Page images
PDF
EPUB

THE NEW YORK PUBLIC LIBRARY

ASTOR, LENOX AND TILDEN FOUNDATIONS,

paralysaient les esprits, et bien loin d'élever des constructions nouvelles, c'est à peine si l'on réparait les anciennes.

En considérant ce qui précède, la période romane primordiale pourrait se diviser en trois époques; la première antérieure au règne de Charlemagne ; la deuxième qui correspondrait au temps de ce prince et de ses fils; la troisième qui comprendrait la fin du IX. siècle et le X•.

CHAPITRE V.

Architecture Romane secondaire

(de 1000 à 1090 environ ).

Une ère nouvelle commença pour les arts en même temps que le XI. siècle.

L'apathie et le découragement dans lesquels l'attente de la fin du monde avait tenu les esprits pendant le X. siècle, se dissipèrent bientôt pour faire place à une activité prodigieuse qui imprima une impulsion toute nouvelle aux arts et à la littérature.

La renaissance fut peut-être plus manifeste encore en Normandie que dans les autres pays. Après avoir pillé et renversé les églises, les hommes du Nord adoptèrent les mœurs et la religion des vaincus et devinrent chrétiens aussi fervents qu'ils avaient été fougueux dans leurs dévastations. Ils voulurent réparer leurs ravages, en élevant de nouveaux temples et en rétablissant ceux qui étaient ruinés ; aucune partie de la France ne présente peut-être autant de fondations d'églises et d'abbayes dans un intervalle aussi court que l'ancienne province de Normandie.

Les ducs et les principaux barons donnèrent l'exemple à leurs vassaux, et il y eut entr'eux une émulation extraordinaire. « A cette époque (vers le milieu du XI. siècle), dit << Guillaume de Jumièges, la Normandie jouissait d'une paix profonde; le clergé était souverainement respecté de tout « le monde; les personnes riches rivalisaient de zèle à bâtir « des églises et à doter des moines qui priassent pour leur <«< salut (1). >>

[ocr errors]

Plus tard après la conquête de l'Angleterre, les seigneurs normands portèrent dans ce pays leur goût pour l'architecture; les biens immenses qu'ils recurent ne firent que favoriser leur zèle à fonder des châteaux, des églises et des monastères, en même temps que le désir de conserver leurs nouvelles possessions les mettait en quelque sorte dans la nécessité d'en agir ainsi pour s'attacher le clergé et pour tenir la population en respect. Guillaume de Malmesbury peint bien cette ardeur des Normands à couvrir d'édifices religieux le pays qu'ils venaient de soumettre. « Voyez, dit-il, s'élever << de tous côtés des églises et des monastères dans un nouveau style d'architecture (1); voyez la patrie animée d'une telle

(1) In diebus illis maxima pacis tranquillitas fovebat habitantes in Normanniâ, et servi Dei à cunctis habebantur in summâ reverentiâ; unusquisque optimatum certabat in prædio suo ecclesias ædificare et monachos qui pro se Deum orarent rebus suis locupletare.-L'auteur fait ensuite une longue énumération des abbayes qui furent bâties à cette époque. Ce détail comprend tout le chapitre Xx du 7o. livre de son histoire des ducs de Normandie.

(1) Novo ædificandi genere consurgere. Ces expressions sont à noter. Elles montrent bien qu'il y avait en Angleterre comme en France une différence notable entre l'architecture du x1o. siècle et celle des siècles précédens.

• ferveur que les riches croiraient avoir perdu la journée qu'ils n'auraient pas signalée par quelque acte éclatant de ⚫ générosité (1). »

[ocr errors]
[ocr errors]

Les faits sont clairs; partout, en France et en Angleterre, un changement notable, un progrès marqué se manifestait dans l'art de bâtir au XIo. siècle, et notre division entre les deux genres d'architecture romane ne pouvait être mieux placée qu'à la fin du X•. siècle.

C'est aussi au XI. siècle que commença le développement d'un ordre social nouveau. « C'est du Ve. au Xe. siècle, « dit M. Guizot, que s'est opéré le travail de fermentation et d'amalgame des trois grands élémens de la civilisation • moderne, l'élément romain, l'élément chrétien et l'élément germain; et c'est seulement à la fin du X. siècle que la fermentation a cessé, que l'amalgame a été à peu près accompli (2). »

[ocr errors]

Mais pour revenir au mouvement de progrès qui se manifesta dans les arts au XI. siècle, le petit nombre de savans qui depuis quelques années ont fait de cette époque de renaissance l'objet de leurs études, reconnaissent deux élémens principaux dans l'architecture romane secondaire. D'une part, ils y trouvent un perfectionnement de l'architecture romane primordiale; de l'autre, une imitation marquée de l'architecture byzantine.

C'est pour la première fois que je parle du style byzantin. Ce style n'est que l'architecture romane modifiée par le goût oriental; c'est une architecture que nous pourrions appeler

(1) Guillaume de Malmesbury de Regibus Angliæ, liv. III. rer. Angl. Script. p. 102.

(2) Cours d'Histoire moderne professé en 1829, t. III, p. 204

et 205.

gréco-romane, pour indiquer par un seul mot les élémens qui la constituent; elle s'était surtout développée dans l'empire d'Orient dont Byzance était la capitale, d'où lui est venu le nom de byzantine.

Pour donner des notions plus précises sur l'origine et la nature du style byzantin, je vais citer une dissertation dans laquelle M. Ludovic Vitet résume en peu de mots l'histoire de cette architecture exotique :

K

[ocr errors]

Au temps où le christianisme, après trois siècles de si«<lence et de misères, sortant enfin des catacombes et des chapelles souterraines d'Italie, s'en vint s'asseoir sur le « trône impérial, deux genres d'architecture étaient en présence dans cette autre partie de l'ancien monde, où allait « se fonder l'empire grec. Sans parler des chefs-d'œuvre a d'Athènes et de Corinthe, dont on n'imitait plus, dont on admirait à peine l'adorable pureté, on voyait dans ces « contrées s'élever des monumens romains, constructions régulières, qui affectaient de se soumettre aux principes du <style grec antique, mais qui, tout en copiant ses proportions, les altéraient avec maladresse, et ne rachetaient << tant de lourdeur que par un peu de solidité. Malgré les • vœux des empereurs, cette architecture massive ne pouvait « s'acclimater sur cette terre de grâce et d'élégance. Une fois les Ictinus éteints, ce n'était pas aux légions romaines à « devenir les architectes de la Grèce et de l'Ionie. Une fois « la pureté primitive oubliée, il ne pouvait fleurir sous ce « beau ciel qu'un style tout nouveau qui, semblable à cette philosophie nouvelle qu'on voyait alors, subtilisant sur Platon, abandonner les traditions de la science antique et « s'élever à un monde et à des rêves inconnus, osât s'affran

«

[ocr errors]
[ocr errors]
« PreviousContinue »