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arcade portait en effet, dans les premières églises, le nom d'arc triomphal, parce qu'elle ressemblait à un arc de triomphe et qu'on y représentait quelquefois, en mosaïques, la mort et la résurrection de Jésus-Christ. C'est de là que vient encore aujourd'hui l'usage de suspendre des crucifix dans cette partie de nos églises (1).

Voutes. La plupart des églises romanes primordiales n'étaient point voûtées en pierre; la charpente qui supportait le toît demeurait souvent à nu comme dans les basiliques romaines, et les plafonds, lorsqu'on en faisait, étaient presque tous en bois. Les anciens architectes éprouvaient une grande difficulté à construire des voûtes un peu larges en pierres, ce ne fut qu'assez tard, vers le Xe. siècle, et surtout après l'introduction de l'ogive au XIIIe., qu'ils devinrent habiles dans ce genre de travail.

Le petit nombre de voûtes en pierre qui furent élevées dans nos églises romanes primitives présentaient, comme celles que nous trouvons encore dans quelques monuments ro

(1) Il y avait souvent dans cette partie des églises un antel qui portait le nom d'autel du crucifix: Altare crucifioi. Un grand nombre d'écrivains du moyen âge font mention de cet autel en parlant de dédicaces d'églises.

mains (1), et comme celles que l'on fit dans les XI., XIIe. et XIIIe. siècles, un massif formé par des moëllons de toute forme, mais généralement d'un petit volume, noyés dans du mortier. On voutait de préférence la partie semi-circulaire du choeur, ainsi que les ailes et les chapelles.

Tours. Comme nous l'avons dit ailleurs (2), les Romains se servaient de cloches, et ce furent eux qui les introduisirent en Gaule, mais l'époque où ces instruments devinrent d'un usage général dans les églises, n'est pas encore certaine on la fixe communément au Ve. siècle. D'abord peu volumineuses, les cloches ne nécessitèrent pas l'érection d'un bâtiment particulier; ce ne fut guères qu'au VIIIe. ou au IXe siècle que leur volume plus considérable rendit les tours indispensables. Anastase le bibliothécaire rapporte qu'en 770 le pape Etienne III en fit bâtir une sur l'église Saint-Pierre de Rome, dans laquelle il plaça trois cloches pour appeler les fidèles aux offices (3). L'auteur ne

(1) V. la 3. partie du Cours.

(2) Ibidem.

(3) Stephanus 111 A D 770 fecit super balisicam S. Petriturrim in quâ tres posuit campanas quæ clerum et populum ad officinu Dei convocarent (Anastat. biblioth. in vitâ St hani 111. )

dit pas que cette église manquât de tour aupavant, mais il y a lieu de le supposer.

Or, si la première basilique du monde chrétien ne fut pourvue d'une tour que dans la deuxième moitié du VIII. siècle, nous pouvons admettre hardiment qu'on n'en éleva guère avant cette époque dans la France occidentale. Et encore y furent-elles rares jusqu'à la fin du Xe. siècle.La célèbre abbaye de Saint-Germaindes-Prés n'en avait point encore dans le IX". siècle, puisque le moine Gislemar n'en fait aucune mention dans la description qu'il a laissée de cette église, et qui renferme des détails trèscirconstanciés sur la forme, les murailles, les fenêtres, le pavé, les dorures et sur toutes les parties de l'édifice tel qu'il existait alors.

Tout en admettant que les tours d'églises furent extrêmement rares chez nous avant le IXe siècle, je ne prétends pas déterminer l'époque de leur apparition ni la limiter au VIIIe. siècle; quelques rudiments de tours pouvaient déjà s'être montrés dans le VII. siècle; je ne connais aucun auteur Français qui puisse être invoqué en faveur de cette supposition, mais parmi les chroniqueurs anglais, Richard, prieur d'Hexham, donne à entendre, dans la description qu'il a faite de l'église de cette abbaye

anglaise qui avait été bâtie au VII. siècle par saint Wilfrid, que le centre du transept était surmonté d'une tour en forme de coupole. Quoi qu'il en soit, les plus anciennes tours furent peu élevées et carrées pour la plupart. Celle que l'on voit encore sur le transept de l'église Saint-Martin d'Angers, bâtie dans le IXe siècle, est de cette forme; elle est percée de plusieurs arcades sans colonnes et sans autres ornements qu'un tailloir ou cordon encadrant la plate-bande des cintres; elle est peu élevée et terminée par un toît pyramidal obtus à quatre pans; si cette tour est aussi ancienne que les murs qui la supportent (pl. XLVI), c'est en même temps l'exemple le mieux caractérisé et le plus rapproché de nous que je puisse vous signaler des anciennes tours d'églises (1).

L'association des tours avec le corps des édifices religieux présenta pendant long-temps de très-grandes difficultés; tantôt on les plaça au centre de l'édifice, tantôt au-dessus du portail de l'Ouest, quelquefois aux extrémités des

(1) Quelques motifs pourraient porter à croire que la tour de St.-Martin d'Angers est moins ancienne que les arcades qui la supportent; aussi n'est-ce qu'avec beaucoup de réserve que jé la cite ici comme type des plus anciennes tours d'églises.

transsepts; mais bien souvent les architectes moins hardis établirent leurs tours à côté des églises et en firent ainsi des constructions accessoires presque sans liaison avec les autres parties des édifices.

Quelle que fût d'ailleurs la place qu'elles occupaient, les tours étaient carrées, terminées par une toîture pyramidale obtuse à quatre pans, et percées sur leurs faces d'un certain nombre de fenêtres sémi-circulaires, comme celle de Saint-Martin d'Angers.

Ornements. Il serait difficile, en considérant le peu de monuments anciens qui nous restent, de donner l'énumération précise des moulures employées dans la décoration des édifices religieux de la première époque. On peut affirmer cependant que les billettes, les frètes et nombre d'autres ornements que nous avons remarqués, dans les édifices, et les autres ouvrages de l'ère gallo-romaine (1), ont été reproduits plus ou moins correctement par les artistes chrétiens, puisqu'ils ne faisaient qu'imiter leurs prédécesseurs.

Les incrustations en pierre de couleur et en terre cuite, les arcades sans ouvertures,

(1) Voir la troisième partie du Cours.

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