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Littus Saxonicum. La vieille cité gallo-romaine de Vieux, la capitale des Viducasses, ravagée à plusieurs reprises par les Barbares, déchut de son antique splendeur et devint peu à peu un mince village. Nous sommes donc porté à croire que Caen fut un des centres principaux où se fixèrent les Saxons, dès qu'ils commencèrent à s'attacher au sol, et tout vient confirmer cette supposition. Caen est souvent appelé Catheim, Cathim, Cathom, dans les monuments écrits les plus anciens. Ne retrouvons-nous pas là le mot heim ou ham, qui, dans les langues germaniques a le sens d'habitation? Il en résulte pour nous que Caen est l'habitation des Cattes, l'une des peuplades du nord de la Germanie, qui faisaient partie de la confédération des Saxons. La Hollande, qui a conservé tant de traces d'une colonisation saxonne, a aussi son Catwick (Cattorum Vicus). En Angleterre, nous trouvons diverses localités ayant un nom dont l'étymologie est analogue, entre autres la ville de Chatam. D'un autre côté, l'emplacement de notre cité au bord d'une rivière importante dont l'estuaire formait un vaste golfe, comblé aujourd'hui, mais par des alluvions modernes, avec la colline rocheuse où se trouve le château, était merveilleusement approprié aux besoins d'une population guerrière et maritime. Nous l'avons déjà dit à une époque relativement peu ancienne tous les terrains compris entre l'Odon et l'Orne n'étaient qu'un vaste marais couvert par les eaux la plus grande partie de l'année. Pour le franchir et pour unir le Bessin à l'Hiémois, il fallut établir une chaussée, et c'est celle qui existe encore en partie sous la rue St-Jean. Tout nous porte donc à dire que cette chaussée est due sux Saxons. Sa construction n'offre d'ailleurs aucun des caractères des

routes gauloises ou romaines. D'un autre côté, il n'existe dans les environs de Caen aucune trace de voie de l'époque gallo-romaine se dirigeant vers cette ville. Les communications entre le pays des Bajocasses et celui des Lexovii se faisaient alors par des voies passant soit au sud de Caen, par Vieux, soit au nord, le long de la côte, par le Bac-du-Port.

La découverte de cette chaussée sous la place StPierre, à l'entrée de la rue de Geôle, qui a porté si longtemps le nom saxon de Cattehoule, est venue encore nous confirmer dans l'opinion que nous venons d'émettre. La voie, après avoir traversé l'Orne, le marais St-Jean et l'Odon, arrivait au pied du château où fut la première origine de Caen, dans le quartier St-Pierre, anciennement St-Pierre-sous-Caen, ou StPierre-de-Danestal, où nous trouvons les rues Gémare., Cattehoule, du Ham et du Vaugueux, dont les noms ont tous une origine saxonne et dont plusieurs se retrouvent fréquemment dans la nomenclature actuelle des localités normandes (1).

Si l'on n'adopte pas complètement nos conclusions, nous espérons du moins qu'on ne regardera pas comme inutile d'enregistrer les constatations que nous avons pu faire et qui fourniront peut-être quelques renseignements aux futurs historiens de la ville de Caen.

(1) Cf. Huet, op. cit.

Un registre de la paroisse de Saint-Etienne-le-Vieux, par M. Jules Cauvet,

De bien des côtés, on s'est mis à rechercher, de nos jours, ces registres domestiques, appelés livres de raison, dans lesquels, aux siècles passés, les chefs successifs de la même famille constataient les événements privés qui concernaient celle-ci. Souvent, en effet, à côté d'un catalogue aride de naissances, de mariages, de décès, on rencontre dans ces livres des vestiges notables et curieux des coutumes des anciens. temps; on y sent vivre les générations qui précédèrent la nôtre, avec leurs sentiments et leurs idées trèséloignés de ceux qui nous animent.

