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des ressources, en ne recourant à l'expropriation que dans quelques cas exceptionnels.

Avec un plan d'ensemble bien arrêté et un peu de persévérance, le but n'en serait pas moins vite atteint, car la plupart des possesseurs de terrains ne tarderaient pas à comprendre l'avantage de céder à la ville, à des prix raisonnables, des immeubles dont ils ont souvent bien de la peine à tirer un revenu régulier.

A défaut d'un dégagement grandiose et méthodique, ce dégagement partiel, par pénétrations successives, dont vous trouverez tous les détails dans la brochure que je dépose sur le bureau, semble facile à réaliser.

Réparties sur plusieurs exercices, les dépenses ne surchargeraient guère le budget de la ville du Mans et les archéologues verraient enfin accomplir leurs vœux.

Le seul moyen maintenant, pour une ville de province, d'attirer touristes et étrangers, est de leur offrir des curiosités sensationnelles, des monuments que toutes les villes ne possèdent pas. Jusqu'ici, nous n'avons jamais ouï-dire qu'aucun étranger soit venu au Mans pour admirer le boulevard Levasseur ou la malencontreuse bosse de l'avenue Thiers. Par contre, nous savons de source certaine qu'un grand nombre de touristes de haute marque et même une très gracieuse souveraine se sont arrêtés dans notre ville pour visiter la cathédrale et la maison de la reine Bérengère ils ont même manifesté l'intention de revenir pour mieux connaître nos monuments.

Une enceinte murale, vieille de dix-sept siècles, est assurément une attraction peu banale que les Américains ne sauraient emporter chez eux et qu'il faut bien venir voir sur place. Tous les touristes, sans doute, n'apprécieraient pas autant que nous son intérêt archéologique. Tous au moins, y compris les automobilistes de grande vitesse, seraient fiers de dire, à l'occasion. qu'ils ont vu, de leurs yeux, des remparts... du temps des Barbares!

De là, nécessairement, une source de profits continus et très appréciables pour le commerce local.

En définitive, à l'heure actuelle, le dégagement de l'enceinte gallo-romaine du Mans s'impose tout à la fois comme la conséquence forcée de la vulgarisation des connaissances archéologiques et comme une opération avantageuse au point de vue économique.

A leur grand honneur, plusieurs des membres de l'administration municipale viennent d'obtenir l'achat des masures qui masquent la tour au bas du Tunnel.

Cette œuvre de dégagement ne demande pas seulement à être encouragée par les Sociétés locales qui la désirent depuis si longtemps. Elle demande à être soutenue par l'élite intellectuelle du pays.

Je ne doute pas, dès lors, que le Congrès ne daigne approuver, au moins en principe, l'idée de dégagement partiel que j'ai l'honneur de lui soumettre au nom de la Société archéologique du Maine. Je vous demande en conséquence de vouloir bien l'appuyer de votre haute autorité et d'adopter le vœu suivant, en priant notre cher directeur de le transmettre à M. le maire du Mans:

« A l'occasion de son excursion du 18 juin 1910 au Mans, le Congrès archéologique de France, réuni à Saumur et à Angers, émet le vœu que la ville du Mans poursuive le plus rapidement possible le projet de dégagement partiel de son enceinte gallo-romaine, projet inscrit au programme municipal de 1908 et qui semble de nature à concilier les intérêts financiers avec les désirs depuis si longtemps exprimés par les archéologues et les touristes » (1).

(1) Ce vœu a été adopté à l'unanimité dans la séance du 5 juin 1910.

IV

ÉTUDE ARCHÉOLOGIQUE

SUR

L'ÉGLISE DE
DE BEAULIEU-LES-LOCHES

Par MM. J. HARDION et R. MICHEL-DANSAC.

A un kilomètre de Loches, de l'autre côté de l'Indre, l'église de Beaulieu, partie en ruines, partie debout, conserve les seuls restes de l'abbaye fondée par Foulque Nerra. C'est, en effet, à un millier de pas du château de Loches, d'après un contemporain, Raoul Glaber (1), que Foulque édifia une très belle église, « ecclesiam admodum pulcherrimam », au retour de son pèlerinage en Terre Sainte. Le chroniqueur ne précise pas autrement la date; d'après les historiens, ce serait vers la fin de 1004 (2). La consécration fut faite en grande pompe un certain jour de mai par le légat Pierre (3), envoyé par le pape Jean (4), auquel Foulque avait été

(1) Raoul Glaber, édit. Prou, II, IV, p. 32 et suiv.

de textes pour servir à l'histoire de l'architecture, p. 1 et 2.

Mortet: Recueil

(2) Cf. Halphen: Comté d'Anjou au XIe siècle, 1906, appendice II, consacré à cette question si controversée des pèlerinages de Foulque à Jérusalem.

(3) Pierre, évêque de Piperno.

(4) Jean XVIII (25 décembre 1003-juin 1009).

contraint de s'adresser, l'archevêque de Tours, Hugue de Châteaudun, s'étant refusé à y procéder (1). Vers le soir, continue notre auteur, une tempête effroyable disjoignit les charpentes et jeta en bas la toiture de l'église ainsi que le pignon occidental. Ces événements se passèrent très probablement en 1007 (2).

A part cette fondation, il ne faut pas compter trouver de nombreux renseignements dans les textes, les archives anciennes de l'abbaye n'existant plus et certainement déjà depuis longtemps. Au XVIe siècle, les moines adressaient requête (3) à la Chambre des Comptes de Paris afin de se procurer les privilèges ou confirmations qui pourraient y être enregistrés. Dom Billoüet (4), en 1689, chargé de recueillir des notes pour le Monasticon Benedictum, croyait impossible de «rien avoir d'asseuré de l'antiquité du monastère, les anciens n'ayant jamais tenu registre de rien et le chartrier ayant esté autrefois entièrement brulé ».

Aujourd'hui, la nef est diminuée de plus de moitié, sa partie antérieure est réduite simplement au mur latéral

(1) Le comte d'Anjou, peu de temps auparavant, était venu piller ses domaines et établir le château de Montrichard.

(2) Les années 1008 et 1009, dernières du pontificat de Jean, ne peuvent être retenues, parce que l'affaire de Hugue de Beauvais, qui causa les plus sérieux embarras à Foulque, commençait en mai 1008 et n'était pas encore assoupie en 1009.

Il n'y a, d'autre part, aucun fond à faire sur les bulles de Jean et de Serge IV, démontrées apocryphes; ainsi se trouvent éliminées toutes les discussions nées du désaccord existant entre ces actes et les chroniques. - Voy. notamment: d'Espinay, Congrès archéologique de Loches, 1869, p. 97-105.

Sur la question d'authenticité, Halphen: Comté d'Anjou, appendice III, consacré à l'examen des chartes de fondation de l'abbaye de Beaulieu; il y donne le véritable texte de la charte de Foulque et prouve la fausseté des bulles.

(3) Bibl. nat., ms. lat. 12662, fo 140.

(4) Ibid., f 132. Lettre du 4 mai 1689. Orig.

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