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loppement de nos arts, de nos institutions, de notre société moderne toute entière.

A quoi donc attribuer le peu de popularité que les arts du moyen âge ont obtenu jusqu'ici parmi nous ? On peut en indiquer plusieurs causes principales, telles que: l'ignorance des mœurs, des habitudes, des goûts, des besoins qui existaient alors; la sécheresse et la rareté des documens historiques sur les procédés des artistes; le préjugé d'après lequel le moyen âge étant signalé comme une époque de barbarie, tout ce qui s'y rattachait devait être barbare; enfin l'admiration trop exclusive pour l'antiquité, qui, depuis la renaissance des lettres jusque vers la fin du siècle dernier, régna généralement en Europe, et qui trouvant dans les monumens classiques des chefs-d'œuvre en tout genre, enveloppa dans une même indifférence ou plutôt dans un égal mépris tout ce qui s'écartait de ces modèles.

Rien de plus injuste que cette aversion de personnes d'ailleurs éclairées, pour les arts du moyen âge, dont elles ne comprennent point le génie. Un tel aveuglement ne saurait long-temps subsister; les préventions commencent à s'affaiblir, elles tomberont tout-à-fait devant les progrès du goût et de la raison.

Les hommes du monde, aussi bien que les artistes vraiment dignes de ce nom, conviennent aujourd'hui que non seulcment notre architecture nationale est pleine de grandeur et de beautés, mais qu'elle est en rapport, plus qu'aucune autre, avec nos sites, nos paysages, notre ciel et nos croyances.

Deux méthodes se présentent pour décrire et classer chronologiquement les monumens. L'une consisterait à présenter, siècle par siècle, l'état de l'architecture religieuse, civile et militaire, au moyen âge.

L'autre, à traiter successivement et isolément chaque partie dans son entier, c'est-à-dire, à épuiser tout ce qui concerne l'architecture religieuse, avant de passer à l'architecture militaire, et ainsi de suite.

La première méthode offre, je crois, plusieurs inconvéniens dont le plus grave serait de porter continuellement l'attention sur des sujets différens, de nécessiter un plus grand travail de mémoire, et peut-être de laisser dans l'esprit quelque confusion.

La seconde me paraît plus naturelle et moins fatigante; on saisit. mieux l'ensemble des faits, lorsqu'on étudie séparément chaque objet de manière à s'en former une idée claire et distincte.

Je vais donc présenter d'abord l'histoire complète de l'architecture religieuse depuis le V. siècle jusqu'à la fin du XVIe.

État de la science.

C'est en Angleterre qu'on s'est d'abord livré avec le plus de zèle et de succès à l'étude des monumens du moyen âge.

Langlay publia à Londres, en 1742, un recueil de planches qui renfermait une série d'ornemens et de détails architectoniques appartenant au style qui, comme on le verra touta-l'heure, a été improprement appelé gothique. Il essaya de prouver que ce style méritait l'intérêt des artistes et des gens de goût (1); si ses efforts n'eurent pas des résultats bien importans, ils préparèrent du moins les esprits à recevoir plus favorablement les ouvrages qui devaient bientôt paraître.

Quelque temps après, Horace Walpole composa sur le même sujet un essai fort court qui obtint quelque succès.

(1) Edimburg review; juin 1829.

Mais les savantes recherches publiées en 1771 par le révérend J. Bentham, dans son histoire de la cathédrale d'Ely, dirigèrent bien plus efficacement l'attention vers les monumens du moyen âge; on peut dire qu'elles débrouillèrent la science, qu'elles applanirent la route à ceux qui devaient ensuite se livrer au même genre de travaux.

Quoique le livre de Bentham ait beaucoup contribué à multiplier les observateurs, ce ne fut guères que plus de vingt ans après, vers la fin du XVIII. siècle, et surtout au commencement du siècle actuel, que les ouvrages traitant de l'architecture religieuse du moyen âge commencèrent à devenir moins rares en Angleterre. Je ne connais pas tous ceux qui ont vu le jour à cette époque, mais je crois pouvoir citer les plus intéressans et les plus estimés.

