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médailles, qui donnent ainsi une idée de la forme extérieure. A chaque extrémité il y avait une abside magnifique, et devant chaque abside existait un transept correspondant, orné de trois rangées de colonnes formant doubles collatéraux. Deux rangées de colonnes dans le grand corps du bâtiment formaient la nef et ses bas-côtés.

La nef s'élevait au-dessus des autres parties de l'édifice; à l'intérieur, il paraît que cette nef centrale offrait deux et même trois ordres superposés. L'ordre supérieur se composait de caryatides supportant une riche couverture dans laquelle se croisaient des traverses en bronze.

On ne signale aucun souvenir d'églises à deux absides dans le diocèse de Lisieux; mais ce n'est pas une raison pour affirmer qu'il n'en ait pas existé. La Société historique pourra compulser les anciennes descriptions; peut-être y trouvera-t-elle quelques indices.

A-t-il existé des églises rondes dans le diocèse de Lisieux? On sait que cette forme a été usitée assez longtemps concurremment avec la forme basilicale; et M. de Caumont a cité dans son Abécédaire une partie des églises les plus remarquables qui subsistent encore, et au nombre desquelles il faut citer en première ligne la cathédrale bâtie à Aix-laChapelle par l'empereur Charlemagne.

A Rome, le Panthéon était rond et avait offert un type qui fut imité quelquefois dans le monde chrétien.

La forme circulaire pouvait être convenable pour clore et abriter un tombeau ou pour célébrer le sacrement de baptême; mais elle n'était guère susceptible de recevoir une trèsgrande réunion de fidèles pendant la célébration de la liturgie entière. Aussi, dans quelques auteurs chrétiens des premiers temps, l'église circulaire est seulement appelée un oratoire. On l'abandonna tout à fait dans l'ouest de la France vers la

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fin du XIIe siècle; mais il est bon de rechercher quelles sont les églises qui ont affecté cette forme dans les siècles antérieurs au XIII. Le surnom de la ronde qu'elles ont porté souvent peut guider dans cette recherche.

Déjà la Société, dans ses réunions précédentes, a fait une revue intéressante des églises rondes. A Carcassonne, il fut question de celle de Rieux-Minervois, qui est fort curieuse. Depuis le congrès, elle a donné lieu à la composition d'un mémoire intéressant que l'auteur a bien voulu nous adresser et que nous allons vous communiquer.

MÉMOIRE DE M. JOUY DE VEYE SUR L'ÉGLISE DE RIEUXMINERVOIS.

Ni les patients travaux de nos élucubrateurs, ni l'érudition et l'expérience de nos archéologues, ni les connaissances spéciales et techniques de nos habiles architectes n'ont pu, jusqu'ici, dissiper complètement les doutes qui planent sur l'origine de l'église de Rieux.

A quelques siècles près, l'accord se fait sans doute, mais nous n'en sommes pas moins beaucoup trop réduit à nos humbles hypothèses.

Nous voudrions bien pouvoir nous incliner devant un arrêt décisif.

Ne serait-il pas possible de l'obtenir aujourd'hui que nous n'avons plus à craindre de nous arrêter à des opinions préconçues ?

Plusieurs savants, dont nous prisons très-haut le mérite, se sont occupés de cet édifice. Nous leur demandons la permission de le visiter à leur suite et de faire modestement, à notre tour, un peu d'archéologie; car, sans prétendre donner des explications neuves, nous ne voudrions pas nous en tenir à une critique de seconde main,

Notre contrée offre donc à l'étude et à la perspicacité de l'antiquaire un monument plein d'intérêt à expliquer. Cet édifice reçut la figure d'un polygone régulier de quatorze côtés.

On lui donna à l'aide de murs très-épais, de piliers et de colonnes, d'arcades et de voûtes; une ossature, ou plutôt une membrure solide, capable de supporter le poids de la coupole, enveloppée et surmontée par une tour à sept faces de construction peut-être plus récente,

Voilà pour l'ensemble.

L'art des premiers siècles du moyen-âge, portant l'empreinte non-seulement du style romain dégénéré ou roman, mais de l'influence néo-grecque ou byzantine, nous apparaît déjà.

Ne nous contentons pas de ce premier aspect, et nous verrons bientôt dans les détails divers éléments d'art antique fusionnés, mais corrompus et séniles, en attendant la magnifique et complète transformation du XIIIe siècle, ou la palingénésie de la Renaissance.

Un mur polygonal de plus d'un mètre d'épaisseur forme l'enceinte de l'église, ornée d'une colonne à chaque angle intérieur.

