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présentait des types caractéristiques de l'état de l'art aux différens siècles du moyen âge, aurait pu exercer une heureuse influence sur les études archéologiques, mais elle fut supprimée dans la suite.

Pendant que M. Le Noir formait le musée des Petits-Augustins, Millin décrivait un grand nombre de monumens de tous les siècles; mais dans ses ouvrages descriptifs, ce savant s'occupait moins des monumens du moyen âge que de ceux qui appartiennent à l'époque gallo-romaine; ses travaux avancèrent peu l'histoire de l'architecture religieuse.

Le premier ouvrage français qui ait fourni des documens un peu étendus sur cette architecture est celui de Séroux d'Agincourt. Passionné pour les arts et doué d'une ardeur peu commune, d'Agincourt avait consacré presque toute sa vie à l'é. tude de l'architecture, de la sculpture et de la peinture au moyen âge, lorsqu'il termina son Histoire de l'art par les monumens, dont la publication n'a été terminée qu'après sa mort, vers l'année 1816 (1).

Tout important qu'il est, cet ouvrage n'est pas exempt d'erreurs; elles y sont même assez nombreuses. L'auteur a travaillé, je crois, sur un plan trop vaste pour pouvoir obtenir l'unité et l'exactitude qui eussent été si nécessaires dans un pareil travail. Les différentes parties de son histoire ne sont pas également développées, il y en a même de tout-à-fait manquées; d'ailleurs il s'occupe très-peu de l'état de l'art en France attaché àl'Italie, ce n'est qu'à regret qu'il s'en écarte et qu'il fait de rares excursions dans les contrées voi ·

sines.

(1) Histoire de l'art par les monumens, depuis sa décadence au IV. siècle, jusqu'à son rétablissement au xvi., 4 vol. grand in-fo

C'est peut-être en Normandie que l'architecture du moyen âge a été étudiée depuis vingt-cinq ans avec le plus de méthode, de zèle et de succès ; le résultat des recherches des antiquaires anglais y fut connu de bonne heure, et plusieurs savans rivalisèrent avec eux de persévérance et d'activité pour éclaircir les importantes questions qui intéressent l'histoire de notre architecture.

M. Auguste Le Prévost explora dès l'année 1814 les édifices religieux de la Haute-Normandie.

Ce savant distingué avait trouvé un collaborateur zélé dans M. Hyacinthe Langlois, dont l'établissement à Rouen fait époque dans l'histoire de notre école d'archéologie.

Sur un autre point de la Normandie M. de Gerville se livrait, en même temps que M. Le Prévost, à l'étude des monmens du moyen âge, et réunissait les élémens d'une statistique monumentale du département de la Manche.

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Plus tard (en 1819, 1820, 1821, 1822 et 1823) le département du Calvados fut aussi soigneusement exploré par MM. Lambert, Ch. Thomine, Léchaudé d'Anisy, mont, et par moi-même.

Cependant, quoiqu'on eût fait beaucoup d'observations, on publia peu; les travaux des antiquaires normands furent à peine connus avant l'année 1824, époque à laquelle la création d'une société spécialement consacrée à l'archéologic fournit aux personnes qui s'étaient livrées à cette étude l'occasion de faire imprimer leurs ouvrages en même temps qu'elle établit entr'elles des relations plus fréquentes.

Parmi les mémoires publiés en Normandie sur l'architecture du moyen âge, quelques-uns de ceux que je vais citer ont particulièrement contribué à développer et à propager le goût des études monumentales.

En 1819, M. de Gerville composa deux notices intéressantes, dont l'une renferme un catalogue raisonné des églises les plus anciennes et les plus curieuses du département de la Manche; et l'autre des recherches sur l'origine de l'église de Mortain et de la cathédrale de Coutances: ces deux notices n'ont été imprimées qu'en 1824 dans le premier volume des mémoires de la société des Antiquaires.

Ce fut dans le même volume que parut mon essai sur l'architecture religieuse du moyen âge, qui avait été communiqué, en 1823, à la société d'émulation de Caen, et dans lequel j'ai établi une classification chronologique des monumens religieux, basée sur les changemens qui se sont manifestés successivement dans les styles architectoniques (1). Ce travail est fort incomplet, il renferme même quelques erreurs; mais c'était alors le seul qui offrit un corps de doctrine concernant l'histoire de l'architecture religieuse du moyen âge : il a, je crois, rendu quelques services.

