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à des fortifications du genre de celles qui viennent d'être décrites. Ainsi nous savons que le château de Brionne, dont on voit les ruines sur le coteau qui domine la ville, avait remplacé une autre forteresse placée dans une île de la rivière Wace raconte comment Guy de Bourgogne y fut assiégé par Guillaume-le-Conquérant après la bataille du Val-des-Dunes :

En cel tems estait en une isle

La forteresce dedans Risle

La forteresce et la maison
Ceignait Risle tout environ.

On pourrait cependant dire que des ouvrages de cette classe ont pu être élevés dès le temps des Mérovingiens et des Carlovingiens, et par le fait il n'y a à cela rien d'absolument impossible. Néanmoins, comme il est certain que les seigneurs francs n'étaient point dans l'usage de fortifier leurs habitations rurales, c'est aux premiers Normands que l'on peut avec le plus de vraisemblance attribuer l'érection des mottes à fossés et à donjons.

Il reste une troisième espèce d'enceintes de terre qui semble se distinguer nettement des précédentes. Celles-ci, dont il existe des modèles de fort petite dimension, mais d'autres aussi du développement le plus considérable, sont formées d'une enceinte assez irrégulière de remparts de terre suffisamment élevés pour abriter complètement le terrain qui s'y trouvait inclus; ces remparts se trouvaient entourés de fossés souvent très-profonds; il en est qui avaient jusqu'à 60 pieds de profondeur, mais dans lesquels on ne s'était point préoccupé d'obtenir de l'eau. L'idée dominante de ce genre de fortifications était évidemment de mettre à l'abri, autant que possible, les constructions de l'intérieur, sans

doute en bois, car l'intérieur de ces enceintes ne fournit aucune trace de pierre ni de brique; cette idée avait également présidé au choix des localités, toujours situées sur des points élevés et que l'on ne dominait de nulle part. M. de Neuville ne peut se persuader que des fortifications de ce genre datent de la même époque que les mottes à fossés et à donjons qui dénotent l'influence d'idées absolument inverses. Il ne peut toutefois disconvenir que plusieurs des enceintes à remparts de terre n'aient été occupées, au XI° siècle, par des seigneurs normands, et il peut notamment citer celle qui existe à St-Germain-de-Montgommery, et qui est des plus caractéristiques; mais il lui semble non moins certain. qu'un assez grand nombre d'autres n'ont servi de centres à aucun fief, n'ont laissé aucune trace dans les documents si nombreux que nous possédons sur la Normandie du XII siècle, et se trouvaient alors comme aujourd'hui perdues dans les profondeurs des bois. Il pense donc que, si les premiers Normands ont parfois utilisé et occupé ces enceintes, ils n'en étaient point les auteurs et n'avaient fait que s'approprier des ouvrages préexistants.

Il n'y aurait aucune vraisemblance à en attribuer l'érection aux populations des temps mérovingiens et carlovingiens. Penserait-on qu'elles ont été élevées par les Gallo-Romains pour se mettre à l'abri des invasions des Barbares? Sans doute, quelques-unes d'entre elles ont pu être occupées à cette époque; mais des travaux de cette nature ne semblent pas avoir été en rapport avec l'état politique et social de ces temps. M. de Neuville croit donc qu'il faut remonter à un âge plus éloigné et par conséquent préhistorique. Nous ne pouvons plus, comme autrefois, regarder la nation gauloise comme un peuple primitif et homogène; nous savons qu'il a été le résultat des immigrations successives d'au moins quatre races différentes pendant la suite des siècles dont

l'histoire ne nous est point parvenue: c'est une de ces races qui élevait vraisemblablement ces enceintes de remparts pour protéger ses villes ou ses bourgades.

M. de Neuville cite la vaste enceinte du Mont-Argis, dont l'examen pourrait fournir des lumières sur ces temps reculés. Il cite l'enceinte, bien plus vaste encore, située entre la commune de la Motte et la terre du Castelier, enceinte assez étendue pour avoir renfermé une cité populeuse. Il se demande si ce n'était pas là l'ancienne métropole de la contrée, la vieille ville qui avait précédé Noviomagus Lexoviorum, dont le nom s'interprète dans le sens de ville neuve. Il cite deux anciens chemins importants comme étant dirigés vers cette vieille enceinte : l'un venant de Beaumont, lieu très-anciennement peuplé, que l'on désigne dans de vieux titres comme le chemin de Beaumont à la maladreric de la Motte; l'autre, connu dans le pays sous le nom de Chemin des Aniers et mentionné dès le XIe siècle sous celui de Via Asinorum, qui se prolongeait à une grande distance vers le sud; peut-être tendait-il à la ville d'Exmes. L'attribution de ces enceintes à un âge extrêmement reculé ne semble pas contradictoire avec le fait de leur occupation soit par les Normands, soit par les Gallo-Romains, soit même d'une façon permanente entre ces différentes époques.

