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la première moitié du XII. siècle dans la France occidentale; il est impossible de faire remonter moins loin quelques parties de l'église de Chartres et plusieurs édifices dans lesquels l'ogive domine.

Il n'est pas moins vrai que l'architecture romane a régné long-temps encore concurremment avec ce nouveau style, et que l'arc en tiers point ne triompha complètement du cintre qu'à la fin du XII. siècle. J'ai donc eu raison d'assigner en général à l'architecture de transition la période comprise entre le XI. siècle et le XIII., et je ne crois pas qu'il y ait lieu de modifier le principe que j'ai posé.

CHAPITRE VIII.

Du style ogival primitif ·

(Depuis 1160 environ jusqu'à 1300).

Nous avons reconnu qu'on n'abandonna pas entièrement l'architecture romane avant le XIIIe siècle; mais que dès le milieu du XII. on éleva des églises dans le style ogival; le tableau que je vais présenter des caractères de cette nouvelle architecture s'appliquera donc principalement aux monuments du XIII., mais il conviendra aussi à une partie de ceux du XIIe siècle.

Quoique les monuments à ogive, élevés depuis la seconde moitié du XII. siècle jusqu'au XIV., offrent les mêmes caractères généraux, cependant l'état progressif de l'art est visible dans cette série d'édifices, et l'on remarque quelques

différences entre ceux qui remontent au commencement et ceux qui appartiennent à la fin de cette période.

Dans la seconde moitié du XIIe. siècle et au commencement du XIII., l'architecture nouvelle est encore empreinte d'une physionomie qui rappelle l'ancien style; ce n'est guère qu'au milieu du XIIIe siècle qu'elle acquiert la légèreté, l'élégance et les heureuses proportions qui donnent, selon moi, tant de supériorité au style ogival de la première époque sur celui des siècles postérieurs. Je dois me borner ici à faire connaître les caractères généraux de cette architecture; l'observation apprendra bientôt à apprécier les différences au moyen desquelles on peut découvrir l'ancienneté relative des monuments élevés depuis la fin du XII. siècle jusqu'à la fin du XIIIa.

Forme des Eglises. On apporta quelques modifications dans le plan des églises, au XIII. siècle; le chœur devint plus long qu'il ne l'avait été auparavant, comparativement à la nef (1). On prolongea les collatéraux autour du sanctuaire, et ils furent toujours bordés de chappelles, ce qui n'avait pas lieu constamment dans le XI. siècle, comme je l'ai dit précédemment (voir les pages 69 et 70 ).

Quelquefois on donna à la chapelle terminale placée derrière le rond point du chœur, plus d'extension qu'aux autres (voir la fig. 15, pl. Ire); elle fut alors consacrée à la Sainte Vierge, mais quoique cet usage ait pris naissance vers le XII®. ou le XIII. siècle, c'est, je crois, dans le XIV. qu'il a été le plus général.

(1) Dans plusieurs églises de cette époque le chœur occupe la partie centrale des transepts et se prolonge sans intervalle jusqu'à la nef (Bayeux, Coutances, etc., etc.). La même disposition existait plus anciennement dans quelques églises romanes.

Au XIII. siècle, on ne garnissait point encore de chapelles les bas côtés de la nef (voir la fig. 14, pl. Ire); on n'en trouve point de cette époque à Chartres, à Reims, à Noyon, à Soissons (1), ni dans un grand nombre d'autres basiliques; celles qu'on voit aujourd'hui le long des nefs des églises de cette époque, ont été construites au XIVe siècle ou au XV. On trouve au XIII, comme dans les siècles précédents, des églises sans apsides qui se terminent par une muraille plate percée de deux ou trois fenêtres ; ces églises sont assez communes dans les campagnes. Bien souvent on n'y voit point de collatéraux, et ceux-ci, lorsqu'ils existent, se terminent eux-mêmes par un mur droit, des deux côtés du sanctuaire.

Enfin quelques églises ont des apsides à pans coupés ou des apsides anguleuses, caractère que n'offrent pas ordinairement les monuments postérieurs au XIII. siècle.

Appareils. On cessa tout-à-fait d'employer les petites pierres taillées carrément; les pièces de l'appareil furent généralement plus grandes et de forme moins régulière ; on ne disposa plus les pierres en arête de poisson.