On vit paraître presqu'en même temps un grand nombre de bons ouvrages, tels que l'histoire de l'abbaye de Saint-Wandrille par M. Hyacinthe Langlois ; celle de l'abbaye de SaintGeorges-de-Bocherville par M. Achille Deville; l'histoire de l'abbaye de Jumièges par M. Deshayes; le mémoire de M. de Gerville sur les abbayes du département de la Manche et l'essai de M. Auguste Le Prévost sur quelques monumens rcmarquables du département de l'Eure.

Plusieurs autres membres de la société des Antiquaires

(1) Essai sur l'architecture religieuse du moyen âge, principalement en Normandie, accompagné de 11 planches lithographiées.

Le même mémoire tiré à part formait un petit volume in-8°. qui a été épuisé dès l'année 1826:

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(MM. J. Desnoyers, Ch. de Vauquelin, Deshayes, Frédéric Galeron, Dubourg d'Isigny, de Clinchamps, de Magneville, Richome et Boscher) firent de bonnes observations et recueillirent des renseignemens utiles pour l'avancement de la statistique monumentale de la Normandie.

En 1830, je professai mon Cours d'Antiquités Monumentales dont le IV. volume, consacré tout entier à faire connaître l'histoire de l'architecture religieuse du moyen âge, a paru en 1832, et a été assez recherché tant en France qu'en Angleterre et en Allemagne. 23 Planches accompagnent ce volume et montrent les changemens qui se sont introduits siècle par siècle, dans les formes architectoniques.

La plupart des ouvrages publiés sur l'architecture religieuse, dans les autres parties de la France, consistent dans des recueils de planches gravées ou lithographiées, représentant des églises et quelques vieux châteaux ; dans toutes ces productions le texte peu développé n'a malheureusement été considéré que comme partie accessoire. Toutefois les dessins, fussent-ils complètement dépourvus d'explication, fournissent, lorsqu'ils sont exacts, de grandes lumières à celui qui a l'habitude de voir et de comparer. Sous ce rapport, les ouvrages dont je parle sont utiles à consulter.

Le recueil publié par feu M. Wilmin sous le titre de Monumens français inédits pour servir à l'histoire des arts, doit être cité l'un des premiers; il renferme plus de deux cents planches in-folio (1), dont la moitié sont coloriécs; elles représentent non seulement des monumens d'architecture et de sculpture, mais encore des vignettes de manuscrits, des

(1) Pendant plusieurs années cet ouvrage a paru par livraisons;

47 cahiers ont été terminés.

meubles, d'anciens costumes, etc. Le peu de texte qu'on a jugé convenable d'y joindre, est loin de répondre à l'importance des figures sur lesquelles il ne donne presque aucuns détails.

Il ne faut pas oublier les monumens français classés chronologiquement, par M. le comte de Laborde; on y trouve plus de monumens romains que d'édifices de moyen âge; mais ceux-ci ont été choisis avec le tact judicieux que l'on devait attendre de ce savant académicien.

Plus de quatre cents planches in-folio représentant les monumens de la Haute-Normandie, de la Frauche-Comté, de l'Auvergne et du Languedoc, composent l'atlas du voyage pittoresque et romantique dans l'ancienne France, par MM. Nodier, Taylor et de Cailleux. Ce voyage a obtenu beaucoup de Vogue dans les salons, et sous ce rapport surtout il a contribué à porter l'attention du public sur les anciens monumens. Il est à regretter cependant que l'on ait trop exclusivement exploité le côté pittoresque de l'ouvrage. Les dessinateurs d'un grand talent sans doute, mais étrangers aux études archéologiques, ont trop souvent négligé les détails architectoniques pour donner des vues d'ensemble d'un plus grand effet.

Le texte est en grande partie de M. Charles Nodier (1); c'est dire qu'il se distingue par un style brillant et poëtique, mais aussi l'auteur a sacrifié des détails historiques, qu'on serait bien aise de trouver, à la crainte qu'il avait sans

(1) M. Le Prévost a rédigé plusieurs chapitres du voyage pittoresque et romantique. On reconnaît facilement la plume érudite et brillante de notre savant ami dans les articles qui traitent de Rouen, du château Gaillard, de Mortemer, etc. En lisant ces articles, on regrette que M. Le Prévost n'ait pu se charger de la description de tous les monumens de la Haute-Normandie.

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