où elles coulent; ces vallées sont en général peu profondes, bordées de rochers mamelonnés et discontinus.

En combinant les observations que je viens d'exposer avec celles qu'a faites M. Sefström, il y a plusieurs années, on peut apprécier les caractères généraux du mouvement des appareils sulcateurs qui ont strié la partie méridionale de la Suède, et, pour faciliter cette appréciation, j'ai joint à cette notice une petite carte, sur laquelle j'ai tracé les stries observées par moi en Suède, en Norvége et en

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