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son ornée de l'effigie de Louis XIII, ce qui semblait indiquer une habitation de quelque valeur. Ce portrait, qui datait de 1643, était de Girard Sibrecg ou Gérard Sibreg (Les statues du vieur Lyon. Rollé et Montaiglon). La rue de l'Ane ouvrait une communication à la rue de la Palme avec la rue Luizerne. On pense que ce nom de l'Ane dérivait de ce que cette rue, dès l'origine, servait à l'attache des bêtes de somme, usage qui subsistait encore en 1838. Depuis, on l'a baptisée du nom de La Valfnière (1), architecte avignonais, sur les dessins duquel fut construit le couvent ou plutôt le palais des Dames de Saint-Pierre, vers 1667. (Dict. des rues de Lyon, 1838. Lyonn. dignes de mém.). Cette qualification de palais est la seule qui convienne; car rien ne ressemble moins à un couvent. Il est vrai que c'était une abbaye royale, et ce titre avait peu de rapport avec l'humilité chrétienne, qui devrait être la première vertu des religieuses.

En débouchant par la rue de la Palme sur la place de la Platière, on se trouvait dans la rue de l'Enfant-quiPissé, laquelle, avant cette singulière dénomination, s'appelait Grande-Rue de la Platière. Vers 1620, elle a commencé à prendre le nom qu'elle portait encore il y a une vingtaine d'années, et qui scandaliserait si fort notre époque pudibonde. Cependant je dois dire que l'habitude avait prévalu, et que cette expression, généralement adoptée, sortait naturellement de toutes les bouches, et même des plus modestes. L'Almanach de Lyon de 1745 nous explique ainsi l'origine de cette dénomination:

(1) Il paraîtrait que ce nom de La Valfinière, en usage à Lyon, n'est cependant pas parfaitement exact.

<< Rue de l'Enfant-qui-Pisse, ainsi désignée à cause d'une « petite figure d'un enfant qui pisse, qui est attachée à << une maison, à l'entrée de cette rue, du côté de l'Her

berie. Cette petite statue de pierre blanche est assez « bien dessinée et de très-bon goût. » Ce de très-bon goût me semble bien naïf. L'emplacement de la maison 'où manœuvrait l'enfant sans gêne est occupé maintenant par une construction qui date de l'époque de l'élargissement de la rue Saint-Côme, vers 1825 (1), et par conséquent il ne reste plus aucun vestige de la statuette en question, qui avait depuis longtemps disparu; je ne l'ai jamais

vue.

La rue de l'Enfant-qui-Pisse, devenue déjà avant 1848 le prolongement méridional de la rue Lanterne, a conservé son cachet. Elle est encore occupée en partie par des magasins de drogueries, dont les pittoresques enseignes en relief excitent l'attention des passants: ce sont des licornes, des ours, des serpents de grande taille. Il

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n'y a pas longtemps que j'entendais un petit garçon,

(1) Les débris de démolition dans la rue Saint-Côme ont servi à la construction d'une maison située aux Brotteaux, à l'angle de la place Louis XVI

gèrement ému, qui demandait Papa, est-ce que ce sont des bêtes féroces? Cette rue, où le marteau de la démolition n'a pas encore fait acte de puissance, possède quelques vastes et belles maisons, surtout dans sa partie occidentale. La façade du n° 24 est taillée sur de belles proportions, et le rez-de-chaussée a un aspect vraiment monumental. Les vulgaires boiseries, qui ont la ridicule prétention de décorer le soubassement de nos maisons contemporaines et ne permettent pas à nos architectes de donner un caractère un peu grandiose à leurs œuvres, n'ont pas défiguré cette maison qui date de la fin du XVIIe siècle. Je recommande aux curieux le belimposte métallique encadré dans le cintre de la porte d'allée: au centre on aperçoit un agneau en suspension, et audessous on lit: A la toison d'or. 1695. Au reste, les vieux quartiers de Lyon sont très-remarquables par ces ouvrages, qui nous apprennent combien l'art de la serru rerie était arrivé à un haut degré de perfection. L'inté rieur de cour, sur lequel un vaste escalier, comme on n'en fait plus maintenant, prend son jour, a une issue au fond d'une impasse dont l'ouverture est sur le quai d'Orléans. Le n° 26, dans sa cour un peu étroite, rappele le xvi siècle, et les nos 28 et 30 me semblent d'une épo que plus récente que celle du n° 24. Je me souviens que, dans une de ces deux dernières maisons, demeurait le grand-père d'un vicomte contemporain. Un passage,

