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M. l'abbé Alfred Chevallier, curé de Montbré, près de Reims, avait publié, depuis 1881, de nombreuses études sur les carreaux vernissés de la Champagne, sur les églises des cantons de Chàtillon-sur-Marne et de Ville-en-Tardenois, sur les retables et sur le mobilier des édifices religieux voisins de sa paroisse. Membre correspondant de l'Académie de Reims, il laisse plusieurs ouvrages manuscrits dont notre inspecteur M. Jadart a fait ressortir la valeur dans le discours prononcé sur sa tombe.

A l'étranger, nous avons eu la douleur de perdre M. Léopold Devillers, archiviste du Hainaut pendant quarante-trois ans, membre de l'Académie royale de Belgique depuis 1856 et de la Commission royale des Monuments, président du Cercle archéologique de Mons. Ces titres marquent les étapes de sa longue et féconde carrière. On lui doit la publication de nombreux inventaires, de plusieurs cartulaires, de huit volumes de documents sur l'histoire du Hainaut, des comptes de l'église de SainteWaudru, et d'une belle étude sur le passé artistique de Mons. Pendant la durée du Congrès de la Fédération des Sociétés savantes de Belgique qu'il avait présidé en 1904, j'avais pu apprécier sa grande aménité. Sa bonté d'âme, qui se reflétait sur son visage, lui conciliait tous les cœurs.

Le baron Henry de Geymüller, mort à Bade le 19 décembre 1909, correspondant de l'Institut de France et membre honoraire de la plupart des Académies étrangères, s'était consacré à l'étude de la Renaissance en France et en Italie. Il avait renouvelé les théories émises sur les origines et le développement de ce style par l'examen méthodique des plans et des anciens dessins d'architecture. L'œuvre de Bramante et de Michel-Ange lui avait inspiré d'ingénieuses observations, et les trois volumes qu'il a consacrés à Androuet du Cerceau renferment l'analyse définitive des relevés du célèbre artiste. Il a su nous initier à la vie des chantiers, définir le rôle de l'architecte et des maçons, en élucidant tous les problèmes qui se rattachent à la construction des grands châteaux du XVIe siècle. Son activité féconde lui faisait oublier le poids des ans et il a tracé un sillon lumineux dans l'histoire de l'art.

Tous ceux que nous pleurons s'étaient associés à la lutte entreprise par notre Société contre le vandalisme qui continue ses

ravages et qui se fait gloire de détruire ou de dilapider les œuvres des architectes, des imagiers et des orfèvres du moyen åge. L'auteur de la Terre qui meurt est bien qualifié pour parler des églises et des monuments qui meurent, non pas sous le poids des ans ou sous les efforts du lierre qui finit par les ensevelir, mais de la main des hommes qui n'en comprennent ni la valeur artistique, ni le charme poétique.

L'église de Cinqueux, en Beauvaisis, intéressant édifice du XIl' et du XIIIe siècle, était surmontée d'un clocher central, dont une partie vint à s'écrouler. Malgré le rapport d'un architecte et le vœu de tous les habitants, le Maire réclama les sapeurs du génie pour faire sauter à la dynamite le reste de la tour qui écrasa le chœur dans sa chute. La solidité des piles et des murs restés debout était telle qu'il fallut trois explosions pour les renverser. L'église de Montchauvet, près de Mantes-sur-Seine, a subi le même sort. Les clochers qui sautent font pendant aux vieilles maisons qui disparaissent. A Abbeville, c'est l'escalier de la maison François Ier qui émigre en Amérique ; à Amiens, c'est la maison du Sagittaire; au Mans, c'est celle d'Adam qui sont menacées du même voyage.

Nous aurons à cœur de protester contre de pareilles vilenies en clouant les vandales au pilori; mais souvent le seul moyen de sauver un monument menacé, c'est de l'acquérir. Je tiens donc à féliciter la Société artistique de la vallée de la Loire, dont notre confrère M. Chappée est le discret bienfaiteur, d'avoir acheté les restes de l'église abbatiale d'Asnières et d'y avoir fait des fouilles qui ont ramené au jour les anciens carrelages. M. le chanoine Pinier mérite aussi les éloges des archéologues pour son exploration si féconde du sol de Saint-Martin d'Angers, dont la conservation est assurée grâce à son généreux concours. Notre confrère M. Aynard poursuit sa prudente restauration de l'abbaye cistercienne de Fontenay, qui est heureusement devenue sa propriété, et notre confrère M. Fenaille achève de réunir les épaves du château de Montal, dont les sculptures, les cheminées et les lucarnes avaient été démontées et vendues par un de ces brocanteurs qui se dissimulent sous le nom d'antiquaires.

