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doute de fatiguer les lecteurs pour lesquels il voulait écrire. Il donne de pompeuses descriptions des édifices, et ne discute que rarement et très-légèrement les questions d'art et d'époques qui s'y rattachent. Ce grand et magnifique ouvrage ne doit pas moins être considéré comme un monument national.

Deux savans, connus par des travaux littéraires et philologiques de l'ordre le plus élevé, MM. Schweighauser et de Golbery, membres de l'Institut, ont aussi publié d'excellentes recherches sur les monumens de l'Alsace, dans un grand ouvrage dont les lithographies sont sorties des presses de M. Engelmanu (1).

-La plupart de nos cathédrales commandent l'admiration, tant par le grandiose de leurs dimensions que par la finesse et la perfection de leurs détails : ce sont elles qui fonrnissent les morceaux les plus importans pour l'étude de l'architecture. Aucune entreprise n'est donc plus digne d'encouragement que celle de MM. Chapuy et de Jolimont, qui se sont proposé de publier des vues et des descriptions des cathédrales françaises les plus intéressantes. Plus de vingt cahiers comprenant douze cathédrales ont été livrés au public (2). Les dessins lithographiés d'après les esquisses de M. Chapuy sont pour la plupart très-nettement rendus et le texte est rédigé d'une manière satisfaisante par M. de Jolimont (3).

(1) Antiquités de l'Alsace, ou châteaux, églises et autres monumens des départemens du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, avec un texte historique et descriptif par MM. Schweighauser et de Golbery,un volume in-fo. accompagné d'un grand nombre de planches. Paris. 1825-1826.

(2) Cathédrales françaises dessinées d'après nature, par M. Chapuy, avec un texte historique et descriptif, par M. de Jolimont, membre de la société des Antiquaires de Normandie.

(3) M. de Jolimont a composé le texte historique et descriptif

C'est à ce dernier que nous devons aussi la première partie d'un essai descriptif des monumens du Calvados ; il est fâcheux que cet ouvrage demeure interrompu (1).

On peut exprimer le même regret au sujet des publications commencées dans le Poitou (2), et dont il n'a paru que peu de livraisons; les monumens de cette province sont d'un baut intérêt et ils n'ont pas encore été décrits.

Tout récemment M. de Chergé a donné une excellente notice sur la curieuse abbaye de Charroux; M. Castaigne a décrit la cathédrale d'Angoulême.

M. de La Saussaye dans le Blésois, MM. de Crazannes et Moreau dans la Charente-Inférieure, M. Jules Renouvier dans le Sud-Ouest de la France, ont fait d'excellentes observations qui ont donné lieu à différens mémoires. Depuis peu M. J. Bard explore les monumens de l'Est.

Le rapport de M. Ludovic Vitet sur quelques mor umens du Nord de la France, observés dans une de ses tournées d'inspection renferme de précieux détails, et l'on doit regretter

des cathédrales qui ont paru jusqu'ici, excepté celui des cathédrales d'Arles et d'Alby, qui est de M. Dumège de Toulouse, et celui de la cathédrale de Strasbourg, dont s'est chargé M. Schweighauser.

(1) Monumens du département du Calvados, dessinés, lithographiés et décrits par M. de Jolimont, une livraison petit in fo. Paris. 1825.

(2) Antiquités, monumens et vues pittoresques du Haut-Poitou, dessinées, lithographiées et publiées par M. Thiollet, avec un texte historique et descriptif par MM. les conservateurs des monumens de la Vienne et de la Vendée. (MM. de La Fontenelle et Gibaux.) Deux livraisons grand in-fo. Paris. 1823.

Souvenirs pittoresques du Poitou et de l'Anjou, par M. Alexis Noël, deux livraisons petit in-fo. Paris. 1828.

que cet habile observateur n'ait pas publié le résultat de son inspection de 1833. M. Mérimée, qui a succédé à M. Vitet comme inspecteur général des monumens historiques, vient de faire paraître (1835) un volume rempli d'intérêt et contenant une foule de renseignemens précieux sur les monumens de plusieurs villes du Sud-Est et du midi de la France.

Nous devons aussi à M. Grille de Beuzelin un grand nombre de dessins de monumens, recueillis dans quelques-unes de nos provinces.

Dans le Sud-Ouest de la France, M. Jouannet de Bordeaux a publié d'excellentes notices sur quelques églises de cette ville et des environs, et M. Alexandre Dumège De La Haye explore les monumens religieux de Toulouse.

