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successeur, et consacrée sous le titre de saint Pierre, prince des Apôtres (1). Cette antique basilique fut détruite en 1136 par un incendie qui consuma la ville entière.

La cathédrale actuelle fut construite en grande partie par les soins d'Arnoult, qui occupa le siége épiscopal pendant quarante ét un ans (1141-1182) (2). Elle fut agrandie et terminée par Jourdain du Hommet, évêque de Lisieux, qui mourut en 1218 (3).

En 1226, sous l'épiscopat de Guillaume du Pont-del'Arche, un incendie faillit détruire la cathédrale ou du moins compromettre sa solidité. La charpente des combles fut seule atteinte par les flammes, lesquelles épargnèrent l'édifice qui était très-solidement construit. Guillaume du Pont-del'Arche entreprit de grands travaux pour réparer ce désastre (4). Les deux chapelles latérales de l'abside sont l'œuvre de cet évêque, ainsi que l'atteste la différence de style entre cette partie du chœur et le reste de l'édifice. La chapelle absidale, qui termine le collatéral sud, était, dans l'origine, dédiée à saint Ursin, l'apôtre des Gaules, qui devint le second patron du diocèse. Dans les fouilles que nécessitèrent ces travaux, on découvrit, en 1233, derrière le maître-autel, les ossements de ce saint avec ceux de saint Patrice et de saint Bertivin. Sur une petite tablette, en marbre rouge de Vieux, était gravée une inscription. L'auteur des Vies des saints patrons du diocèse de Lisieux, l'abbé Le Prévost, nous apprend qu'on renferma ces ossements dans une belle châsse en argent qui fut placée, au haut du chœur, sur quatre colonnes en bois doré.

(1) Gallia christ., p. 768.

(2) Orderic Vital, t. IV.

(3) Gallia christ., t. XI, p. 782. (4) Ibid., p. 782.

Ce fut probablement Guillaume du Pont-de-l'Arche qui fit élever les deux tours qui surmontent le portail occidental. La tour méridionale, à l'exception de la base qui est ancienne, fut rebâtie en 1579, ainsi que l'atteste une inscription.

En 1233, sept ans après l'incendie dont nous avons parlé, l'édifice était entièrement construit. Les additions postérieures ne faisant pas partie du plan primitif, nous les passons pour le moment sous silence.

L'église St-Pierre, classée en 1840 au nombre des monuments historiques, d'après les plans et dessins de l'architecte Piel (1) et grâce à la puissante intervention de M. Guizot, alors ministre de l'intérieur, est un des édifices les plus remarquables et les plus complets que nous ait légués l'époque de transition (XIIe siècle, deuxième moitié). L'ogive, encore vague et indécise, se montre dans les arcatures du triforium de la nef, du transept et des deux premières travées du chœur, et dans les fenêtres du clérestory; les colonnes, sveltes et élancées, se terminent par des chapiteaux garnis de larges feuilles recourbées en volutes, dont l'ampleur rappelle le style roman.

Le nom de l'architecte qui a élevé ce magnifique édifice n'est pas connu. La similitude de caractères qui existe entre certaines parties de l'église St-Pierre et les cathédrales de Sens et de Cantorbéry (Angleterre), construites vers le même temps par Guillaume de Sens, nous porte à attribuer à cet

(1) Louis-Alexandre Piel, né à Lisieux en 1807, mort au couvent de Bosco (Piémont) en 1838, est un des premiers architectes qui saluèrent avec joie la renaissance de l'art catholique et prirent une part active au mouvement archéologique qui s'opéra en faveur du style ogival. Il venait de concourir d'une manière brillante pour la construction de l'église St-Nicolas de Nantes lorsqu'il s'engagea sous la bannière du P. Lacordaire, dont il devint un des plus fervents disciples.

J

habile architecte une large part dans la construction de notre cathédrale.

Comme toutes les grandes basiliques qui couvrent encore la surface de la France, l'église St-Pierre de Lisieux présente la forme d'une croix latine. Elle se compose, à l'intérieur, d'une longue nef avec bas-côtés accompagnés de chapelles, d'un vaste transept dont chaque bras est flanqué, à l'orient, d'un collatéral; enfin, d'un choeur avec déambulatoire, autour duquel rayonnent plusieurs chapelles.

La longueur totale du vaisseau, dans œuvre, depuis la porte occidentale jusqu'à l'extrémité de la chapelle de la Vierge, est de 110 mètres; l'élévation des voûtes principales est de 20 mètres (la hauteur primitive de la nef, sous clef de voûte, était de 20 mètres 50 centimètres); celle de la lanterne qui surmonte l'intertransept est de 30 mètres; la voûte des bas-côtés s'élève à 9 mètres au-dessus du niveau du sol.

La largeur totale de l'édifice, d'un mur à l'autre, non compris les chapelles, est de 27 mètres 67 centimètres.

La nef principale, du centre d'une colonne à l'autre, mesure 7 mètres.

La longueur du transept est de 38 mètres 78 centimètres, et sa largeur de 8 mètres 83 centimètres.

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Nef. La nef, composée de huit travées, est construite d'un seul jet. C'est le type le plus pur et le plus gracieux de cette architecture nouvelle qui marque d'une manière sensible la transition du plein-cintre à l'ogive, du style roman au style gothique. Elle présente à la fois ce double caractère de force et de légèreté, de simplicité et d'élégance qui distingue les œuvres de cette époque. Elle se fait surtout remarquer par l'harmonie des proportions, la pureté des lignes architecturales et l'unité de style.

Des arcades en tiers-point, portées sur des colonnes monocylindriques, séparent la nef des bas-côtés. La plupart des chapiteaux sur lesquels s'appuient ces arcades sont d'une grande simplicité ; ils sont décorés de larges feuilles, légèrement recourbées à leur extrémité supérieure. Ces chapiteaux, qui paraissent seulement épannelés, étaient probablement destinés à recevoir une décoration plus soignée. Plusieurs sont garnis de crossettes végétales; quelques-uns présentent une riche et élégante corbeille qui rappelle le chapiteau corinthien. Le tailloir, décoré de moulures très-simples, est à pans coupés. Le fût de la colonne, en calcaire coquillier d'un grain très-gros, est formé de nombreuses et larges assises. La base, en calcaire plus dur provenant de la même carrière, mais d'un lit différent, offre deux tores séparés par une gorge profonde. Une large patte ou agrafe appliquée sur le tore inférieur, qui est aplati, relie la base au socle ou piédestal, presque entièrement enfoui par suite de l'exhaussement du sol de la nef, qui a été élevé en 1687 au niveau de celui du chœur, sous l'épiscopat de Léonor de Matignon (1).

Du tailloir s'élancent trois légères colonnettes, divisées à différentes hauteurs par des anneaux. Ces colonnettes reçoivent l'arc doubleau et les arceaux d'une voûte d'arête reconstruite en partie au XVIe siècle, ainsi que l'attestent les quatre clefs de voûte les plus rapprochées de la tribune, dont le style accuse la Renaissance.

Le triforium qui surmonte les arcades de la nef est formé d'arcatures géminées, entourées d'une seule archivolte qui repose, de chaque côté, sur une colonnette dont le chapiteau,

(1) L'élévation du sol de la nef nécessita l'enlèvement et amena la destruction d'un grand nombre de tombeaux en pierre et en bronze (Ancien manuscrit attribué à un chanoine de la cathédrale et rédigé entre les années 1670 et 1717).

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