Nos Congrès ne sont sans doute pas aussi à la mode que les semaines d'aviation, mais permettez-moi de risquer une compa

raison entre les aviateurs et les archéologues. Les uns auraient avantage, pour se diriger, à reconnaître de loin les plus beaux clochers de la France; les autres pourraient les photographier en les doublant à bord des aéroplanes. D'ailleurs, par ce temps d'utilitarisme, il faut bien avouer que ces deux professions ne sont pas terre à terre. Elles marquent un élan vers l'idéal et symbolisent l'esprit d'initiative de notre race. Ne furent-ils pas aussi des novateurs, ces grands architectes du XIIIe siècle dont le génie audacieux conçut le plan et l'ossature de nos grandes cathédrales gothiques? Notre rôle est plus modeste, mais en unissant nos efforts, nous parviendrons bien à décrire, à conserver et à défendre le patrimoine artistique de la France.

Après ces discours, fréquemment interrompus par les applaudissements, la séance est levée.

LUNDI 13 JUIN

Réception à l'Hôtel de Ville de Saumur.

Invités à un vin d'honneur par la Municipalité, les membres du Congrès se réunirent, à 9 heures du soir, dans les salons de l'Hôtel de Ville, brillamment illuminés et décorés de fleurs. Ils y furent reçus par M. le docteur Peton, maire, entouré de ses adjoints et des membres du Conseil.

Remerciant les congressistes de s'être rendus si nombreux à son invitation, M. le Maire lève son verre en l'honneur des hôtes que la ville de Saumur est heureuse de recevoir.

M. Mitonneau, adjoint au maire d'Angers, excuse l'absence de M. le docteur Monprofit et donne aux congressistes l'assurance qu'ils trouveront à Angers un accueil non moins empressé.

Enfin, M. E. Lefèvre-Pontalis dit combien la Société d'Archéologie est reconnaissante de cette aimable réception

de la municipalité saumuroise, qui a fait graver une médaille spécialement en souvenir du Congrès. Il lève son verre au passé de Saumur et à son avenir.

Le vin mousseux d'Anjou a été ensuite offert aux invités, pendant que la musique municipale faisait entendre plusieurs morceaux de son répertoire.

SÉANCE DU MARDI 14 JUIN

PRÉSIDENCE de M. E. LEFEVRE-PONTALIS

Prennent place au bureau: MM. Héron de Villefosse, Guiffrey, Magne, le vicomte de Ghellinck et le docteur Peton.

M. L. de Farcy rappelle divers souvenirs du Congrès tenu à Angers en 1871 et montre, par quelques exemples judicieusement choisis, les progrès accomplis depuis trente-neuf ans par l'archéologie, notamment en ce qui concerne les monuments angevins.

M. Lucien Magne entretient ensuite l'assistance des fouilles effectuées sous sa direction dans l'église abbatiale de Fontevrault et qui ont amené, le matin même, la découverte de plusieurs tombeaux où avaient été déposés les corps des Plantagenets. Des recherches postérieures permettront de reconnaitre d'une façon complète l'emplacement primitif du célèbre cimetière des rois.

M. E. Lefèvre-Pontalis félicite M. Magne de son intéressant rapport et le remercie d'en avoir réservé la primeur au Congrès. Il est heureux d'annoncer qu'une grande médaille de vermeil lui sera décernée pour les travaux qu'il dirige avec tant de science à l'abbaye de Fontevrault et au château de Saumur. Parmi ceux qui seront les lauréats du Congrès, il tient, en outre, à signaler dès maintenant M. le

Maire de Saumur, qui a contribué pour une si grande part à la conservation du château, et M. Perrein, dont le dévouement a beaucoup facilité l'organisation du Congrès.

M. le marquis de Beauchesne fait le récit du voyage accompli à Saumur et à Fontevrault, sous le règne de Louis XIV, par un officier français qui a pris soin de noter ses impressions.

Après une communication de M. Turpin sur les carreaux émaillés, présentée par M. E. Lefèvre-Pontalis, M. de Villebois-Mareuil lit un rapport sur la découverte, dans le canton de Segré, d'un cimetière du Ve siècle.

Enfin, M. le commandant Espérandieu entretient les congressistes des dernières fouilles qu'il a effectuées sur le Mont-Auxois. M. Héron de Villefosse le félicite des travaux si considérables qu'il poursuit depuis tant d'années avec autant de courage que de savoir.

MERCREDI 15 JUIN

Réception au château de Montreuil-Bellay.

Pendant la visite du château de Montreuil-Bellay, M. de Grandmaison, député de Maine-et-Loire, a offert aux congressistes un lunch, qui leur a permis d'apprécier les produits des vignobles du domaine.

Dans un toast plein d'humour, il rappelle les gloires de Montreuil et fait très spirituellement l'historique des bouteilles angevines, dont d'intéressants spécimens sont exposés sur la table.

M. E. Lefèvre-Pontalis le remercie, ainsi que Mme de Grandmaison, d'un accueil auquel tous les membres du Congrès ont été particulièrement sensibles.

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