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sont manifestés les changements qui servent à les distinguer.

D'ailleurs, en archéologie comme dans bien d'autres sciences, les meilleures méthodes de classification reposent nécessairement sur des abstractions diversement graduées. Il n'est pas aisé de circonscrire absolument les limites temporaires dans lesquelles on doit renfermer le règne de tel ou tel style d'architecture; ces limites peuvent varier jusqu'à un certain point, suivant les localités.

Malgré ces oscillations dans la marche de l'art, vous demeurerez convaincus, Messieurs, lorsque vous aurez fait l'application des principes que je vais vous soumettre, que l'âge relatif des monuments religieux peut être constaté comme tout autre fait positif, en d'autres termes, que l'on peut analyser les caractères architectoniques d'une église, afin de découvrir à quelle époque elle a été construite, comme on analyse les organes d'un végétal pour trouver à quel genre il appartient. Mais dans cette opération je vous recommande deux choses : la première, de ne jamais oublier que l'ensemble de plusieurs caractères devra toujours vous guider dans la détermination des époques; la seconde, de vous bien pénétrer de cette vérité, que l'exa

men le plus minutieux en apparence ne peut être indifférent pour arriver à ce but, et pour se former une juste idée de la génération des formes.

CHAPITRE IV.

Courte récapitulation de ce qui a été dit dans la troisième partie du Cours sur l'état de l'architecture en Occident au IV•. siècle. — Des premières églises chrétiennes ; elles ont été calquées sur les basiliques. Forme de ces dernières et des églises bâties à leur imitation. Un mot sur quelques-uns des monuments religieux qui furent élevés en France au V•. siècle.

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J'ai eu l'honneur de vous dire que les monuments religieux du moyen âge (depuis le Ve. siècle jusqu'au XVIe.) peuvent être rangés dans deux grandes classes subdivisées en sept espèces qui se rapportent à sept époques assez nettement circonscrites; je vais successivement vous présenter les considérations et les développements relatifs à chacun de ces différents styles d'architecture

Mais auparavant reportons-nous pour un moment aux siècles de l'ère gallo-romaine, et résumons en peu de mots ce que nous avons dit de l'origine de la décadence dans les monu

ments.

D'abord vous vous rappelez que les Romains

n'ont jamais eu un sentiment exact des principes de l'architecture grecque; qu'ils ont toujours cherché à se distinguer par la grandeur des dimensions et le haut prix des matériaux plutôt que par la justesse des proportions. Tout en imitant le style grec il leur arrivait souvent de l'altérer par maladresse, et à aucune époque les monuments romains n'ont offert l'admirable pureté des chefs-d'œuvre d'Athènes et de Corinthe (1).

L'architecture atteignit cependant en Occident un assez haut degré de perfection sous le règne d'Auguste; depuis cet empereur jusqu'à Adrien et aux Antonins elle conserva sa splendeur, mais elle perdit la simplicité du style grec dont elle avait tiré son origine: ensuite elle dégénéra graduellement par la surabondance des ornements et par de licencieuses innovations, surtout après les guerres d'Asie (2).

Ainsi plusieurs parties du vaste palais élevé par Dioclétien à Spalatro, au IIIa. siècle, portent l'empreinte du mauvais goût qui commençait à dominer. On y voit des colonnes supportant immédiatement des arcs au lieu d'architraves (pl. XLIII, fig. 1-2), des arcades in

(1) Je parle ici en général, on peut revoir les développements donnés à ce sujet dans la troisième partie du Cours. (a) Voyez la troisième partie du Cours.

terrompant l'entablement, et plusieurs autres défauts qui annoncent l'oubli des règles et des bons principes.

Cet oubli est plus choquant encore dans les thermes bâtis à Rome par le même empereur. D'après Séroux d'Agincourt qui avait examiné cet édifice, la décoration de plusieurs des parties qui le constituent est du style le plus bizarre et le plus licencieux; des colonnes sans emploi appliquées contre les murs,y sont élevées les unes au-dessus des autres sur des piédestaux de mauvais goût et surmontées d'architraves et de corniches interrompues; d'autres colonnes s'appuient sur des consoles et sont couronnées par des frontons brisés et sans bases. La fig. 3, pl. XLIII, représente une partie de cet édifice dans laquelle vous pouvez remarquer la réunion des défauts que je viens d'énumérer.

Les progrès de la décadence devinrent de plus en plus sensibles sous le règne deConstantin; on orna l'arc de triomphe élevé par le sénat et le peuple romain en mémoire de la victoire remportée par ce prince sur Maxence avec des colonnes, des statues et des bas-reliefs arrachés à l'arc de Trajan. Les artistes du temps ne purent coordonner convenablement ces différents morceaux de sculpture, et il régna de l'irrégularité dans leur assemblage. La

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