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appliqué, obtenir des rhomboèdres parfaits de 8 à 10 centimètres de côté. Ces calcaires, qui se séparent d'ailleurs très-nettement des schistes encaissants, et qui forment barre dans les escarpements, finissent néanmoins par s'altérer par une longue exposition à l'air, et s'exfolient alors en formant de grandes plaques généralement couvertes d'empreintes de fossiles d'une très-belle conservation.

Allure stratigraphique des schistes.

Il ressort du tableau ci-dessus que l'épaisseur du système des schistes à Posidonies diminue progressivement à mesure qu'on va du S.-O. au N.-E. Nous concluons de ce seul fait que le rivage de la mer liasique devait à cette époque être au N.-E de Belvezet, c'est-à-dire dans la région occupée actuellement par le massif gneissique des montagnes de Mercoire; nous pouvons même essayer de préciser davantage la position probable de ce rivage.

Si nous supposons en effet que le décroissement d'épaisseur du système des schistes bitumineux devait se continuer au N.-E. de Belvezet suivant la même loi que l'accroissement, au S.-O., nous pourrons rétablir par la pensée, dans la région de Mercoire, les épaisseurs des strates que les érosions ont fait entièrement disparaître. Le diagramme ci-joint (Pl. VI), dans lequel les abcisses représentent les distances kilométriques, et les ordonnées les épaisseurs des strates, conduirait à placer le rivage, c'est-à-dire le point ou l'épaisseur est nulle, à 9 kilomètres au N.-E. de Belvezet.

Au surplus, l'étude attentive de la faune porte à croire que les schistes à Posidonies ont dû être déposés dans une mer peu profonde qui aurait pénétré au loin dans les

terres du plateau central en y formant un grand golfe; des cours d'eau devaient déboucher au fond de cet estuaire et y charrier des quantités parfois considérables de bois flottés. Les débris de végétaux ainsi accumulés se retrouvent dans les couches à l'état de jayet compacte d'un noir luisant, dont les retraits sont remplis par du carbonate de chaux blanc spathique; ces apparences charbonneuses ont donné lieu en plusieurs points à des recherches infructueuses de combustibles (Belvezet, Brenoux, etc.).

Relations des schistes avec la forme des reliefs.

Un système de couches aussi peu épais que les schistes à Posidonies ne peut pas jouer dans l'orographie de la contrée un rôle prépondérant; c'est seulement dans la topographie locale que leur influence pourra se faire sentir sur le détail des reliefs.

Il est facile de constater en effet que les schistes, à cause de leur nature assez résistante, se décèlent toujours à la surface par un ressaut brusquǝ qui rompt l'uniformité de la pente des longs talus marneux, et qu'on peut suivre aux affleurements avec la plus grande facilité ; ils semblent ainsi être, pour nous servir d'une très-heureuse expression de M. Leymerie, un véritable coup de crayon tracé par la nature elle-même, afin de marquer la limite des deux formations du lias supérieur et du lias moyen.

Altitudes. Dislocations.

La remarquable couche-limite que constituent les schistes à Posidonies affleure dans le centre du départe

ment de la Lozère à des altitudes très-variables, comprises entre 635 mètres (bords du Lot, com. de Cultures) et 1,220 mètres (com. de Belvezet). Ces différences de niveau résultent d'abord d'un relèvement général des strates du S.-O. au N.-E., et surtout des grandes et nombreuses dislocations qui ont accidenté la région depuis l'époque jurassique.

Les quatre coupes ci-jointes (Pl. VI) sont choisies comme exemples des relations de superposition ou de contact des schistes à Posidonies avec les divers étages jurassiques et les roches cristallines. Les failles que ces coupes mettent en évidence, loin d'être des accidents locaux, se poursuivent au contraire sur de grandes distances, à savoir :

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Elles jouent dans la constitution orographique de la région un rôle important, sur lequel nous aurons l'occasion de revenir dans un prochain travail. Nous nous contenterons de donner ici la légende explicative des quatre coupes, afin de faire connaître ainsi sommairement la composition du terrain jurassique de la contrée :

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Faune des schistes à Posidonies.

La faune, assez pauvre numériquement, présente certaines espèces avec une abondance d'individus véritablement extraordinaire; mais son caractère spécial et distinctif, c'est sa constance sur de grandes études géographiques et son affinité intime avec les diverses faunes locales qui caractérisent la base du lias supérieur en Angleterre, en Allemagne et en France.

Dans la Lozère en particulier, les schistes bitumineux offrent un intérêt tout spécial aux recherches des paléontologistes, à cause des nombreux Poissons fossiles qui se rencontrent à ce niveau. Nous avons eu la bonne fortune d'en découvrir en 1865 deux gisements importants à Mende et à la Canourgue; l'année suivante, nous avons pu constater l'extension du lit à Poissons dans toute la vallée du Lot et dans la région du Valdonnès; plus tard enfin, notre ami M. l'abbé Boissonade, de la Société géologique, a retrouvé ce curieux niveau dans les environs de Marvejols, de sorte qu'on peut le considérer comme absolument caractéristique des schistes à Posidonies.

Les empreintes de Poissons n'occupent du reste qu'une épaisseur très-restreinte, et paraissent cantonnés dans les lits minces de calcaire bitumineux qui constituent la base du système schisteux; ces empreintes consistent le plus souvent en Poissons entiers dont le squelette, passé à l'état de spath enfumé, fait saillie à la surface des plaques de calcaire; les Poisssons ont généralement la colonne vertébrale brisée et fortement recourbée, comme si leur mort eût été subite et précédée de violentes contractions (1). Certains feuillets calcaires, au lieu d'offrir des squelettes entiers, ne présentent qu'une accumulation d'écailles et d'ossements, de façon à former une sorte de bone-bed.

Cette faune ichthyologique a fait l'objet d'une savante et minutieuse étude de la part de M. le Dr Sauvage (2) et lui a fourni quatre formes spécifiques entièrement nouvelles. Les espèces les plus communes se rapportent au genre Leptolepsis; « elles sont toutes de faible taille, et devaient vivre à la manières des petites Clupes de nos jours, se nourrissant de substances végétales ou d'animaux mous en décomposition, se tenant à une faible profondeur, et s'éloignant peu des côtes. »

Avant de terminer ces quelques observations générales au sujet de la répartition des fossiles dans le sous-étage

(1) Ce fait de l'extermination presque instantanée des vertébrés aquatiques lors du dépôt des schistes à Posidonies est véritablement extraordinaire par sa généralité, car il comprend toute l'Europe occidentale; aucune des explications qu'on en a données jusqu'ici ne nous paraît satisfaisante. Voyez Deslongchamps, Etude sur les étages jurassiques inférieurs de la Normandie, p. 210.

(2) V. Revue des Sciences naturelles, t. II, 1874, p. 415.

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