En 1806, M. King publia la quatrième et dernière partie de son grand ouvrage qu'il consacra toute entière à l'architecture religieuse (1). La profonde érudition dont l'auteur fait preuve dans ce volume comme dans les autres le rend sans doute fort intéressant à beaucoup d'égards, mais on ne saurait trop se défier des opinions qu'il renferme sur les caractères distinctifs de l'architecture antérieure à la conquête de l'Angleterre par les Normands; elles ne reposent que sur des suppositions évidemment fausses, et l'auteur paraît avoir été constamment dominé par l'esprit de système qui l'a souvent égaré dans les autres parties de ses recherches. Son ouvrage est d'ailleurs incomplet et ne contient presque rien sur l'architecture à ogives.

La même année 1806 vit paraître un travail moins étendu

(1) Munimenta antiqua, tome {iv, in-fo. de 279 pages, orné de 58 planches.

que le précédent, par le révérend J. Dallaway, sur l'architecture militaire, religieuse et civile (1).

Auparavant on avait publié le résumé des recherches du révérend Bentham, du révérend Warton, du capitaine Grose et du révérend Milner (2). Ce petit volume est très-concis ; douze planches réunies au texte donnent une idée des principaux styles qui se sont succédé dans l'architecture du moyen âge.

Le révérend Milner jeta sur ce sujet un nouveau jour en publiant son Traité de l'architecture ecclésiastique en Angleterre (3). Cet ouvrage qui se distingue par beaucoup de méthode et d'érudition et par des aperçus très-judicieux n'est malheureusement pas exempt d'hypothèses hasardées. L'auteur a prétendu, par exemple, que l'ogive avait pris naissance en Angleterre, ce qui n'est guère soutenable; mais quoiqu'il ait posé trop légèrement des principes que nous n'aurons pas de peine à combattre, son travail est un des plus instructifs et des mieux faits qui aient été publiés, l'un de ceux qui ont le mieux rendu raison de la succession et de la génération des formes architectoniques.

(1) Observations on english architecture military, ecclesiastical and civil, compared with similar buildings on the continent; including a critical itinerary of Oxford and Cambridge also historical notices of stained glass, ornamental gardening, etc... with chronological tables and dimensions of cathedrals and conventual churches. By the REV. JAMES DALLAWAY.

(2) Essays on gothic architecture. By the REV. T. WARTON, REV. J. BENTHAM, captain GROSE and the REV. JOHN MILNER illustrated with 12 plates of ornaments, etc... calculated to exhibit the various styles of different periods.

(3) A Treatite on the ecclesiastical architecture of England during the middle ages with 10 illustrative plates. By the REV. JOHN MILNER. London 1811.

Les recherches de M. Sidney Hawkins sur l'origine et l'établissement de l'architecture à ogives, et sur la peinture sur verre, méritent encore d'être signalées (1). Elles ont paru en 1813.

Enfin plus récemment, M. Britton a considérablement perfectionné l'histoire de l'architecture religieuse en publiant des ouvrages considérables auxquels il a réuni une grande quantité de planches dessinées par les artistes les plus distingués (2).

M. Britton s'est quelquefois associé dans ses savans travaux M. Pugin, connu lui-même par d'importantes publications (3).

(1) An history of the origin and establishment of gothic architecture; comprehending also an account from his own Writings of Cæsar Cæsarianus, the first professed commentator on Vitruvius, and of his translation of that author; and investigation of the principles and proportion of that style of architecture called gothic; and on inquiry into the mode of painting upon and staining glass, as practised in the ecclesiastical structures of the middle ages. By JOHN SIDNEY HAWKINS; illustrated with 11 plates. Rat. in-8°. London 1813.

(2) Architectural antiquities of great Britain consisting of 278 engraving of castles, churches, old mansions, crosses, etc. with historical and descriptive accounts of each subject. 4 vol. in-4°, prix 21 liv.

Chronological and historical illustrations of the ancient ecclesiastical architecture of great Britain. - Cet ouvrage se compose de dix livraisons dont chacune renferme 86 'planches avec un texte assez étendu.

(3) M. Pugin s'est principalement appliqué à analyser en architecte les principes de l'architecture du moyen âge. Voici le titre de son principal ouvrage sur cette matière :

Specimens of gothic architecture selected from various ancient edifices in England; consisting of plans, elevations, sections, and parts of large; calculated to exemplify the various styles and

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