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J'avais enfin prié d'examiner attentivement les fondations d'édifice qui auraient pu appartenir à des temples ou à des monuments incertains dont je m'occupais déjà et dont j'ai donné quelques plans dans mon Abécédaire d'archéologie romaine (p. 243 et suiv.).

Quant aux temples, il est bon de se pénétrer de ce fait, qu'ils n'ont pas toujours eu en Gaule la régularité de ceux qui se classent du premier coup dans les ordres que nous appelons prostyles, amphiprostyles, périptères, pseucopériptères, etc., etc.

M. Victor Petit en a figuré à Fréjus un beaucoup plus

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simple, et celui de Chassenon, dont voici le plan, montre

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PLAN DU TEMPLE OCTOGONE DE CHASSENON (CHARENTE) AVEC SES QUATRE GRANDS ESCALIERS.

que la forme octogone a été quelquefois préférée aux autres. Ces faits doivent être constatés dans nos fouilles, car on s'est jusqu'ici préoccupé beaucoup plus des monuments romains du premier ordre que de ceux qui étaient le plus répandus. Voilà pourquoi l'état des arts en Gaule, durant la période gallo-romaine, n'est encore connu que très-imparfaitement, et pourquoi par suite, les mœurs et les usages de nos pères nous échappent si souvent.

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N'habitant pas Lisieux, je suis loin de connaître les découvertes qui ont dû y être faites à diverses époques, en fondant des maisons, par exemple; elles sont probablement passées inaperçues bien souvent.

Hors la ville, nous connaissons peu d'emplacements romains, et je suis étonné qu'on n'ait pas signalé plus d'indices. L'emplacement de la construction romaine indiquée il y a longtemps à Canteloup, par un ancien curé de Marolles, et dont j'ai exactement déterminé les limites sur un plan

figuré dans ma Statistique monumentale, est un des plus importants. Voici ce que j'en dis dans cet ouvrage :

« J'ai constaté que le sol renferme encore des murs romains, quoiqu'on en ait beaucoup détruit pour faciliter les labours profonds; la terre est toujours.couverte de tuiles à rebords et de ciment romain, ramené à la surface par la charrue. J'y ai trouvé aussi des fragments de poterie antique (1).

« La voie romaine de Lisieux à Brionne (Breviodurum ) passait tout près et au nord de la grande route impériale, à 1 kilomètre de la villa romaine. L'ancien curé de Marolles s'exprimait ainsi dans sa correspondance de 1834; « Ce << chemin est appelé Chemin ferré dans les anciens titres ; <«<le sentier qui le remplace s'appelle encore le Vieux« Chemin; il est parfaitement droit et forme une ligne «< parallèle à la grande route moderne. Le vieux chemin, « qui était, dit-on, assez large, aura été accordé comme «< indemnité aux propriétaires des terrains sur lesquels la « route actuelle a été ouverte. >>

<< M. le curé de Marolles, qui était un excellent observateur et qui avait suivi assez loin les vestiges de la voie romaine, a recueilli une légende que je vais rappeler, car elle a quelque importance au point de vue archéologique.

Ayant remarqué que la voie antique paraissait avoir été interrompue dans quelques parties, M. le curé interrogea les paysans qui lui dirent :

« Il y avait autrefois une grande dame qui faisait faire << cette route; mais un jour elle vit sur la chaussée une pie « qui était morte: alors, frappée de tristesse et pensant à l'instabilité des choses humaines et à la courte durée de

(1) M. le curé de Marolles y a découvert un débris assez considérable d'un vase de poterie rouge orné de festons et de gladiateurs.

« la vie, elle fit cesser les travaux. Voilà pourquoi la route "offre des interruptions. »

Ce qui fait l'intérêt de ce naïf récit, c'est qu'on trouve la même tradition dans des localités fort éloignées, et qu'elle s'applique entre autres à des voies romaines de la Bretagne. Cette tradition est encore consignée dans un poème du XIII siècle, publié il y a quelques années par l'Association bretonne.

Une petite découverte fut faite près de Bonnebosq, il y a quelques années, par M. le docteur Doyère; nous y allâmes, M. Bouet et moi, et nous y trouvâmes un petit bassin de construction romaine, au milieu duquel passe le filet d'eau qui parcourt la vallée. Ce point mérite donc d'être marqué sur la carte, malgré le peu d'importance des ruines.

J'ai parlé du camp de Quévrue, et j'en ai même donné un plan dans mon Cours d'antiquités; la position de cette enceinte est fort remarquable. Feu M. Du Chesne, propriétaire du château voisin, m'a dit avoir trouvé des poteries et quelques pierres taillées dans les fossés ; mais je n'ai pas vu dans l'enceinte la moindre trace de travail; on y exploite à présent du silex pour l'entretien des routes, et les ouvriers m'ont dit n'avoir rien trouvé non plus.

Un fait m'a frappé, c'est que l'on n'a rien signalé de bien important depuis longtemps dans le pays de Lisieux en fait d'antiquités gallo-romaines, et j'en conclus qu'on n'a pas fait beaucoup de recherches pour en trouver; il devrait y avoir dans l'ancien diocèse de Lisieux plus de vestiges qu'on n'en a trouvé, plus de points habités sous les Romains qui aient laissé des vestiges; il est vrai que les constructions étaient très-probablement en bois et en torchis comme elles étaient au siècle dernier et comme elles sont encore aujourd'hui ; ceci vient sans doute de l'absence de pierre à

bâtir et de la difficulté des transports, toutefois les tuiles à rebords devraient se trouver dans plus d'endroits qu'on n'en voit.

Je pourrais en dire de même pour les environs de Bayeux; on n'a presque rien découvert de romain depuis plusieurs années, probablement parce que l'on n'a pas cherché ; et aujourd'hui que M. Lambert n'est plus là, ce qu'on pourra trouver par hasard va passer inaperçu. Je dois dire que, à Bayeux comme à Lisieux, on n'a pas employé les allocations que la Société française d'Archéologie avait faites pour étudier la topographie gallo-romaine.

Des fonds avaient été proposés pour pratiquer des fouilles dans l'herbage qui borde la rue de Bretagne, où on a trouvé accidentellement une tête antique, et dont les terres paraîtraient renfermer des ruines, et aussi pour compléter l'exploration des thermes antiques de St-Laurent, dont on voit quelques murs inexplorés au nord derrière l'église, à l'origine de cette rue de Bretagne dont je parlais. Nous ne savons si les membres de la Société qui résident à Bayeux pourront un jour reprendre l'exploration de la ville, et si d'autres pourront continuer les fouilles que j'avais entreprises il y a longtemps dans certaines campagnes, et qui m'avaient conduit à présenter le tableau des localités, où l'on trouve des briques à rebords et des poteries (V. mon Cours d'antiquités, t. II). Je l'espère, mais je constate que nous n'avons rien de nouveau depuis quelques années.

A Vieux, des fouilles importantes ont été entreprises par la Société des Antiquaires de Normandie; malheureusement M. Charma est mort avant d'en avoir fait connaître les résultats, qui avaient été assez importants. A Falaise, M. Galeron explorait les constructions romaines, on lui doit le plan d'une villa très-intéressante à Vaton (V. ma Statistique monumentale); depuis lui, on a trouvé au Mont-d'Éraines

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