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« Les rôles des dépenses, les procès-verbaux de toisage permettent de suivre jour par jour les travaux. des ingénieurs et prouvent que rien n'était oublié. On creusait le port, on bâtissait la ville, on y amenait l'eau potable, on élevait des fontaines et on les ornait de statues.

<< Chacun peut recueillir dans ces documents des renseignements pour ses études particulières: les uns sur la comptabilité financière au XVIe siècle, les autres sur le prix de la main-d'œuvre et des matériaux, enfin les philologues y relèveront une foule de mots normands et de termes techniques qui sont omis dans les glossaires les plus spéciaux. »

Tout ce qui concerne les origines d'une ville aussi importante que le Havre a une réelle valeur et nous ne doutons pas que ces pièces, pour la plupart inconnues jusqu'ici et copiées avec une scrupuleuse exactitude, ne soient favorablement accueillies, surtout en Normandie.

E. DE B.

Notice sur le prieuré du Rocher et l'hospice civil de la ville de Mortain, par M. H. Moulin, membre de la Société des Antiquaires de Normandie et de la Société académique du Cotentin.

La brochure dont nous venons de transcrire le titre est une de ces monographies qui, malgré leur cadre restreint, renferment une infinité de renseignements précieux pour l'histoire locale. Le prieuré du Rocher, dont l'établissement remonte à l'année 1082; l'ancien Hôtel-Dieu, fondé par Guillaume Le Sotterel en 1348; le nouvel Hôpital, à l'organisation duquel contribua si

puissamment par ses largesses Mile de Fleury, tels sont les principaux sujets que M. Moulin a traités dans sa substantielle brochure. On y rencontre aussi des détails extrêmement instructifs sur le développement de la misère et du paupérisme, et sur les moyens employés à la fin du XVIIIe siècle par l'Administration pour les combattre. Nous croyons aussi devoir relever en passant certaines indications relatives à l'Ermitage. Les revenus se rattachant à cette fondation furent réunis au nouvel hôpital, en 1777, par décret de messire Godard de Belbeuf, alors conseiller du roi et évêque d'Avranches.

Cette chapelle avait été érigée et dotée en 1613 « sur le sommet même de la montagne qui domine la ville, en face du mont dédié à l'Archange et au lieu pittoresque connu sous le nom de Petit-Mont-St-Michel, par le cardinal duc de Joyeuse, tuteur honoraire de Mile Marie de Bourbon, duchesse de Montpensier et comtesse de Mortain.

Ce petit édicule, qui devait à notre époque renaître de ses ruines, avait été consacré, sous le vocable de saint Michel, les 24 et 25 juillet 1613, par messire François de Péricard, évêque d'Avranches.

La duchesse avait assuré à cet établissement 720 livres de rente, un domaine de 10 acres de terre défrichée, indépendamment d'une certaine étendue de landes et bruyères. De plus, Louis XIII avait, au mois de juillet 1615, établi en faveur de la nouvelle chapelle une foire qui devait se tenir au bas dudit lieu le jour de l'octave de la fête saint Michel; enfin, le pape Clément XI, par une bulle du 7 septembre 1704, avait accordé pour sept années des indulgences aux pèlerins qui la visiteraient.

Ce lieu, éminemment propre à la retraite et à la

contemplation, servit successivement de demeure à plusieurs ermites de l'ordre de saint François. Le plus ancien est Nicolas de Bréville, en 1613; le dernier et celui qui a laissé les souvenirs les plus durables dans le pays est frère Pierre Gaillard, cordelier granvillais, décédé vers 1774.

E. DE B.

Surtees Society.

Du privilége du Sanctuaire, par M. Gustave Dupont.

Une Société archéologique, établie depuis environ quarante ans dans le nord de l'Angleterre, et qui a pris du nom de son fondateur, M. Robert Surtees, de Mainforth, le titre de Surtees Society, a publié, de 1834 à 1868, cinquante volumes grand in-8°, qui renferment des documents que je crois dignes, au moins pour la plupart, d'être signalés à l'attention des Antiquaires de Normandie, et d'autant mieux que la bibliothèque publique de Caen a pu acquérir une partie notable de cette collection.