et de la rue Madame. Cette maison, dans le style du xvIIe siècle et ornée d'une niche, contraste avec celles du quartier. Cet élargissement du tournant de Saint-Come eut lieu sous l'administration du baron Rambaud, et le passant ne peut croire qu'il existât sur le sol actuel de cette rue une maison en avancement de plusieurs mètres. (Hodieu. Nomencl. lyonn

travers plusieurs cours, au no 29, sur le côté opposé, communique avec la rue Saint-Pierre, et contient une nombreuse population de droguistes et autres négociants dont les marchandises obstruent la circulation.

La rue de l'Enfant-qui-Pisse, à son extrémité méridionale, aboutit dans la rue Tête-de-Mort. Cette rue, trèsétroite, qui de la place de l'Herberie conduisait à la rue de la Pêcherie, a porté le nom de Villars (1), en souvenir de cette famille qui l'a longtemps habitée. Ensuite on l'appela Ecorchebœuf, probablement par suite du voisinage de la boucherie de l'Herberie; après, rue de la Triperie, et enfin de la Tête-de-Mort, enseigne que l'on voyait, en 1623, à la maison de Rollin et de Jean Faure. (Cochard. Guide du voyageur). Je ferai remarquer l'immense maison Mièvre (nom d'un ancien propriétaire), à l'angle de cette rue et de l'ancienne place de l'Herberie, aujourd'hui rue Saint-Côme. Cette construction, sur des proportions grandioses, doit dater du siècle dernier. Son intérieur de cour est beaucoup trop étroit; mais les appartements, établis sur de vastes proportions, étaient ornés de panneaux peints sur toile, qui ont dû être remplacés par des tapisseries en papier. Le rez-de-chaussée et le premier étage ont été défigurés par les embellissements de mauvais goût d'un magasin de hautes nouveautés, qui, depuis quelques années, a transporté son commerce dans la rue de l'Impératrice. Cette rue, dans laquelle, d'après le P. Mérestrier, on voyait une annonciation fort antique, a reçu bien improprement, du moins pour le moment, le

(1) En 1615, le prieur de la Platière était un Thermes de Villars, qui soutint un procès contre Antoine de la Rivée, fermier du château de Vaulx en Velein. (Biblioth. Coste, 2691.

nom de rue Longue; car elle ne sera dans l'alignement de la vieille rue Longue que lorsque la maison Mièvre aura été démolie.

Au coin des rues Tête-de-Mort et de la Pêcherie, à l'angle sud-est, l'administration consulaire acheta, en 1670, quelques maisons pour les démolir, et bâtir sur leur emplacement un marché aux poissons, une pêcherie, que l'on ouvrit l'année suivante. Ce n'était pas la première fois que l'on installait une halle de ce genre: car déjà, en 1583, on avait établi des marchés aux poissons frais et salés à la Platière, devant l'Hôtel-Dieu, les pri sons de Roanne et l'église de Saint-Georges. En 1618, une pêcherie, qui existait sur la place de l'Herberie, fat transférée derrière la boucherie de la Lanterne, en regard de la Saône. (Inv. des arch. com.). Quand la pêcherie fut démolie, vers 1825, beaucoup de gens eussent désiré la conservation de cet établissement, fort utile par sa spécialité.

Ce marché imposa définitivement son nom à la rue de la Pêcherie, qui jusqu'alors en avait porté divers : dans l'inventaire des titres de la Platière, elle est successivement désignée sous les noms de Villars, Ecorchebœuf, de la Veyssellerie, de la Tonnellerie. Je ne crois pas que cette rue, remplacée aujourd'hui par le quai d'Orléans, fût plus large que le trottoir qui borde les maisons. On ne comprend pas comment on pouvait habiter un quartier, en hostilité permanente contre les rayons solaires et les droits de la circulation. En 1368, alors qu'elle portait le nom de la Veyssellerie, plusieurs maisons y furent détruites par un violent incendie, et l'invasion du soleil fut de courte durée. (Inventaire des titres de la Platière). Ce

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