Page images
PDF
EPUB

Quoi qu'il en soit, l'infériorité du style ogival tertiaire comparé au primitif et au secondaire, ne me paraît pas douteuse.

Cette profusion de découpures de feuillages, de crochets, ces feuilles frisées, déchiquetécs, contournées, placées en guise de panaches autour des fenêtres, des portes, des frontons, contrastent parfois d'une manière peu agréable, par leur volume et leur complication, avec les maigres filets qui remplacent si souvent les colonnes élégantes et légères des XIII. et XIVe siècles.

Les nervures prismatiques des voussoirs sont aussi moins agréables que les tores arrondis et séparés les uns des autres par des canelures profondes.

Enfin les églises du XVe. sont presque toutes moins grandes et moins élevées que celles du XIVe. siècle, et cette profusion de pinacles et de figures pyramidales qui les décorent ne peuvent dissimuler entièrement leur défaut d'élévation.

Je ne nie pas toutefois que le style ogival de la troisième époque n'offre de grandes beautés, et je connais des monuments d'une rare élégance et d'une exécution admirable, qui appartiennent tout entiers à ce style.

Mais, je le répète, l'architecture du XIV. et surtout celle du XIII. est bien plus pure; elle me paraît préférable.

RENAISSANCE,

Le style ogival qui avait parcouru ses diverses périodes de per fectionnement et de dégénération touchait à son terme, durant la première moitié du XVIe. siècle. On allait abandonner l'arcade en tiers point pour reprendre le plein cintre abandonné lui-même pour l'ogive depuis le XII.; une immense révolution allait s'op érer dans l'architecture.

La découverte des manuscrits de Vitruve, les travaux d'Alberti, de Brunelleschi, et de plusieurs autres architectes Italiens; le goût qui s'était manifesté si ouvertement pour l'antiquité classique, à la fin du XVa. siècle et au commencement du XVI; enfin, cet esprit d'innovation et de réforme qui fermentait dans la société, aussi bien parmi les artistes que parmi les théologiens; tout avait préparé les esprits pour ce grand changement qui, dans nos contrées, s'opéra principalement sous les règnes de Louis XII et de François Ier.

De même qu'au XII. siècle, une architecture de transition s'était formée lorsqu'on avait abandonné le cintre pour l'ogive; on vit paraître, lorsqu'on revint au cintre, un style mixte résultant de la combinaison des formes classiques avec les ornements du XV. siècle. Le plein cintre romain se montra couvert de la riche parure du style ogival de la dernière époque. C'est ce style mixte et bâtard qu'on appelle architecture de la renaissance, parce que, dès lors, on regarda le moyen âge comme un temps d'ignorance et de barbarie.

Mais l'architecture mélangée qui se montre chez nous à l'époque où l'on voulut revenir aux formes antiques n'a pas été généralement employée dans les constructions religieuses du XVI. siècle. L'ogive avait reçu pour ces édifices une sorte de consécration, nous la retrouvons encore dans quelques églises de la fin du XVI. siècle, bien que depuis le temps de François Ier. l'architecture nouvelle eût été préférée pour les constructions civiles.

A tout prendre les productions de la renaissance ont été plutôt privées que publiques ; c'est-à-dire qu'on a construit dans ce style beaucoup moins d'églises que de palais, de châteaux, de maisons particulières.

Bornons nous donc à une simple indication de ses

principaux caractères. Les fenêtres sont à plein cintre et sans compartiments en pierre ( pl. VIII, fig, 25 ). Les portes et les arcades sont également cintrées, cependant il n'est pas rare de trouver des ogives mêlées aux cintres.

Au milieu des ornements empruntés au quatrième style ogival, on remarque souvent une immense quantité d'arabesques, des rinceaux et plusieurs moulures imitées de l'architecture antique, des médaillons dans lesquels sont en demi-relief des têtes de princes romains ou les bustes des personnages marquants de l'époque (pl. XIV, fig. 41.). Les contreforts se dissimulent et se transforment en pilastres ou en chambranles ( pl. XI, fig. 7).

Les colonnes encore très-fréquemment remplacées par des commencent à se montrer avec des proportions

nervures,

plus correctes.

Dans l'entablement on distingue souvent l'architrave, la frise et la corniche.

Les voûtes cintrées sont couvertes de culs-de-lampe et de pendentifs ornés d'un grand nombre de ciselures.

Enfin, les tours affectent presque toutes la forme hémisphérique, et les clochetons sont remplacés le plus souvent par des pyramides en forme de candélabres (pl. XIV, fig. 42) et par des espèces de piédestaux carrés ou octogones ( même pl., fig. 43).

Les monuments de cette époque offrent tous de petites dimensions, mais ils ont en même temps quelque chose de gracieux; ils plaisent par l'élégance de leurs proportions et la délicatesse de leurs ornements.

L'apside de l'église St-Pierre et celle de Notre-Dame, à Caen; la chapelle de l'ancien évêché de Bayeux, le portail de l'église Trinité à Falaise, la chapelle du château de Che

nonceaux (Indre-et-Loire); divers parties de l'église d'Argentan, peuvent, avec beaucoup d'autres édifices, fournir des exemples du style de la renaissance.

Dès le milieu du XVI. siècle, cette architecture se dégage des accessoires qu'elle avait empruntés au style ogival; c'est aussi à peu près à cette époque que ce dernier style qui avait continué d'être usité dans les monuments religieux, concurremment avec celui de la renaissance, cesse d'être employé, et quoique j'en connaisse beaucoup d'exemples de la fin du XVI. siècle, on peut fixer approximativement à 1550 le terme de la période ogivale.

Ce terme est aussi celui de nos recherches sur les variations de l'architecture religieuse du moyen âge; je vais maintenant tracer rapidement l'histoire de l'architecture militaire.

ARCHITECTURE MILITAIRE.

CHAPITRE XI.

En comparant entr'eux, siècle par siècle, les divers éléments de l'architecture religieuse, nous sommes, je crois, parvenus à indiquer un certain nombre de caractères au moyen desquels on peut reconnaître sans difficulté à quelle époque les édifices religieux ont été élevés et leur ancienneté relative.

Il nous reste à décrire les monuments civils et les grands édifices militaires, qui ont garni nos villes et couvert nos campagnes.

L'architecture militaire dont je vais parler d'abord a été bien moins étudiée encore que l'architecture religieuse; son histoire n'a été franchement abordée par personne en France, en Angleterre ni en Allemagne.

En Angleterre, MM. King et Grosse sont les seuls, à ma connaissance, qui aient fait des recherches sur l'architecture militaire du moyen âge. J'ai surtout profité des travaux de M. King. Ses deux mémoires, publiés dans les tomes IV et VI de la collection de l'académie des antiquaires de Londres, et les détails consignés dans le 3. volume de son grand intitulé Munimenta Antiqua, peuvent être conouvrage, şultés avec fruit. Cependant ses opinions sur l'architecture militaire du moyen âge n'ont guère de valeur qu'autant qu'elles s'appliquent aux châteaux bâtis en Angleterre après

« PreviousContinue »