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largement développé, est décoré de feuillages' et de crossettes végétales. Plusieurs chapiteaux présentent une riche corbeille composée de feuillages variés, d'une grande finesse d'exécution, parmi lesquels on distingue des feuilles de chêne. Cette galerie, fermée aujourd'hui par une faible cloison qu'il serait facile d'enlever, servait à éclairer la tribune qui règne au-dessus des bas-côtés, laquelle n'a jamais été voûtée et laissait entrevoir la charpente du toit. La colonnette centrale, engagée dans la maçonnerie provisoire, est flanquée de petites colonnettes.

Un célèbre archéologue anglais, M. John Parker, d'Oxford, qui a visité notre cathédrale, il y a quelques années, a été frappé de l'analogie que présente cette galerie avec le triforium de l'arrière-chœur de la cathédrale de Cantorbéry, également formé d'arcatures géminées (1). La seule différence, c'est qu'à Cantorbéry l'archivolte est double et repose de chaque côté sur deux colonnettes, tandis qu'à St-Pierre de Lisieux il est simple. A St-Pierre, la partie supérieure du tympan, ainsi que l'a remarqué M. Bouet, était à jour comme à Cantorbéry.

Des extrémités du cordon qui sépare les arcades de la nef du triforium partent de légères colonnettes annelées, qui reçoivent l'arc formeret. Cet arc sert d'encadrement à la galerie ainsi qu'à l'étage supérieur.

Le clerestory offre des fenêtres à une seule baie très-peu ébrasées. L'archivolte qui entoure ces fenêtres, dont l'ogive est peu accusée, porte sur des colonnettes annelées. La même décoration se remarque à l'extérieur de l'édifice. Toutes ces

(1) A considerable part of the cathedral of Lisieux, in Normandy, is of very similar character to Sens and Canterbury, and quite as much advanced in style, with pointed arches and transitional mouldings (An Introduction to the study of gothic architecture, by John Henry Parker).

fenêtres étaient anciennement garnies de belles verrières qui ont été détruites en 1688, sous l'épiscopat de Léonor de Matignon, et remplacées par du verre blanc, afin de rendre la nef plus claire. Ce fut vers la même époque, époque néfaste pour notre cathédrale, comme nous le verrons plus tard en parlant du chœur, que le sol de la nef fut exhaussé et mis au niveau de l'aire du transept.

Les murs de la nef sont soutenus extérieurement par des arcs-boutants dont l'extrémité supérieure porte sur des colonnes engagées dans la maçonnerie. Les chapiteaux qui terminent le fût sont décorés, comme ceux des colonnes de la nef, de larges feuilles recourbées en volutes. L'extrémité inférieure de l'arc s'appuie sur de gracieux contreforts, surmontés de pinacles qui ont été refaits dans le style des anciens.

Une corniche, décorée de curieux modillons dont la plupart représentent des têtes grotesques, supporte le toit.

La charpente de la nef, refaite en partie, est formée de chevrons portant fermes. Celle des collatéraux est moderne et, par conséquent, sans intérêt.

Les bas-côtés dépourvus, dans l'origine, de chapelles étaient éclairés par des fenêtres à une seule baie, semblables aux deux ouvertures, aujourd'hui bouchées, qu'on aperçoit à l'entrée du bas-côté septentrional, près de la tribune. Les murs latéraux de l'ancienne église collégiale de Mortain, percés de fenêtres sans meneau, dont les archivoltes reposent sur de légères colonnettes, donnent une idée exacte de la physionomie primitive que présentaient les bas-côtés de la nef de notre antique cathédrale.

Les chapelles qui bordent les collatéraux, à l'exception de deux qui sont modernes et sans caractère, ont été élevées dans les premières années du XIV siècle. Toutes les fenêtres qui éclairent le bas-côté septentrional ont conservé leur

forme primitive. Elles sont divisées en quatre baies ogivales, trilobées, par des meneaux garnis de minces colonnettes. Trois seulement ont conservé leur tracerie rayonnante. Le tympan, décoré de rosaces et de quatre-feuilles, offre de nombreux fragments de vitraux. Les autres fenêtres ont subi de fréquentes retouches dans les siècles postérieurs.

Les fenêtres placées au midi (à l'exception d'une seule, qui a perdu ses meneaux et sa tracerie) ont été élargies dans la seconde moitié du XVe siècle; leurs meneaux sont prismatiques. Le tympan, formé de compartiments flamboyants, présente encore de beaux fragments de vitraux. Toutes les chapelles de ce côté ont conservé leur décoration primitive. De jolies piscines ogivales trilobées, à double cuvette, dont les archivoltes retombent sur des colonnettes terminées par des chapiteaux feuillagés, sont pratiquées dans le mur méridional. Le mur oriental est décoré d'une arcade sous laquelle était placé l'autel primitif. Sous l'une de ces arcades, on a placé un autel en argent repoussé au marteau, dans le style roman fleuri du XII° siècle, lequel a été exécuté à Paris d'après les dessins de M. Danjoy, ancien architecte de notre cathédrale, que la mort a enlevé prématurément aux beaux-arts (1).