Je n'entretiendrai aujourd'hui la Société que du premier volume, édité en 1837. Il reproduit trois manuscrits conservés : le premier, aux archives de l'église cathédrale de Durham, et les deux autres, au British Museum (Biblioth. Harleïenne); tous les trois sont relatifs au droit d'asile qui appartenait aux deux églises de Durham et de St-Jean de Beverley.

Je n'ai nullement l'intention d'entreprendre ici une nouvelle étude sur ce sujet, qui déjà a été l'occasion de remarquables travaux. Je me bornerai, dans une simple note, à reproduire quelques détails particuliers révélés

par les documents que je viens d'indiquer, et qui ne pouvaient entrer dans un traité général tel que celui que notre collègue, le savant archiviste de la SeineInférieure, M. Charles de Beaurepaire, a fait paraître, en 1853 et 1854, dans la Bibliothèque de l'Ecole des Chartes (1).

Le droit d'asile, que l'Église chrétienne avait recueilli, avec tant d'autres traditions, dans l'inépuisable héritage de la Rome païenne et qu'elle exerçait depuis son origine, était désigné en Angleterre sous la dénomination de privilége et liberté du Sanctuaire immunitas et libertas Sanctuarii

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ou même plus simplement, de Sanctuaire Sanctuary-Sanctuarie (2). Il était connu et pratiqué dans l'Église saxonne longtemps avant la conquête normande. On le faisait remonter jusqu'au roi Lucius, qui, d'après la légende, régnait au second siècle de notre ère (3). Mais il existait certainement et à l'état d'institution dès le VIIe siècle. A la fin du IX®, Alfred le Grand l'avait réglementé (4). Guillaume le Conquérant s'en occupa néanmoins, ou plutôt mit sous le nom du bon roi Édouard les lois nouvelles ou modifiées, qu'en cette matière, ainsi qu'en toutes les autres, il voulait imposer à la nation vaincue, sans paraître en être l'auteur. En 1070, il confirma le

(1) Essai sur l'asile religieux dans l'empire romain et la monarchie française (Bibl. de l'Ecole des Chartes, 3a série, t. IV, p. 351 et 572, et t. V, p. 151 et 340). La thèse de doctorat de M. H. Wallon, aujourd'hui ministre de l'Instruction publique, était sur le même sujet et portait le titre Du droit d'asile (in-8° de 122 pages, 1837).

(2) Gloss. de Duc. v° Sanctuarium.

(3) Beda, Vita sancti Cuthberti.

(4) Spelm., Concilia, t. I, p. 565.

presidium

droit d'asile dont jouissaient les églises et l'étendit aux maisons et aux cours occupées par les évêques et les prêtres, pourvu que ces lieux fussent une dépendance du domaine ecclésiastique. Le réfugié devait ou restituer ce qu'il avait volé et réparer le tort qu'il avait causé, ou forjurer le pays, c'est-à-dire s'exiler (1).

Ces dispositions n'étaient que le résumé de ce qui était en usage en Normandie, de ce que les jurisconsultes anglo-normands constatèrent et complétèrent vers le fin du XIIIe siècle et de ce que, vers le même temps, consacrèrent par un texte précis, les auteurs inconnus du Grant Coustumier (2).

Sous Henri II, Britton, André Hornes et l'Anonyme auquel on doit le recueil nommé Fleta, exposèrent avec détail les règles de droit et de procédure qui concernaient le privilége garanti de nouveau par le Statut de Clarendon.

D'après ces auteurs (3), le Sanctuaire n'était point ouvert indistinctement à tous les fuitifs. Les larrons en récidive, les vagabonds de nuit, vagante noctanter -désignés comme tels par la voix publique et par les dizainiers, n'y étaient pas admis. Il en était de même de ceux qui revenaient après avoir prêté le serment de quitter le pays et de ceux qui péchaient «< mortellement » en sanctuaire; « tiels pourra l'on prendre et traher et << ouster hors del sanctuary sans faire offense ou pré<< judice à la franchise del sanctuary.

(1) Cout. Angl. Norm. (collect. Houard), t. I, p. 161.

(2) Chap. LXXXII, De damnez et de fuitifz.

(3) Britton, t. IV (coll. Houard), p. 43. The myrror of justice, t. IV (même collect.), p. 534. — Fleta, t. III (même collect.), p. 98.

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