Je passe sous silence beaucoup d'auties notices consacrées à la description spéciale d'un ou de plusieurs édifices d'une même ville. Parmi les meilleures descriptions de ce genre, on peut recommander celles dés cathédrales de Chartres et de Paris par M. Gilbert, membre de la société des Antiquaires de France: elles sont excellentes, et laissent peu de chose à désirer (1).

Conclusion. Nous possédons, comme on le voit par cet aperçu, une assez grande quantité d'ouvrages sur l'architecture des siècles intermédiaires; mais la plupart se recommandent bien plus par leurs planches que par les renseignemens historiques qu'ils contiennent.

Les ouvrages qui ont été publiés à Londres, et qui sont les plus instructifs de tous, ne peuvent indiquer complètement les

Dans cette énumération je n'ai dû mentionner que des mémoires publiés ; il est probable que d'autres travaux se préparent.

variations de l'architecture, puisqu'ils ne traitent que des monumens de l'Angleterre, qui ne remontent

Xe. siècle.

coup

pas au-delà du

Tous ceux qui ont paru dans d'autres contrées laissent beaude renseignemens à désirer, et l'on ne peut disconvenir qu'il n'existe beaucoup de lacunes et d'imperfections dans les recherches qui ont été faites jusqu'ici. Mon Cours d'Antiquités Monumentales est, je crois, le seul ouvrage qui ait été composé dans le but de présenter l'ensemble des faits qui touchent à l'origine et aux progrès des différens styles;il ne faut pas croire en effet que les observations isolées, quelque importantes, quelque nombreuses qu'elles puissent être, suffisent à elles seules pour constituer la science; elles n'en sont que les élémens, que les matériaux; il n'y a de science qu'autant qu'on est parvenu les coordonner entre elles, à les féconder par l'induction, à les lier, et à former ainsi ce qu'on appelle des corps de doctrine.

à

Telle est la tâche que j'ai entreprise pour l'architecture du moyen âge, il y a plusieurs années, et qui m'a donné lieu de publier d'abord mon Essai sur l'architecture du moyen âge, puis de traiter le même sujet avec les développemeus qu'il comporte dans le Cours d'antiquités professé en 1830. Ce qui va suivre n'est en quelque sorte que le résumé de ce dernier ouvrage : j'aurai seulement à présenter quelques nouvelles idées résultant des observations auxquelles j'ai pu me livrer depuis 1830.

CHAPITRE II.

Classification des styles architectoniques du moyen âge.

L'architecture des premiers siècles du moyen âge offrait tous les caractères de l'architecture romaine, mais dans

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un état avancé de dégénérescence; nous la désignerons sous le nom d'architecture romane. Cette dénomination d'abord employée par M. de Gerville, et que j'ai adoptée en 1823 dans mon essai sur l'architecture religieuse du moyen âge, me paraît préférable à celles de lombarde, saxonne, normande, gothique-ancienne, et à plusieurs autres dont on s'est servi pour désigner l'architecture postérieure à la domination romaine et antérieure au XII. siècle.

Ces noms impliquent en effet une idée fausse, car ils peuvent faire croire que l'architecture dont nous parlons est venue des Goths, des Saxons, des Normands, des Lombards; il faut absolument les remplacer par un nom unique, puisque l'architecture qu'ils désignent est partout la même, sauf quelques différences dans les accessoires : celui que j'adopte, réunit, je crois, toutes les conditions qui peuvent le faire préférer; il a le mérite d'indiquer l'origine du style d'architecture auquel je l'applique, et il n'est pas nouveau, puisqu'on s'en sert déjà pour désigner la langue du même temps. Tout le monde sait que la langue romane est la langue latine dégénérée; il est naturel de désigner aussi l'architecture romaine abâtardie, sous le nom d'architecture romane.

Quoi qu'il en soit, je divise cette période de six siècles (du VIa. au XIIa.) à laquelle je donne le nom de romane, en trois époques principales ; la première qui s'étend depuis le VI. jusqu'au X. siècle inclusivement; la seconde qui commence à la fin du Xe. siècle et se prolonge jusqu'à la fin du XI. siècle; la troisième qui comprend les dernières années du XI. siècle et la re. moitié du XII.

Ce fut vers le milieu du XIIe. siècle qu'une grande révolution, dont il est facile de suivre le cours, vint changer entièrement l'architecture. L'arc en tiers-point appelé ogive

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