Toutes les arcades du côté nord, contre lesquelles sont appliqués les autels, sont modernes ; elles ont été agrandies lorsqu'on a placé les tableaux qui décorent les chapelles.

Les deux dernières chapelles du collatéral sud, placées près du transept, occupent l'emplacement de l'ancienne salle

(4) M. Danjoy, né à Avenzac (Gers) en 1806, avait été élève de l'École des Beaux-Arts. Attaché à la Commission des monuments historiques depuis 1840, il fut chargé de la restauration des cathédrales de Lisieux, de Meaux, de Bordeaux et de Coutances, dont il s'acquitta avec talent.

capitulaire, laquelle s'étendait dans le jardin contigu à l'église et datait, comme la nef, de la seconde moitié du XIIe siècle. Au centre s'élevait une colonne sur laquelle venaient se réunir, comme les branches d'un éventail, les arceaux d'une voûte d'arête. La porte, décorée de belles moulures toriques, s'ouvrait du côté du transept.

A droite de cette porte se montre un magnifique basrelief dans le style gothique fleuri. Ce bas-relief offre une ogive trilobée, flanquée de deux contreforts et surmontée d'une accolade dont les rampants sont décorés de feuilles de chou frisé. Une élégante tracerie formant couronnement relie les contreforts. Le groupe mutilé placé sous l'ogive représente la Sainte-Vierge tenant dans ses bras l'Enfant-Jésus. A ses pieds est prosterné un personnage qui implore son intercession. A gauche, on aperçoit un saint attaché à un arbre (saint Sébastien). Dans le lobe supérieur est sculpté un ange qui tient devant lui un petit enfant, image de l'âme du défunt. Une inscription obituaire, gravée sur une plaque de marbre, était placée au-dessous de ce bas-relief.

Les faisceaux de colonnettes annelées qui correspondent aux colonnes de la nef reçoivent, comme ces dernières, la retombée de la voûte des bas-côtés. Le fût de ces colonnettes, détaché du mur, se relie à ce dernier par des an

neaux.

Au bas de la nef s'élève un porche en pierre qui supporte la tribune où était placé le grand orgue. Ce porche intérieur date, dans son ensemble, de la fin du XIIe siècle. L'arcade principale, entourée de trois archivoltes, s'appuie sur des colonnettes annelées dont le fût se détache du mur. La corbeille des chapiteaux est composée de feuillages d'une exécution remarquable. Sur l'un de ces chapiteaux, qui a été dessiné par M. Sauvageot, se détachent en haut-relief des têtes très-petites, artistement sculptées. L'abaque qui ter

mine les colonnes est décoré de gracieux rinceaux, dont l'exécution fine et délicate révèle le ciseau habile et le faire des artistes du XIIe siècle (2° moitié). Le cordon supérieur qui encadre les archivoltes se termine inférieurement par deux têtes couronnées, représentant un roi et une reine. Les minces colonnettes placées en retrait complètent l'ornementation de ce porche, qui fait l'admiration de tous les archéologues. On remarque surtout la savante disposition des colonnes, lesquelles sont groupées avec beaucoup d'art.

Les deux arcades latérales qui mettent le rez-de-chaussée de chaque tour en communication avec ce porche sont d'une grande simplicité et très-élancées. Elles s'appuient, d'un côté, sur un pilier carré dont la partie supérieure, dans le style du XIII siècle, est décorée de larges feuilles galbées qui remplacent le chapiteau; de l'autre, sur un pilier qui faisait partie de la construction primitive (XIe siècle). La partie supérieure de ce pilier, sur lequel repose la tour, offre des moulures très-simples.

M. Parker a remarqué que ce dernier pilier présente de larges joints remplis d'un mortier siliceux très-dur. C'est un précieux vestige de l'antique basilique bâtie par Herbert. Sur l'une des pierres, à droite en entrant par la porte du milieu, l'on voit encore la croix de consécration de cet édifice, dont la dédicace eut lieu en l'année 1055.

La voûte du porche, soutenue par des arceaux toriques, a été reconstruite au XVIe siècle, après la chute de la tour méridionale (probablement dans le style de l'ancienne). A leur point de jonction sont sculptées les armoiries du Chapitre de la cathédrale: deux clefs en sautoir, cantonnées de quatre étoiles.

La large fenêtre ogivale qui éclaire la tribune date, comme le portail, du XIIIe siècle. Elle est partagée en trois baies par des meneaux garnis de colonnettes, lesquels se bifurquent

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