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fut alors substitué au plain cintre romain, et cette différence capitale dans la forme des arcades, jointe à plusieurs autres, établit un caractère essentiellement distinctif entre cette architecture nouvelle et celle qui l'avait précédée.

J'ai appelé le premier architecture à ogives ou style ogival cette architecture dont l'ogive est le principal caractère, et j'ose dire que cette dénomination est beaucoup plus juste que toutes celles qui ont été employées jusqu'ici. En effet, c'est principalement l'architecture à ogives qui avait reçu le nom de gothique, et rien n'est plus impropre qu'une pareille dénomination. Les Goths, les Vandales et les autres peuples barbares n'ont jamais eu d'architecture à eux, ils n'ont fait qu'imiter les constructions romaines, et d'ailleurs les nations gothiques avaient disparu depuis long-temps de la scène du monde, quand le style ogival a commencé à s'y montrer, puisqu'il ne date que du XII. siècle (1).

Les nomenclatures n'ont de valeur qu'autant qu'elles reposent sur des faits, aujourd'hui surtout qu'un esprit d'exactitude et de réserve prévaut dans les recherches historiques comme dans toutes les autres sciences. Le nom que je propose fait allusion au principal caractère du genre qui est l'arcade en ogive, mais il n'a aucune relation avec l'origine de cette forme, c'est en quoi je le trouve préférable aux autres.

Au reste, quelle que soit l'expression dont on voudra se

(1) La dénomination de gothique avait été employée pendant long-temps pour qualifier tout genre d'architecture qui s'éloignait des principes de l'architecture grecque et romaine, comme si les Goths qui s'emparèrent de l'Italie au ve. siècle étaient les auteurs de cette corruption du goût. Aujourd'hui cette opinion est détruite partout quant au fond, mais la dénomination a survécu à l'opinion qui l'avait fait adopter.

servir, le style ogival a régné presque sans partage en France depuis le XII. siècle jusqu'au XV., époque à laquelle une grande révolution dans le goût et dans les idées ramena les artistes à l'imitation de l'architecture grecque et de l'architecture romaine. Cette période de trois siècles et demi peut être divisée elle-même en trois époques eu égard aux variations de l'architecture ogivale dans les XIII., XIV., XV. et XVI. siècles; nous les distinguerons simplement par des adjectifs indiquant leur ordre relatif d'ancienneté. Ainsi le style ogival de la première époque sera le primitif ; les mots secondaire, tertiaire, distingueront les deux autres époques.

Le court aperçu qui précède montre tout mon système de classification; il est de la plus grande simplicité, et c'est celui que je trouve le plus naturel après avoir comparé plus de quinze cents églises de différens âges. Ainsi je divise les styles d'architecture religieuse en deux grandes classes et en six espèces, dont le tableau suivant indique la durée et l'ordre de succession.

Tableau chronologique des principaux styles d'architecture qui ont régné depuis le Ve. siècle jusqu'à la fin du XVI.

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Ces divisions que j'avais établies il y douze ans me paraissent bonnes à conserver, malgré la difficulté de préciser à quelles époques se sont manifestés les changemens qui servent à les distinguer.

D'ailleurs, en archéologie comme dans bien d'autres sciences, les meilleures méthodes de classification reposent nécessairement sur des abstractions diversement gradućcs. 11 , n'est pas aisé de circonscrire absolument les limites temporaires dans lesquelles on doit renfermer le règne de tel ou tel style d'architecture; ces limites peuvent varier jusqu'à un certain point, suivant les localités.

Malgré ces oscillations dans la marche de l'art, l'âge relatif des monumens religieux peut être constaté comme tout autre fait positif; en d'autres termes, on peut analyser les caractères architectoniques d'une église, afin de découvrir à quelle époque elle a été construite, comme on analyse les organes d'un végétal pour trouver à quel genre il appartient. Mais dans cette opération il ne faut jamais oublier que l'ensemble de plusieurs caractères doit toujours guider dans la détermination des époques, et que l'examen le plus minutieux en apparence ne peut être indifférent pour arriver au but, et pour se former une juste idée de la génération des formes.

