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qu'il n'a été élevé qu'après la destruction de l'idolâtrie à Poitiers. et dans le temps de la décadence de l'art.

D'un autre côté, les ornements en briques incrustées formant une sorte de marqueterie, appartiennent au V... et au Vle. siècles plutôt qu'à des temps antérieurs, et la croix sculptée deux fois sur les façades annonce bien un temple chrétien..

Mais dira-t-on: la forme de l'édifice ne ressemble point à celle d'une église. Cette objection qui a souvent été reproduite, me paraît facile à résoudre.. Il est maintenant, en effet, bien prouvé que l'église Saint-Jean a servi en même temps d'oratoire et de baptistaire. En faisant des fouilles, on a découvert, au dessous du pavé, une piscine octogone revêtue de marbre (v. la pl. XLV ), dans laquelle on avait administré le baptême par immersion, et Dom Martenne rapporte qu'autrefois on ne baptisait jamais dans les autres paroisses de Poitiers, et que l'église Saint-Jean servait de baptistaire à toute la ville (1).

(1) Voyage littéraire, p. 3. D'après l'ancien cérémonial de Poitiers, que l'on croit écrit au xin. siècle, l'évêque devait baptiser chaque année, le Samedi-Saint, deux garçons et une fille dans l'église St.-Jean.

La forme insolite du monument me semble donc suffisamment expliquée par sa double destination.

Saint-Samson-sur-Rille (Eure).On a détruit tout récemment la seule église située en Normandie, que l'on pût attribuer avec certitude à une époque antérieure au X. siècle, et les amis des arts s'affligent à juste titre de cette perte irréparable. Heureusement M. Le Prévost nous a donné de cet édifice une description intéressante dans laquelle j'ai puisé les détails que je vais vous présenter (1).

Dans son dernier état, l'église Saint-Samsonsur-Rille n'appartenait pas tout entière à une époque antérieure à l'invasion normande; mais une partie des murs pouvait, selon toute apparence, être rapportée au VIII. siècle.

L'un des murs latéraux de la nef offrait, particulièrement dans sa partie supérieure et autour des fenêtres, un assez grand nombre de briques qui avaient beaucoup d'analogie avec les briques romaines; du côté de l'évangile on distinguait parmi les matériaux dont le mur

(1) Voir le mémoire de M. Le Prévost sur quelques monuments du département de l'Eure, dans le quatrième volume des Annales de la société des Antiquaires de Normandie, p. 472-496.

était composé, plusieurs fragments de pierres sculptées, dont quelques-uns pouvaient provenir d'une construction plus ancienne et peutêtre de l'époque du Bas Empire. Vers l'Ouest et près du portail, chacun des murs latéraux était percé d'une porte de construction trèsrustique et bouchée depuis long-temps; ces portes étaient composées,l'une et l'autre,de deux énormes jambages et d'un linteau triangulaire non moins grossier, formant une espèce de fronton ou de tympan.

Un mur très-épais séparait la nef du choeur; il était percé d'une arcade semi-circulaire supportée par deux grosses colonnes dont les chapiteaux d'un style très - remarquable ont été figurés sur la planche XLVII (bis) ( Fig. 1—2). Enfin des pilliers carrés surmontés d'un simple tailloir, qui suportaient à l'intérieur de la nef des arcades aiguës, paraissaient beaucoup plus anciens que ces arcades et pouvaient appartenir à la première construction.

En détruisant l'église Saint-Samson, on a trouvé au-dessous d'une couche de mortier et d'un badigeon qui recouvrait les murs, des

(1) Les petits fleurons sculptés sur le chapiteau no. 1 ont beaucoup de ressemblance avec ceux qui se voient sur la façade de l'église St.-Jean de Poitiers ( pl. XLIV ).

briques de différentes formes incrustées et disposées régulièrement de manière à former des dessins à l'intérieur de l'église.

Appelé trop tard pour juger de l'effet de cette décoration, M. Le Prévost a recueilli quelques unes des briques provenues de la destruction des murs, et des fragments de sculpture dont plusieurs paraissaient avoir appartenu à des archivoltes. J'ai figuré sur la pl. XLVII (bis) une partie de ces briques et de ces fragments.

Le fragment no. 3 offre une série de losanges en relief au centre desquels sont de petites cavités circulaires qui, je crois, avaient été remplies avec du ciment coloré.

Le n°. 4 est orné d'une branche de vigne conduite en serpentant de manière à dessiner des rinceaux. Au centre de chacun des enroulements est un fruit qui ressemble à un gland et un oiseau béquetant une grappe de raisin. Vous devez vous rappeler que les guirlandes de pampre avec leurs fruits sont très-fréquentes dans les monuments de l'ère gallo - romaine. Vous en avez vu également sur plusieurs morceaux de poterie que je vous ai présentés dans une des leçons précédentes (1).^

(V. la 3. partie du Cours.

Le fragment no. 5 faisait encore partie d'une archivolte; on y voit un vase d'où sortent deux feuilles qui retombent à terre, et deux cornes d'abondance qui laissent échapper des grappes de raisin ; j'ai trouvé plusieurs fois le même sujet sur des poteries romaines.

Les fragments, nos. 6, 7 et 8, sont remarquables par les incrustations en terre cuite qui les décorent.

Le tailloir n°.9 servait probablement de support à l'un des côtés d'une arcade. Les ciselures qui le recouvrent sont tout-à-fait romaines, si l'on peut parler ainsi (1).

Le chapiteau n°. 10 est d'un style si ressemblant à celui du fragment no. 9 qu'il faisait probablement partie de la même porte ou de la

même arcade.

Le fragment de corniche n°. 11 et le modillon no. 12 ont aussi une physionomie toute romaine et se distinguent facilement des corniches et des consoles que l'on voit dans l'architecture romane secondaire.

Quant aux briques incrustées, les nos. 13, 14, 15, 16, vous donnent une idée de leurs

(1) Les feuilles lancéolées qui avec les grappes de raisin garnissent la guirlande sculptée à la partie supérieure de ce tailloir se rencontrent très-communément sur les poteries romaines.

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