Page images
PDF
EPUB

par exemple, que les autels étaient quelquefois placés le long des murs, sans qu'il y eût de niches ou de chapelles pour les contenir; que celles-ci, moins nombreuses à cette époque qu'elles ne le devinrent dans la suite, étaient formées par l'abside principale et par celles qui se trouvaient au fond des collatéraux, ou dans les transepts; qu'enfin la sacristie où l'on déposait une partie des vases sacrés et les ornemens sacerdotaux, était, comme aujourd'hui, attenante à l'absyde, ou à côté du chœur près des transepts.

Quant aux moyens d'exécution, il est certain que les ecclésiastiques les plus distingués et les plus instruits faisaient de l'architecture l'objet de leurs études. Les anciens écrivains mentionnent un grand nombre d'évêques et d'abbés qui donnaient les plans de leurs églises, et qui travaillaient euxmêmes à les construire; Grégoire de Tours cite plusieurs de ses prédécesseurs comme étant des artistes habiles; il dit que l'évêque Léo était bon charpentier (1); qu'Agricola, évêque de Châlons-sur-Saône, avait dirigé l'érection de plusieurs édifices, notamment celle de sa cathédrale qui était ornée de mosaïques et de colonnes en marbre (2).

Il est certain que plusieurs couvents, tels que celui de Solognac, aux environs de Limoges (3), et beaucoup d'autres

[ocr errors]

(1) Fuit autem (Leo) faber lignarius, faciens etiam turres holochryso tectas, ex quibus quædam apud nos retinentur. Hist. Franc. L. x, §. 31.

(2) Muta in civitate illâ ædificia fecit domos composuit; ecclesiam fabricavit quam columnis fulcivit, variavit marmore musivo depinxit. Grég. Tur. hist. Franc.

[ocr errors]

(3) Saint-Ouen, qui écrivait au vie. siècle, parle en ces termes du monastère de Solognac : << Est autem congregatio magna « diversis gratiarum floribus ornata, habentur ibi et artifices • plurimi diversarum artium periti. »

étaient remplis de littérateurs et d'artistes, dans les VII., VIII. et IX. siècles. Je ne terminerais pas si je voulais citer tous les témoignages qui prouvent que les évêques, les moines et les ecclésiastiques en général, étaient souvent architectes, peintres, historiens, etc.

Mais si les abbayes pouvaient en quelque sorte être considérées comme des écoles où se perpétuaient les traditions relatives aux arts et aux sciences, il y avait aussi hors des cloîtres des ouvriers habiles qui travaillaient sous la direction des évêques ou des moines architectes.

Ces ouvriers étaient même assez nombreux dans la France occidentale, et plusieurs fois les évêques et les abbés d'Angleterre eurent recours à eux lorsqu'ils élevèrent de grandes églises. La France à son tour mettait l'Italie à contribution. Elle en faisait venir des peintres, des sculpteurs et des archi

tectes.

Au moyen de ces relations, de ces emprunts, entre des peuples voisins les uns des autres, il y eut toujours une école d'architecture, et l'art se maintint à un niveau assez élevé et assez uniforme dans l'Europe occidentale.

Je n'ai point établi de coupes dans la période de cinq à six siècles que j'ai assignée au style roman primordial; cependant l'architecture ne fut point stationnaire pendant un si long espace de temps. Il est probable que depuis le Ve. jusqu'au VIII. siècle, l'art de bâtir avait plutôt perdu que gagné, lorsque le génie de Charlemagne vint imprimer la plus heureuse impulsion aux arts et aux lettres. Il est trèsdifficile de savoir exactement quels changemens se manifestèrent alors dans l'architecture; les opinions sont sur ce point assez divisées, mais il est certain que fes monumens acquirent plus de grandeur et d'élégance qu'ils n'en avaient eu auparavant.

Il paraît qu'alors on vit en France des églises bâties à l'imitation de Sainte-Sophie et surmontées de coupoles. L'église Saint-Front de Périgueux que l'on croit avoir été réparée ou reconstruite au Xo. siècle, sur le modèle d'une autre église plus ancienne, peut donner une idée assez juste des églises construites sous Charlemagne à l'imitation de SainteSophie; elle se compose de deux parallelogrammes rectangles égaux entre eux, concentriques et perpendiculaires l'un à l'autre, c'est-à-dire formant une véritable croix grecque, Lcs quatre branches de cette croix sont orientées sur les quatre points cardinaux ; la longueur de l'édifice du levant au couchant et du midi au nord est d'environ 181 pieds (1). Le plan figuré planche V, n°. 1, montre cette disposition. Vous voyez que l'édifice peut en quelque sorte se diviser en cinq carrés de grandeur égale, 1, 2, 3, 4, 5, avec des espèces de bas-côtés ou de galeries dans chaque branche de la croix, aa a aa a. Au-dessus de ces espèces de carrés les voûtes se terminent par des coupoles. Les coupoles s'élevaient primitivement au-dessus du toît et se terminaient par des espèces de pyramides; dans la suite elles ont été enveloppées sous un toît en charpente; mais en montant dans les greniers de l'église on les retrouve intactes et l'on peut voir en mêmé temps l'ancien toît qui se composait de dalles en pierres disposées en gradins. La fig. 2, pl. V, montre la pyramide de la coupole centrale de l'église de Saint-Front telle qu'elle existe au-dessous du toît; les quatre autres pyramides sont pareilles.

On voit sur la fig. 3, même planche, l'ordonnance de l'église à l'extérieur. Les fenêtres sont disposées trois

(1) Je tire ces mesures de l'ouvrage de M. le comte de Taillefer, sur les antiquités de Périgueux.

à trois et chacun de ces assemblages était couronné d'un fronton avec une corniche et des modillons. Dans la suite on a considérablement altéré cette disposition de l'édifice en remplissant par une espèce d'attique le vide qui existait d'un fronton à l'autre afin de former un mur droit et d'exhausser la toîture. Ce travail paraît avoir eu lieu à l'époque où l'on cacha les coupoles sous des charpentes de bois, et l'opération fut entreprise, sans doute pour éviter l'infiltration des pluies. L'église de Saint-Front doit être prochainement décrite avec soin par un savant antiquaire de Périgueux (1); ce peu de mots n'a d'autre but que d'indiquer la forme de l'édifice et la disposition des coupoles.

A l'intérieur les grandes arcades ne sont pas parfaitement semi-circulaires; elles offrent une tendance à prendre la forme ogivale.

L'état prospère auquel les arts étaient parvenus ne put se maintenir dans les temps moins heureux qui suivirent le règne de Charlemagne. Les dissensions intestines et les malheurs sans nombre qui résultèrent de l'invasion des Normands amenèrent bientôt une décadence marquée dans l'architecture; on vit s'éteindre, à la fin du IX. siècle et dans le X., le talent des architectes, en même temps que les lumières de l'ancienne civilisation, ranimés par Charlemagne.

Une superstition bizarre contribua peut-être encore plus que les événemens à hâter la décadence de l'architecture; on croyait que la fin du monde arriverait dans le Xe. siècle : le découragement et l'apathie qui résultaient de cette croyance

(1) M. l'abbé Audierne doit publier une description complète de l'église de Saint-Front.

[graphic][subsumed][ocr errors][ocr errors][ocr errors][ocr errors][ocr errors][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed]
« PreviousContinue »