Arcs-boutants et Contreforts. Un trait hardi du nouveau style fut de projeter en l'air ces arcs-boutants qui s'appuient d'un côté sur les contreforts des collatéraux et qui vont de l'autre soutenir les murs du grand comble (pl. XI, fig. 2).

Ce moyen ingénieux de consolider le sommet des édifices était inconnu dans le XI. siècle; alors les arcs-boutants qu'on élevait parfois le long des murs de la principale nef étaient cachés sous la toîture des aîles.

(1) On voit à Chartres une chapelle placée du côté droit entre les piliers butants de la cinquième travée de la nef, mais elle n'est que du XVe. siècle (de 1413 ). Celles de la cathédrale de Noyon sont de la fin du XV. et du XVIe siècle.

Du moment que les arcs-boutants formèrent des arcades aériennes, les contreforts s'élevèrent comme des tours audessus des toits des ailes, on les couronna de clochetons tantôt carrés, tantôt octogones (pl. XI, fig. 4), quelquefois d'un fronton aigu ou d'un toît à double égout (fig. 3). Sur les pieds droits de ces frontons pyramidaux on pratiqua des niches garnies de colonnes dans lesquelles on plaça des statues (pl. XI, fig. 3 et 4).

Comme les arcs allaient soutenir le haut des murs, on en fit aussi des aquéducs pour l'écoulement des eaux pluviales du grand comble; ces eaux étaient reçues dans une espèce de gouttière en pierre; elles coulaient ensuite sur des dalles pratiquées dans l'épaisseur des arcs; puis elles étaient rejetées au-delà des murs des basiliques par des conduits saillants que l'on a nommés gargouilles.

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Il faut avoir examiné nos belles églises du XIIIe siècle pour se rendre compte de l'effet des arcs-boutants et des contreforts pyramidaux qui les soutiennent. Dans les édifices les plus élevés, chaque contrefort supporte jusqu'à trois arcs projetés les uns au-dessus des autres, avec une hardiesse surprenante et en apparence téméraire.

Ces arcades qui décrivent une multitude de courbes autour de l'apside et des nefs, viennent toujours buter contre les massifs qui séparent les fenêtres les unes des autres. Par là les architectes ont neutralisé la poussée des voûtes, dont les arceaux se réunissent et portent sur ces mêmes massifs.

Les contreforts, soit qu'ils supportent des arcs-boutants ou qu'ils soient immédiatement appliqués contre les murs, comme dans les façades et le long des églises qui n'ont point de collatéraux, présentent des pilastres de forme carrée ; ils sont divisés en plusieurs étages par des corniches, et leur

saillie, souvent très-considérable vers la base, diminue progressivement en approchant des étages supérieurs.

Ornements. Je ne chercherai point à décrire tous les genres d'ornements et de moulures employés pendant la première période du règne de l'ogive, je ne m'attacherai qu'aux espèces principales, à celles qu'on rencontre le plus souvent et le plus abondamment sur les édifices de cette époque.

Les trèfles sont assez connus pour que je puisse me dispenser de les décrire, on en voit communément de deux espèces, les uns à feuilles arrondies, les autres à feuilles aiguës et lancéolées ( pl. XIV, fig. 2 et 3 ).

Les Quatre-feuilles. (fig. 4) different des trèfles en ce qu'ils ont quatre lobes au lieu de trois ; je désigne, sous le nom de Fleurons crucifères, les quatre-feuilles à pétales lancéolées (fig. 5) (1).

Les Violettes (pl. XIV, fig. 6 et 7) ne ressemblent pas toujours à la fleur de ce nom, et l'on comprend sous la même dénomination plusieurs fleurons de formes différentes, sculptés en relief, qui garnissent les archivoltes, les pieds droits des portes et des fenêtres, et quelquefois les arceaux

(1) Je ne donne pas de nom particulier à plusieurs moulures qui ressemblent à celles qu'on obtient en traçant, à l'aide du compas, des cercles entrelacés les urs dans les autres ( pl. XIII, fig. 8) et qui représentent assez bien ce qu'on appelle vulgaire ment croix de dieu; elles me paraissent rentrer dans la classe des quatre feuilles. Ces figures, ainsi que les trèfles et les quatrefeuilles, avaient été employées à la décoration des monuments à plein cintre, mais rarement et en petite quantité; ce n'est qu'au XII®. siècle et au XIII°. qu'on les a répandues sur les murs avec profusion.

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