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à plein cintre, les niches et les fausses fenêtres surmontées d'un fronton triangulaire, furent encore des ornements employés assez fréquemment tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des édifices des premiers siècles du moyen âge. Outre les ornements sculptés et peints sur les murs, on voyait encore dans les églises des tentures en étoffes plus ou moins riches et parfois brodées d'or et d'argent.

Je ne me dissimule pas, Messieurs, combien les notions qui précèdent sont élémentaires et incomplètes; mais pour vous donner une idée plus précise du style des anciens édifices religieux,du genre et de l'effet de leurs ornements, je vais vous offrir la description de quelquesuns de ceux qui m'ont paru particulièrement remarquables, et qui appartiennent à des époques différentes, mais incontestablement antérieures à la période romane secondaire.

Eglise Saint-Jean de Poitiers. L'église SaintJean de Poitiers est probablement l'un des plus anciens monuments religieux qui existent en France (1). Déjà examinée par un assez grand

(1) Cette église est située à l'une des extrémités de la ville, derrière l'évêché, à peu de distance et au sud de la cathrédrale; elle ne sert plus au culte, mais elle appartient au département de la Vienne, comme une dépendance de la cathédrale.

nombre d'antiquaires, les uns l'ont prise pour un temple élevé sous Auguste, les autres pour un édifice du IIIe siècle ; d'autres n'y ont vu qu'un ancien tombeau romain (1). Le savant abbé Leboeuf, plus versé dans la connaissance des antiquités, soutint au contraire que ce petit édifice avait été dès son origine un monument chrétien, et cette dernière opinion me paraît la seule qui soit admissible. Aussitôt que j'ai pu examiner par moi-même l'église Saint-Jean, je n'ai pas balancé à la rapporter au Ve. ou au VIe siècle.

Le principal corps de ce bâtiment est en forme de carré long ayant environ quarante pieds sur vingt-cinq.

Une addition faite au XIe. ou au XIIe. siècle parallèlement à l'un des grands côtés du carré (celui du Sud-Ouest) défigure un peu l'édifice, mais il est aisé d'en reconnaître la forme primitive. Vous la saisirez facilement en examinant la vue que j'ai l'honneur de vous présenter (pl. XLIV), surtout si vous voulez prendre la peine de comparer cette vue avec un plan que

Quelques personnes de Poitiers ont le désir d'y rassembler des fragments d'architecture et d'y former un musée d'antiquités. Ce serait un excellent moyen pour en assurer la conservation.

(1) V. la dissertation publiée par Siauve en 1804, et l'ouvrage de M. Dufour sur le Poitou.

voici (voyez la pl. XLV), et sur lequel les parties qui appartiennent à la construction primi tive, ont été distinguées des autres au moyen de hachures.

Les petits côtés du carré formé par l'église ancienne(voyez les points a a sur le plan) sont terminés par des pignons ou gables à double égout; examinons un de ces pignons, celui que l'on voit sur le dessin que je vous ai présenté (pl. XLIV ).

Vous remarquez tout près du toît, des ornements en brique, incrustés entre deux rangs de pierres de rapport taillées.

Le centre du gable est rempli par trois grandes pierres sculptées.

Celle du milieu, qui est la plus haute, présente un carré encadrant une rosace, et surmonté d'un fronton triangulaire dont le centre est orné d'un fleuron; les deux autres pierres n'offrent que des frontons triangulaires au milieu desquels on remarque des fleurons à six feuilles, formés de briques incrustées.

Une corniche supportée par des modillons règne au-dessous du gable, et plus bas se trouvent plusieurs rangs alternatifs de briques et de pierres de taille; on a placé dans cette partie du mur une arcade cintrée dans le tim

pan de laquelle est une croix grecque (1) et de chaque côté de cette arcade un fronton triangulaire dans le même goût que ceux du gable. Ces différents ornements reposent sur une corniche soutenue par quatre pilastres peu saillants et fort courts, munis de chapiteaux d'une exécution grossière.

Deux ouvertures rondes se voient aussi dans cette partie de la façade, mais on reconnaît fa-cilement qu'elles étaient primitivement plus allongées, et que ce n'est qu'après avoir été bouchées en partie que ces fenêtres sont devenues de simples ouvertures en œil-de-bœuf (voir la pl. XLIV ).

Au-dessous des fenêtres était une corniche qui n'existe plus qu'en partie, et une porte bouchée depuis long-temps par l'addition d'une espèce de corps avancé semi-circulaire formant abside:

L'autre pignon en face du précédent offre les mêmes ouvertures disposées de même, seulement la porte d'en bas est fermée par un

(1) En examinant·la planche XLIV On voit que deux des rangs de briques placés à droite de la croix grecque ne se rappor tent pas avec ceux qui sont à gauche. Cela vient de oe que les deux rangs supérieurs du côté gauche sont superposés immédiatement au lieu d'être séparés par une assise de pierres comme ils le sont du côté droit.

mur droit et non par un mur circulaire.

En considérant le plan (fig. 2, pl. XLV) vous remarquez qu'il n'y a plus qu'un des grands côtés (le côté b) qui soit du même temps que les pignons; mais on peut affirmer hardiment que le mur refait était dans l'origine semblable à celui qui est en face. Ce dernier est orné de quatre pilastres semblables à ceux des petits côtés, avec leur entablement et surmontés de quatre rangs de briques séparés par des assises en pierres.

Dans la partie basse du mur est un petit corps avancé (voyez sur la pl. XLV le plan de l'édifice), carré à l'extérieur, hexagone à l'intérieur, surmonté d'un fronton dans lequel est un ornement semblable à celui que nous avons remarqué au centre des frontons de l'église (voyez la page 84 et la pl. XLIV). Je suis persuadé qu'une chapelle semblable était attenante au mur opposé avant sa reconstruction, et qu'ainsi le monument avait la forme d'une croix (1).

(1) J'ai remarqué dans le mur d'une maison peu éloignée une rosace entourée d'une bordure carrée et surmontée d'un triangle, absolument semblable à celle qui se trouve dans le fronton du corps avancé qui existe encore. Il faut bien que cette sculpture provienne de quelque partie détruite de l'église St.-Jean. La nature de la pierre ne permet pas d'en douter.

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