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ont porté un coup fatal à nos relations de tout genre, aussi bien aux relations scientifiques et littéraires qu'aux relations sociales et aux relations commerciales; cette guerre barbare qui nous ramène à plusieurs siècles en arrière et fait douter de la civilisation du XIXe siècle; tout ce qui se passe, en un mot, depuis quelques mois devait nécessairement entraver partout et dans quelques contrées arrêter tout à fait les travaux archéologiques. Nous avons pu cependant faire paraître régulièrement le Bulletin monumental en 1870, et nous le continuerons de même en 1871, grâce au courage de nos collaborateurs.

<< Nous avons aussi publié le compte-rendu du Congrès archéologique tenu l'année dernière à Loches. La Société a tenu des séances à Caen, en janvier et en mars; à Paris, en avril; à Evreux, en mai, pendant la tenue du concours régional; dans la Manche, en juin; à Moulins, en août; à Caen en octobre, et l'on peut dire avec satisfaction que la Société française d'Archéologie a fait en 1870 tout ce qu'elle pouvait faire dans cette année néfaste.

<< Seulement, par suite des malheurs du temps, nous ne ferons pas paraître en 1871, ni peut-être les années qui suivront, l'almanach de l'Archéologue français. Ce recueil, que j'avais créé avec quelques membres de la Société, remplissait son objet: il popularisait les connaissances et les bonnes doctrines archéologiques. C'était un recueil d'autant plus instructif qu'il était orné de planches. Il ne manquait pour le répandre d'un bout à l'autre de la France qu'un éditeur intelligent et actif; car la Société, qui en faisait la distribution à peu près gratuite, ne pouvait entrer dans les détails de la vente, et ce n'est que par la vente que les livres se répandent uniformément et complètement. La Société, d'ailleurs, ne peut donner qu'aux membres ou aux Sociétés avec lesquels elle correspond, et ce recueil était

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surtout destiné au public. C'est là le grand avantage des almanachs et des annuaires; mais aussi il n'y a que le commerce qui puisse les répandre.

« L'écoulement des almanachs de la Société a été considérable; il aurait décuplé si l'intérêt d'un éditeur eût été engagé dans cette publication.

« Nous reproduirons dans le compte-rendu de cette session quelques-uns des articles qui avaient trouvé place dans les almanachs parus, car ils méritent d'être connus ; et quant à l'almanach, la Société française en conserve la propriété et le titre, espérant en reprendre la publication dans des temps plus heureux.

<< Une allocation a été faite par la Société pour des fouilles dans le département de l'Allier; ces fouilles ont été exécutées par M. Albert de Bures. Comme elles avaient pour but l'exploration de certaines cavernes à ossements, elles se rapportent tout autant à la paléontologie qu'à l'archéologie préhistorique. Les principaux résultats de ces fouilles ont été communiqués cette année au Congrès scientifique de France, à Moulins.

a M. l'abbé Voisin, de l'Indre, a signalé des constructions romaines au Blanc, et la Société avait mis à sa disposition une modique allocation; nous espérons que d'autres découvertes nous autoriseront à voter de nouveaux crédits, mais cet espoir ne s'est pas encore réalisé.

« Nous avons alloué quelques fonds à M. l'abbé Thiercelin, de Jouarre, pour dégager les murs de la curieuse crypte de cette ville dont j'ai, dès 1830, fait connaître la haute ancienneté. M. Bouet est allé constater les résultats de ces fouilles et va vous en entretenir tant en son nom qu'au nom de M. l'abbé Thiercelin.

« La Société des Antiquaires du Centre a fait construire à ses frais le hangar que nous avions souvent demandé pour

protéger les débris gallo-romains déposés à Bourges dans le jardin public de l'archevêché. La Société française d'Archéologie a été heureuse de contribuer pour une somme de 150 fr. aux frais de la construction.

<« Nous avons aussi fait diverses distributions de livres d'archéologie en France et à l'étranger et contribué autant que nous l'avons pu à la propagation des connaissances et des bonnes doctrines artistiques. Malheureusement nous n'avons pas toujours pu arrêter la déplorable tendance des fabriques et des communes à détruire sans nécessité, pour les rebâtir, des églises intéressantes par leur ancienneté et qui méritaient le respect. Le respect est un sentiment bien affaibli à l'heure qu'il est, et vouloir le raviver dans certains esprits, c'est parler une langue qui n'est plus comprise, surtout quand les intérêts privés, l'amour-propre mal entendu, ou d'autres faiblesses humaines prennent le dessus.