Accotées seulement aux parois de la muraille, en appareil moyen et régulier de pierres taillées (l'opus insertum des Latins), ces quatorze colonnes, à chapiteaux variés, avec astragales ordinairement taillés en oves, ont des bases cubiques, à tores renflés et profondes scoties. Elles supportent, sans entablement, l'arcature légèrement surhaussée, qui décore les quatorze panneaux de la rotonde. Compris entre le mur d'enceinte et un cercle formé par quatre piliers prismatiques et trois grandes colonnes, autour du centre, le collatéral permet de parcourir l'église dans sa circonférence,

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Les quatre piliers, à sections polygonales, et les trois colonnes unies, rangés circulairement, ont des bases heptagonales, avec gros boudins, gorges et petits boudins, sans griffes aux angles.

Ils reçoivent sur leurs doubles tailloirs ou sur l'abaque de leurs chapiteaux, à groupes de lions, à feuilles d'eau ou d'acanthe épannelées, les sommiers de sept arcs, un peu surélevés, qui supportent la coupole. Celle-ci n'a ni tambour ni trompes ni pendentifs. Elle est formée par un système de voûtage, à angles pénétrants, sur plan heptagonal qui, arrivé aux deux tiers de la hauteur, se confond avec une voûte de révolution, pouvant être assimilée à une portion de sphéroïde.

Ce dôme est immédiatement contrebouté par le demiberceau du collatéral annulaire, portant sur le gros mur.

Au-dessus des grands arcs, dont le sommet n'a pas fléchi, un élégant bandeau ceint la coupole; et sous la voûte, en quart de cercle, les bas-côtés sont également ceinturés d'une corniche saillante, dont les profils nous ont paru assez remarquables. Quatre baies cintrées, de petite dimension, vraies lucarnes d'église romane primitive, s'ouvrent à la naissance des voûtes du collatéral servant de contrefort. Une seule a gardé ses dimensions premières.

L'église est orientée, quoique, par sa forme, les fidèles ne puissent pas toujours être tournés vers l'Orient.

Une des arcades de la galerie circulaire, ornée de modillons, marque le point absidal en face de la porte principale convertie en chapelle. Une niche occupe le centre de l'arcade. Elle est entourée de gorges et de boudins dans le goût du XIIIe siècle, et porte la désignation de Niche du Rosaire, sur un très-ancien plan de la commune de Rieux.

Elle date, en effet, du siècle de l'institution même du

Rosaire, ou de sa propagation par saint Dominique, l'infatigable prêcheur, qui voulut organiser dans les pays albigeois une croisade de charité et de prières (1).

Une petite porte romane à deux colonnettes et à tympan uni, sous archivolte, s'ouvre au midi. Peut-être existait-il, au nord, une porte symétrique, donnant dans l'ancien cimetière, et détruite en 1512, quand Tristan de La Jugie Puydeval fit bâtir, avec la permission de l'archevêque de Narbonne, la chapelle dite des seigneurs, dédiée primitivement aux bienheureux saints Germain, Joseph et Michel.

Deux sacristies soudées à l'église, de chaque côté de l'abside, ne faisaient pas partie intégrante de l'édifice. Les prêtres au moyen-âge revêtant les habits sacerdotaux dans le chœur, les sacraires ne prenaient que les proportions d'une armoire à renfermer les objets les plus précieux du culte.

La base d'une des colonnes extérieures dont les angles saillants étaient cantonnés est encore apparente dans la sacristie de l'œuvre.

Il est probable que la rotonde polygonale avait quatorze

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(1) Nous devons cependant faire observer que cette niche a le socle en biseau, comme si elle avait pu servir de fenêtre.

Quoiqu'il paraisse prouvé, d'un autre côté, que saint Dominique est au moins le véritable restaurateur de l'usage de réciter quinze Pater et quinze dizaines de l'Ave Maria, en l'honneur des principaux mystères de Jésus-Christ, auxquels la Sainte-Vierge a eu part, et qu'il ait bien réellement enseigné cette prière pour prévenir les fidèles contre les erreurs des Albigeois, la fête du Rosaire est d'une institution plus récente. Le pape Pie V l'institua en actions de grâces de la victoire de Lépante (1571), sous le titre de Sainte-Marie de la Victoire. Deux ans après, Grégoire XIII changea ce titre en celui du Rosaire et approuva un office propre pour cette fête; mais le nom de Rosaire était déjà connu. Il vient de l'espagnol ou de l'italien rosario, chapeau de roses. C'est une couronne de prières,

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