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eux des habitations aux dépens des murailles et des forteresses qui étaient confiées à leur commandement (1).

De nos jours, les causes de destruction se sont multipliées ; partout on construit de nouvelles maisons pour lesquelles on recherche les matériaux des vieilles forteresses.

Partout, aussi, l'on met en culture jusqu'aux moindres parcelles de terrains en friche, et bientôt on verra croître des moissons là où quelques vieilles tours réveillent encore les souvenirs de notre gloire nationale.

(1) J'ai trouvé, dans les archives dela mairie de Verneuil, des plaintes extrêmement graves contre un sieur de Barberye, qui gouvernait la ville sous Louis XV, et qui eut l'impudence de faire détruire une partie du château pour se bâtir une maison de campagne; beaucoup d'autres gouverneurs en faisaient autant à cette époque.

ARCHITECTURE CIVILE.

CHAPITRE XIX.

Tout édifice non consacré au culte, comme les églises ou les chapelles, et qui n'est point destiné à la défense, comme les châteaux, appartient, d'après ma division, à l'architecture civile.

Ainsi, les maisons claustrales des abbayes, les hôpitaux, les palais, les hôtels de ville, et enfin les maisons particulières, viennent se ranger dans la classe des constructions civiles.

Ces constructions, dans lesquelles nous pourrions suivre les progrès de la civilisation, du commerce et de l'industrie durant le moyen âge, offriraient un sujet d'études infiniment attrayant, si nous en possédions un grand nombre passablement conservées de divers siècles.

Malheureusement, ce champ de recherches si intéressant a été bien moins exploré par les savants que d'autres comparativement stériles, et aujourd'hui que nos villes se sont presqu'entièrement renouvelées, il reste à peine dans un rayon de 100 lieues quelques débris de constructions civiles des XI., XII. et XIII. siècles.

Ce n'est guère qu'à partir du XIV., que nous trouvons un certain nombre de maisons anciennes, et jusqu'à cette époque je n'ai pu réunir que des renseignements fort incomplets sur les monuments civils.

Une telle pénurie me forcera d'être extrêmement bref dans l'aperçu que je vais présenter sur ces édifices qui, du reste ont été soumis aux mêmes variations de formes (1) et de décorations que l'architecture religieuse, et peuvent être classés chronologiquement d'après les mêmes principes.

Sous les Romains, les constructions privées étaient pour la plupart, loin de répondre à la magnificence des édifices publics, et, dans nos contrées, les maisons ne furent sou- vent qu'en bois et en torchis. L'usage de bâtir de la sorte, qui a régné si long-temps au moyen âge, remontait donc au temps de la domination romaine; c'était une des traditions de l'ère qui avait précédé, tradition qui avait seulement été modifiée suivant les temps et suivant les lieux.

Les édifices publics et quelques maisons de riches propriétaires durent seuls, aux premiers siècles du moyen âge, offrir des matériaux solides et durables.

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Pour les édifices publics, on se servit aussi, à cette époque, des constructions romaines encore subsistantes; ces monuments durent être appropriés aux besoins des populations; on répara les bains, les aquéducs, les portiques, etc.

Les constructions nouvelles qui purent alors être faites offraient une imitation des constructions précédentes. Les traditions ne se perdirent point entièrement, et Mabillon a publié un document précieux (2) prouvant que certains édifices du premier ordre avaient conservé, au VII. siècle, les mêmes distributions qu'auparavant.

(1) Je parle ici des ouvertures, car la forme générale et la distribution des divers bâtiments civils ont, comme on le comprend, différé considérablement de celles des églises.

(2) Rer. Ital., t. II.

Les abbayes avec leurs cloîtres, par exemple, étaient une imitation des grandes habitations romaines, ornées de portiques.

Les édifices élevés par les Romains avaient aussi fourni des logements pour le peuple dans presque toutes les anciennes villes; on s'était aménagé dans les arênes, les temples, les théâtres: les murailles antiques avaient servi de supports aux toitures et aux cloisons de ces demeures établies au milieu des ruines.

VIII. et IX. siècles.

Charlemagne, qui sut imprimer une impulsion si heureuse à tout ce qu'il y avait de grand et d'utile, porta sa sollicitude sur l'architecture civile.

A

Ce grand homme avait pris le goût des arts dans les voyages qu'il avait faits en Italie et dans les autres parties de ses états. Pendant les intervalles de ses diverses expéditions il s'occupa de réaliser les idées que lui avaient inspirées ses voyages. Il fonda plusieurs villes nouvelles, bâtit des ponts, répara d'anciens édifices.

Le palais de Charles à Aix-la-Chapelle, était un ouvrage remarquable composé d'une vaste maison autour de laquelle se trouvaient des corps-de-logis considérables pour les hommes attachés à la cour; c'est au moins ce qu'indique le passage suivant du moine de Saint-Gall, écrivain contemporain.

« Les demeures de tous les gens revêtus de quelque dignité, « dit-il, furent construites d'après les plans de Charlemagne, <«< autour du palais, et de telle manière que l'empereur << pouvait, des fenêtres de son cabinet, voir tout ce

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que ceux qni entraient ou sortaient faisaient de plus « caché.

« Les habitations des grands étaient de plus suspendues pour ainsi dire au-dessus de la terre ; non seulement les << officiers et leurs serviteurs, mais toute espèce de gens, << trouvaient sous ces maisons un abri contre les injures de « l'air, la neige et la pluie, et même des fourneaux pour <«<se défendre de la gelée, sans que toutefois ils pussent se << soustraire aux regards du vigilant Charles (1). »

L'exemple donné par le souverain ne peut jamais être stérile; les grands s'empressèrent d'imiter Charles sur différents points du royaume, et l'architecture se releva de la décadence dans laquelle elle était tombée.

Eginhard, secrétaire de Charlemagne et surintendant des bâtiments de l'empire, secondait avec empressement les vues de son maître, il avait dirigé les travaux entrepris à Aix-la-Chapelle, pour la reconstruction du palais et de la basilique. Nous le voyons, dans une de ses lettres, commander de faire des briques de deux espèces, dont il indique soigneusement à l'artisan la grandeur, l'épaisseur et la forme. Les plus grandes devaient avoir deux pieds sur tous sens, et quatre doigts d'épaisseur (2).

A cette époque, en effet, on plaçait des chaînes de briques dans les murailles, comme on l'avait fait sous la domination

(1) Vie de Charlemagne, par le moine de Saint-Gall; Apud Bouquet, t. V, p. 119. Collection de M. Guizot, t. III, p. 214.

(2) Volumus ut Egmunalo de verbo nostro præcipias ut faciat nobis lateres quadratos habentes in omnem partem duos pedes manuales, et quatuor digitos in crassitudinem, numero LX, et alios minores similiter quadratos habentes in omnem partem unum semissem et quatuor digitos, et in crassitudine digitos

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