M. de Glanville regarde toute fixation de date pour des œuvres aussi peu caractérisées que les mottes et certains remparts en terre comme essentiellement arbitraire. Par quelles particularités distinguer ceux d'une époque de ceux d'une autre? Il est difficile d'y trouver un élément suffisant de certitude pour les attribuer à une époque déterminée.

M. d'Hacqueville exprime l'opinion que les ouvrages élevés sur des hauteurs devaient être des vigies ou postes d'observation communiquant ensemble par des signaux.

10 Question: Quels sont, dans le pays, les débris de monuments présumés antérieurs à l'an 1000 ?

M. Pannier renvoie aux détails donnés par M. de Caumont sur les églises de Vieux-Pont, St-Martin-de-la-Lieue et autres.

11 Question: Quels sont les édifices les plus intéressants des époques postérieures à l'an 1000 jusqu'au XVIIe siècle? Nous allons signaler, dit M. Pannier, aussi brièvement que possible les édifices qui nous paraissent les plus intéressants au point de vue architectural. Nous mettrons également en relief les portions de quelques édifices qui présentent un type remarquable, en suivant l'ordre chronologique.

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XIe siècle. Le XIe siècle nous offre un grand nombre d'églises rurales, dans les deux arrondissements de Lisieux et de Pont-l'Évêque. Les murs, construits en grossier blocage ou en matériaux irréguliers, offrent l'appareil en arêtes de poisson (opus spicatum) ou en feuilles de fougère. Quelquesuns de ces édifices ont conservé leurs ouvertures étroites en forme de meurtrières.

XII° siècle. L'église St-Pierre de Touques, qui a cessé d'être consacrée au culte, est, croyons-nous, un type remarquable de cette époque. L'appareil régulier de ses murs. en petit appareil, mais surtout son beau clocher octogone percé de baies étroites et d'arcatures reposant sur de courtes colonnettes, attirent les regards des archéologues. On sait que la Société française d'Archéologie, qui s'intéresse à la conservation de ce petit monument historique, a voté l'année dernière une somme de 200 francs pour son entretien.

L'église de Ste-Marie-aux-Anglais, l'une des plus intéressantes et des mieux conservées de l'arrondissement de

Lisieux, appartient entièrement au style roman; elle a été décrite avec soin par M. de Caumont et est parfaitement entretenue par M. Delaporte, dans la propriété duquel elle est enclavée.

Voici ce que nous lisons dans la Statistique monumentale de M. de Caumont :

« L'église de Ste-Marie est, sans contredit, une des mieux conservées et des plus curieuses de l'ancien diocèse de Lisieux. Le chœur et la nef appartenaient en entier au style roman et n'ont subi presque aucune altération depuis leur origine. Le plan, conforme à celui d'un grand nombre d'églises rurales, présente deux corps allongés : l'un (le choeur) plus étroit que l'autre et moins long, tous deux terminés par un mur droit. La sacristie, appuyée sur le chevet, est, en effet, une addition très-moderne et d'une construction fort différente du reste.

<< La façade occidentale de la nef présente une porte romane dont l'archivolte est ornée de zigzags multiples. Au-dessus, trois fenêtres cintrées, sans colonnes ni moulures, occupent le diamètre de la façade (Voir la page suivante).

« Des fenêtres de même forme et de petite dimension se voient dans les murs latéraux.

« Le chœur est voûté en pierre.

« Dans la nef, les planches en merrain qui forment le contour apparent de la voûte ont été couvertes de peintures, faites vraisemblablement à l'aide d'un canon, suivant le procédé que j'ai indiqué dans mon Abécédaire d'archéologie. << Dans le petit clocher en bois couvert d'ardoise, élevé entre chœur et nef, existe une cloche qui a été nommée, au siècle dernier, par Choron, seigneur de la paroisse ; c'était le père de l'illustre musicien Choron, qui est né à Caen en 1771.

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