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LA

MONOGRAPHIE DE L'ÉGLISE DE BROU

PAR M. DIDRON.

NOTES ET OBSERVATIONS PAR M. C SAVY.

S'il est un monument qui attire aujourd'hui l'attention des touristes et devient un but d'excursions permanentes, c'est assurément l'église de Brou.

Parmi les nombreux écrits qui ont été publiés sur cet intéressant édifice, je crois devoir signaler d'une manière toute spéciale l'ouvrage de M. Didron, secrétaire du Comité historique des Arts et Monuments au ministère de l'instruction publique. Ce texte qui est seulement une Introduction à la monographie de Brou, accompagne les belles planches exécutées sous la direction de M. Louis Dupasquier, architecte à Lyon, lesquelles représentent dans une grande partie de ses détails, le curieux monument de Marguerite d'Autriche.

Cette publication malheureusement est restée inachevée, aussi bien au point de vue graphique que sous le rapport historique et descriptif. La plume du monographe s'est arrêtée en même temps que l'habile crayon des artistes qui ont concouru à cette œuvre splendide. Toutefois l'essai monographique qui s'y trouve joint a vivement piqué ma curiosité. J'ai voulu connaître, plus particulièrement que par une simple lecture, le travail d'un écrivain qui se recommande par un style élégant et facile et surtout par de sérieuses études en

iconographie. C'est dans cet ordre d'idées que se révèle pour moi avec toute sa supériorité le remarquable écrit de M. Didron; aussi lui donnerai-je, à cet égard, tout le développement possible dans le cadre restreint que j'ai dû m'imposer pour une simple notice.

Mais malgré le prestige du talent et de l'érudition, on ne peut s'empêcher de reconnaitre en parcourant cet ouvrage, que l'auteur, dans certaines parties, n'a pas montré la même sûreté ce coup d'œil et la même rectitude de jugement dont il fait preuve dans l'explication de la statuaire et des sujets représentés sur les vitraux.

M. Didron débute par des considérations générales sur les origines et les transformations de l'architecture religieuse, depuis l'époque latine jusqu'à la renaissance. Il dit que l'unité ou plutôt l'uniformité est le principe absolu de l'art des Grecs et des Romains et que la variété, au contraire, constitue le caractère distinctif des nations chrétiennes. Il réduit, sans les indiquer, à trois types seulement l'architecture classique, et de l'ensemble de ses réflexions quelquefois un peu abstraites, l'auteur tire cette conclusion, que la ligne horizontale est l'expression de l'art païen comme la ligne verticale indique l'art essentiellement chrétien. Nous verrons plus tard comment il applique cette théorie dans ses appréciations sur la valeur artistique du monument de Brou.

Sans vouloir entrer à ce sujet dans le fond de la discussion, ce qui m'entraînerait trop loin, on me permettra seulement de faire observer que le christianisme en s'accommodant tout d'abord des monuments de l'antiquité, a montré qu'il n'était pas, en fait de style et d'ordonnance, aussi difficile à satisfaire qu'on veut bien le prétendre.

Et en effet, l'architecture, tour à tour, sombre et mystérieuse des catacombes, froide et nue, des basiliques latines,

lourde et austère des églises carlovingiennes, était, tout aussi bien que le gothique, un art véritablement chrétien qui avait reçu, par la célébration des saints mystères, une éclatante consécration. On ne veut voir dans l'architecture ogivale que l'expression de l'idée religieuse et l'on ne fait pas assez attention que l'apparition de cet art extraordinaire n'est que la conséquence du développement naturel d'un principe de construction entrevu à une certaine époque, et qui s'appliquait non-seulement aux édifices religieux, mais encore aux demeures princières et aux habitations des simples particuliers.

Cependant, il ne faut pas oublier que l'écrit de M. Didron remonte à 1842, c'est-à-dire à une époque où il était de mode, non de discuter et de raisonner l'art ogival, mais d'en parler en termes pompeux et dans un langage imagé. Aussi l'auteur, dans sa revue rapide des divers styles qui sont les aînés du gothique, regarde-t-il ce dernier comme infiniment supérieur à ceux qui l'ont précédé, et lui décerne-t-il des éloges absolus. Il fait, entre autres, cette remarque, c'est que le gothique ainsi que l'art en général, « est comme << une boule de neige que les enfants façonnent dans leurs « jeux, et grossit à mesure qu'il avance: crescit eundo. « C'est le fleuve qui dans sa marche se nourrit et s'enfle de tous les affluents. >>

Cette comparaison ne me semble pas d'une exactitude rigoureuse, car la faculté pour la boule de neige de grossir et pour le fleuve de s'enfler, n'est pas applicable à l'art luimême cette faculté ne répond nullement à une idée de perfectibilité, et l'art ogival a cela surtout de particulier, c'est qu'il ne fut parfait qu'au moment même de sa naissance. En effet, toutes nos églises ogivales ou romano-ogivales du XIe siècle sont d'une grande sobriété de lignes et d'une extrême pureté d'ornementation; c'est le calme, dans

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