CHAPITRE III.

En Occident l'architecture atteignit un haut degré de perfection sous le règne d'Auguste; depuis cet empereur jusqu'à Adrien et aux Antonins elle conserva sa splendeur, mais elle perdit la simplicité du style grec dont elle avait tiré son origine: ensuite elle dégénéra graduellement par la surabondance

des ornemens et par

les guerres d'Asie.

de licencieuses innovations, surtout après

Ainsi plusieurs parties du vaste palais élevé par Dioclétien à Spalatro, au III. siècle, portent l'empreinte du mauvais goût qui commençait à dominer. On y voit des colonnes supportant immédiatement des arcs au lieu d'architraves (pl. Ir., fig. 1-2), des arcades interrompant l'entablement, et plusieurs autres défauts qui annoncent l'oubli des règles et des bons principes.

Cet oubli est plus choquant encore dans les thermes bâtis à Rome par le même empereur. D'après Séroux d'Agincourt qui avait examiné cet édifice, la décoration de plusieurs des parties qui le constituent est d'un style bizarre et licencieux ; des colonnes sans emploi appliquées contre les murs 9 y sont élevées les unes au-dessus des autres sur des piédestaux dé mauvais goût et surmontées d'architraves et de corniches interrompues; d'autres colonnes s'appuient sur des consoles et sont couronnées par des frontons brisés et saus bases. La fig. 3, pl. Ire., représente une partie de cet édifice dans laquelle on peut remarquer la réunion des défauts que je viens d'énumérer.

Les progrès de la décadence devinrent de plus en plus sensibles sous le règne de Constantin ; on orna l'arc de triomphe élevé par le sénat et le peuple romain en mémoire de la victoire remportée par ce prince sur Maxence, avec des colonnes, des statues et des bas-reliefs arrachés à l'arc de Trajan. Les artistes du temps ne purent coordonner convenablement ces différens morceaux de sculpture et il régna de l'irrégularité dans leur assemblage. La plupart des autres monumens élevés sous Constantin se distinguent par les défauts que nous avons signalés sous Dioclétien, et en outre par une grande pesanteur dans les principaux membres des ordres.

La dégradation était donc déjà assez avancée lorsque l'établissement du christianisme, protégé par ce prince, fit élever à Rome et dans les provinces de l'empire, un grand nombre d'églises dont quelques-unes ont subsisté jusqu'à nous.

Des premières Eglises et des Basiliques.

Les basiliques servaient à la fois de tribunaux et de bourses de commerce. On s'y réunissait pour parler d'affaires; quelques-unes pouvaient aussi contenir des étalages de marchandises comme nos halles ou nos bazars.

A l'extérieur elles se distinguaient par une grande simplicité; les murs percés de fenêtres semi-circulaires régulièrement espacées, n'étaient pas décorés de colonnes ni de sculptures comme ceux des temples.

A l'intérieur, deux rangs parallèles de colonnes ou de pilastres divisaient l'édifice en trois parties inégales dans le sens de la longueur (pl. Ire., fig. 7). La galerie centrale était la plus large et la plus élevée ; elle était occupée en partie par les marchands, les plaideurs, les avocats, en partie par le peuple. Les plaideurs et les curieux se plaçaient aussi à droite et à gauche dans les deux ailes latérales.

A l'extrémité des trois galeries il y avait un espace peu profond (voir le plan no. 7, pl. Ire.) qui, comme dans nos tribunaux actuels, était réservé exclusivement aux avocats, aux greffiers et aux autres officiers de justice, et qui se terminait par un enfoncement semi-circulaire placé vis-à-vis de la galerie centrale. C'était au milieu de cet hémicycle que s'asseyait le président ou premier juge (voir le point A, fig. 7, pl. Ire.) ayant à ses côtés les juges assesseurs.

Ainsi disposées, les basiliques parurent aux premiers évêques de Rome tout-à-fait convenables pour la célébration

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