« L'enseignement de l'archéologie que notre Société a eu l'honneur de provoquer dans un grand nombre d'établissements, et de fonder dans quelques autres, n'a pas persisté dans tous soit que le professeur ait quitté la maison, soit que d'autres devoirs l'aient détourné de son enseignement. Quelques établissements, au contraire, se signalent par la constance et la régularité avec laquelle l'enseignement s'est continué depuis vingt ans et plus tel est le séminaire de Montlieu (Charente-Inférieure). Votre bureau a décidé qu'une médaille de bronze serait décernée au directeur de cet établissement.

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« Nos rapports continuent avec les Sociétés archéologiques de la France et de l'étranger. S'il nous était permis de jeter un coup d'œil général sur ces compagnies, nous dirions qu'elles nous semblent faiblir depuis quelques années : l'élan qui avait saisi les esprits, il y a 30 ans, s'affaisse peu à peu depuis 10 ans, et il est à craindre qu'il ne finisse

par s'éteindre si on ne le ravive par des moyens que nous avons souvent préconisés.

Les Sociétés archéologiques sont devenues égoïstes; elles vivent trop exclusivement dans leur cercle et ne s'occupent pas assez des travaux de leurs voisines, quelquefois même elles tiennent cachées des découvertes qu'elles ont faites, craignant d'en perdre la primeur par la publicité.

« Ce n'est point ainsi que nous comprenons la décentralisation. La décentralisation, c'est la multiplication des centres, mais c'est en même temps l'association, la formation par l'association de centres secondaires pouvant donner la vie dans de grandes régions déterminées, en diriger l'action et soustraire ainsi, dans une certaine mesure, ces régions à la domination tyrannique et mal inspirée d'un centre unique, qui ne se préoccupe pas des aptitudes des localités et ne vise qu'à rapporter à lui toutes choses. Vivre dans son fromage, sans porter intérêt à son voisin, serait tomber dans un autre abus, plus fâcheux encore que celui dont nous avons combattu depuis 40 ans les influences délétères.

« Ce peu de mots nous prouve de plus en plus l'absolue nécessité d'une organisation régionale pour l'archéologie comme pour tout le reste. Mais cette organisation n'a guère été méditée, et nous ne voyons pas même, à notre grand regret, que la Commission de décentralisation, qui a fait parler d'elle l'année dernière, en ait soupçonné la nécessité. On parle toujours en politique de l'équilibre européen, qui me paraît un mot un peu vague, et l'on ne songe pas à équilibrer les forces qui ont tant besoin de l'être dans notre constitution intérieure ; on penche tantôt d'un côté, tantôt de l'autre, sans se douter des lois qui régissent le monde intellectuel et moral comme d'autres lois régissent le monde physique.

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« Le résultat de cette ignorance nous a plongés dans un état que je n'ose définir, mais qui à coup sûr est un état de malaise. Quand pourrons-nous en sortir? Hélas! je ne le sais les esprits me paraissent depuis longtemps déjà trop troublés et surtout trop infectés d'indifférence et d'égoïsme pour espérer une amélioration prochaine.

Mais il est temps, Messieurs, de commencer nos travaux et d'examiner les questions peu nombreuses formulées à la dernière heure pour nos séances improvisées dans la ville de Lisieux. Je remercie l'Administration municipale et M. Prat, son président, qui ont mis cette belle salle à notre disposition. Je remercie les personnes qui ont répondu à notre appel. Je remercie particulièrement MM. Pannier et le vicomte Louis de Neuville, qui veulent bien siéger comme secrétaires-généraux, et M. Piel, qui a donné à nos séances la publicité qui leur était nécessaire pour que les membres de la Société française aient été dûment avertis de l'ouverture de notre courte session de 1870. »

M. Bouet exprime les regrets de M. Ch. Vasseur; cet honorable confrère, qui a tant fait pour l'exploration de l'arrondissement de Lisieux, est retenu depuis longtemps dans le département de la Dordogne, où il passera probablement tout l'hiver. On sait que M. Vasseur prépare une monographie complète de la cathédrale de Lisieux. M. Bouet s'est empressé de lui offrir son concours pour les figures qui devront nécessairement accompagner ce volume; il regrette, et les membres présents s'associent à ses regrets, que M. Vasseur ne puisse être demain le démonstrateur de l'église St-Pierre, que les membres de cette session doivent aller visiter à 9 heures du matin. M. Bouet essayera de le remplacer, mais sans avoir la prétention de combler le vide qui résulte de son absence.

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