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les rencontrerez, soit en France, soit en Crimée, soit en Égypte (les pyramides en sont bâties), soit sur les flancs de l'Himalaya, vous pourrez de prime abord déclarer que le terrain qui les porte est tertiaire.

Il y a mieux ces humbles nummulites vous apprendront que les couches de sédiments où on les trouve en Crimée, en Égypte et dans l'Inde, sont contemporaines de celles du Soissonnais, et qu'à l'époque où elles vivaient, l'Océan recouvrait, en grande partie, sous une nappe immense d'eau, notre contrée, l'Europe, l'Afrique et l'Asie.

C'est ainsi encore que vainement le sol de Londres semble se différencier de celui de Paris. Les coquilles qu'on y recueille ont trahi le secret de son origine, qui échappait aux minéralogistes. Ces deux terrains sont contemporains, et, en quelque sorte, frères jumeaux. L'emplacement de Paris et celui de Londres ne formaient, à leur origine, qu'un seul et même bassin.

La géographie de ces temps inconnus révélée aux savants par des fragments de coquilles !...

IV.

-

PUBLICATION DE LA FLORE FOSSILE

DU SOISSONNAIS.

La collection d'empreintes végétales de Belleu ayant pris un grand développement et composant à elle seule toute une flore nouvelle, M. Watelet s'occupa de réunir en familles et en genres tous ces fragments précieux de plantes échappées à la destruction générale de leur espèce, et en fit la matière d'une publication scientifique qu'il vient de mettre en vente à la librairie Baillière sous

le titre de Description des plantes fossiles du bassin de Paris, mais dont le véritable nom nous paraît être plutôt celui de Flore fossile du Soissonnais, puisque c'est notre vallée qui en a fourni les éléments les plus nombreux et les plus remarquables.

Un grand nombre de FLORES FOSSILES, il est vrai, ont déjà été publiées; les Anglais, les Italiens, les Suisses, les Allemands surtout, ont doté depuis longtemps leurs pays de travaux importants sur cette matière.

Mais le bassin de Paris, si savamment étudié depuis cinquante ans, au point de vue stratigraphique, est resté presque stationnaire sous le rapport de la botanique fossile.

Si l'on excepte quelques essais de MM. Brongniart et Pomel, rien de sérieux, de complet, n'a encore été publié en ce genre sur cette partie de la France, fouillée avec tant de soin par tant d'habiles géologues.

La flore de M. Brongniart n'embrasse que 35 espèces de plantes; celle de M. Watelet en contient plus de 250.

Enfin, et c'est surtout ce qui constitue le haut intérêt de la Flore fossile soissonnaise, les études publiées sur cette partie de l'histoire naturelle du bassin de Paris. n'ont porté que sur les étages moyens et supérieurs de ce bassin. Quant aux étages inférieurs, - parmi lesquels se trouve naturellement placé notre terrain suessonnien, on avait désespéré d'y trouver jamais rien d'intéressant sous ce rapport.

Les plantes angiospermes (qu'on nous pardonne cet affreux mot technique) sont considérées comme les organisations les plus parfaites du règne végétal; car la

nature aussi aime le progrès : elle n'a débuté ni par les chênes ni par les éléphants. Elle a d'abord produit des mousses, des champignons, plantes privées de tout organe de reproduction distinct, ou du moins apparent, d'où leur nom de cryptogames; puis des gymnospermes, végétaux doués d'un appareil sexuel bien déterminé; enfin des angiospermes, plantes plus perfectionnées que les autres, en ce sens que l'appareil reproducteur est complété chez elles par une enveloppe spéciale destinée à préserver le fruit de leur fécondation.

Or, l'existence dans les assises inférieures du bassin de Paris, et par conséquent dans notre terrain, de ces riches végétaux dits angiospermes avait été niée jusqu'ici.

De sorte que, à partir de la craie, où cette brillante. flore semble avoir laissé quelques traces d'une première apparition, jusqu'aux étages tertiaires supérieurs, où elle s'épanouit dans toute sa plénitude, se trouvait un immense hiatus que les recherches de la science, les fouilles des plus habiles géologues, n'avaient pu faire disparaître.

Or, par un hasard singulier, les grès de Belleu, auxquels on était loin de supposer cette importance scientifique, sont venus justement combler cette lacune, d'une manière aussi complète, aussi merveilleuse qu'inespérée.

Cette découverte, en effet, non-seulement constate l'existence de la flore angiosperme dans le terrain suessonnien, qui en paraissait jusqu'ici deshérité, mais en même temps elle vient doter la botanique fossile parisienne d'un nombre d'espèces nouvelles beaucoup plus

considérable que toutes celles qu'on avait recueillies et publiées jusqu'à ce jour.

Quant aux difficultés que présentait la mise en œuvre de tous ces matériaux épars et mutilés, on les comprendra facilement, quand on saura que l'auteur n'avait souvent pour s'éclairer dans ses déterminations que des feuilles tronquées, des fragments de fleurs et des quarts de fruits.

Nous n'entrerons pas ici dans les détails techniques de la classification des familles, ni des espèces de plantes dont se compose la Flore soissonnaise, la langue compliquée des botanistes ne pouvant offrir d'attraits qu'aux initiés. Nous dirons seulement, et pour parler une langue connue de tous, que dans cette flore, extraite principalement de nos grès de Belleu, on trouve des empreintes magnifiques de fougères, de chênes, de hêtres, d'ormes, de châtaigniers, de lauriers, de platanes et de bananiers; des algues marines de 60 centimètres de hauteur, des gousses de légumineuses de 25 centimètres de longueur, des feuilles de figuiers d'un développement énorme, des palmiers à feuilles gigantesques, des cônes de pins saisissants de vérité, et un grand nombre de fruits conservés, pour ainsi dire, avec tout leur velouté, toute leur fraicheur native.

On y voit même un noyau de pêche avec toutes ses lignes anguleuses: ce qui prouve que ce fruit délicieux n'est pas exclusivement originaire de l'Asie, et que sa chair succulente a, dans notre contrée, délecté le palais du singe quelques centaines de mille ans avant celui de l'homme.

La Flore fossile soissonnaise se publie par livraisons. Elle formera un volume in-4° de texte accompagné de 60 planches lithographiées représentant toutes ces merveilles de végétations restées inconnues jusqu'ici. Ces planches, où la nature est reproduite avec la plus grande fidélité, sont dues au crayon d'une des filles de M. Watelet, laquelle a mis au service de son père un talent d'artiste plein d'avenir.

Cette publication scientifique, qui honore à la fois et l'auteur et notre ville, sera recherchée avec empressement et consultée avec le plus grand intérêt par tous les véritables géologues.

En s'associant chacun par un vote de cinq cents francs à la publication de cet ouvrage, le Conseil général de l'Aisne et le Conseil municipal de notre ville ont donné une nouvelle preuve de leur sollicitude éclairée pour tout ce qui peut provoquer parmi nous le goût et l'amour des études scientifiques (1).

VIRGILE CALLAND.

M. Wafflart donne lecture du document suivant sur une maladie contagieuse qui a ravagé Soissons en 1668. C'est un arrêt du Parlement de Paris qui témoigne assez des craintes qu'inspirait le fléau.

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Ce jour, le Procureur général du Roy est entré dans

(1) Cette notice a été lue à la Société archéologique de Soissons dans sa séance du 1er mai 1865, et fait partie des publications de cette Société.

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