Le vieux registre que j'entends présenter à votre appréciation n'est pas le livre de raison d'une famille, mais celui d'une paroisse. Trouvé récemment dans un recoin de la sacristie de l'église Saint-Etienne actuelle, il se rapporte à l'ancienne paroisse du même nom. Il concerne Saint-Etienne-le-Vieux, dont les gracieux clochetons, dont la coupole charmante ont été sauvés de la destruction, il y a vingt-cinq ans, par les louables efforts de la Société des Antiquaires de Normandie. Cette préservation heureuse constitue, à mon sens, un des principaux titres d'honneur que notre société est en droit d'invoquer dans son passé; elle peut rappeler avec fierté la savante notice historique accompagnée de deux gravures magnifiques qu'elle publia, en 1850, à l'appui de sa patriotique réclamation contre les projets d'un vandalisme inintelligent (1)..

(1) Pétition adressée à M. le Ministre de l'intérieur, 1850; in-folio.

Commencé en 1656, le registre qui nous occupe se continue jusqu'à l'année 1741; il comprend, dès lors, bien près d'un siècle. Son but général est de constater, au moyen d'indications sommaires, à mesure qu'ils se présentent, les éléments divers appelés à constituer les revenus de la fabrique, ou plutôt, pour employer l'appellation usitée alors, du trésor de la paroisse.

Ce manuscrit, nous en convenons, devra paraître insignifiant à la plupart de ceux qui auront le courage de le parcourir. Nous osons penser, néanmoins, qu'il n'est pas sans présenter quelque intérêt au point de vue de la connaissance exacte du passé de notre patrie.

Il est d'abord un genre de recherches auquel il peut fournir des documents précieux je veux parler des constatations généalogiques relatives aux anciennes familles de la ville de Caen. Beaucoup de personnages distingués de la bourgeoisie caennaise, dans l'époque qu'il concerne, ne pouvaient manquer, en effet, d'être relatés dans notre registre.

En évitant d'entrer dans des détails fastidieux, essayons de donner une idée exacte du contenu de ce volume; et pour cela analysons les parties diverses qu'il renferme.

Ses pages étant numérotées d'un seul côté, chacune d'elles, en réalité, doit compter double. Ceci posé, constatons d'abord que les vingt premières sont perdues. Les quatre-vingts qui suivent contiennent des indications multiples se rapportant à des contrats de fieffe pour l'occupation des chapelles et des bancs de l'église, à des fondations de services religieux, à des titres nouvels relatifs aux rentes dues au trésor, à des baux concernant ses biens immeubles.

Les droits de chapelle et de banc étaient, en ce

temps, concédés à perpétuité par les trésoriers, moyennant une rente annuelle. Nos lois actuelles, on le sait, n'autorisent plus de concessions de ce genre, mais seulement des locations périodiques plus favorables aux intérêts de la fabrique qui profitera, grâce à ce système, de l'élevation qui se produit, le plus souvent, au bout d'un certain temps, dans le prix de tous les services.

Les familles qui avaient pris ainsi à fieffe les bancs et les chapelles pouvaient renoncer à leur droit pour l'avenir, en remboursant la rente qu'elles devaient au trésor. Ces remboursements semblent même avoir été fréquents, sans doute par suite des changements de domicile opérés dans la paroisse. Ils devaient d'ailleurs être vus avec faveur, comme devant donner passage de nouvelles concessions concernant les mêmes objets et consenties moyennant un taux plus élevé.

Les rentes constituées au profit du trésor pour l'accomplissement de services funèbres appelés obits, ou bien encore pour la célébration de fêtes patronales, ne pouvaient être l'objet d'un amortissement semblable. Mais le trésor paraît avoir obtenu le droit de demander aux familles des fondateurs une augmentation dans le taux de la redevance, quand celle-ci, par suite de la diminution de la valeur des monnaies, était devenue trop faible pour pourvoir à la rémunération légitime des services fondés.

C'est ainsi qu'à la page 36, nous voyons mentionner la fondation ancienne par les gardiens jurés du mestier des drapiers à Caen, moyennant une rente annuelle de 10 sous, d'une messe solennelle chantée, dans la paroisse Saint-Etienne, le 10 août, jour de saint Laurent, patron de la corporation. Un titre nouvel consacre la

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