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reconnaissance. Des notations pondérales à l'usage des gardiens chargés de veiller à la conservation de ces vases, se lisent sur la plupart d'entre eux. Enfin, une clef les accompagnait, sans qu'on puisse reconnaître si c'était la clef du coffre contenant cette argenterie ou si c'était celle du sanctuaire de la fille de Jupiter.

C'est au bord de la forêt de Brissac, à la limite des territoires des Andécaves et des Pictons, exactement au lieu dit « les Chàtres », dépendant de la commune de Chavagnes, que cette trouvaille fut faite en 1836. Un cultivateur, en plantant sa vigne, y rencontra le trésor presque à fleur de terre; quelques coups de bèche suffirent à le mettre en possession de la précieuse vaisselle. J'ai vainement cherché des détails plus complets sur les circonstances qui ont accompagné la découverte; je n'en ai recueilli aucun. Ces objets avaient-ils été déposés à la hâte dans un simple trou ou bien soigneusement placés dans une cachette murée ? A-t-on signalé d'autres ex-voto en pierre, en terre cuite ou en bronze provenant du même point? A-t-on rencontré là les substructions d'un temple ou les traces d'une habitation? Je n'en sais rien. La tradition populaire veut qu'une ville antique ait existé près de cet endroit, mais j'ignore si on a cherché à vérifier le fait et sur quels indices s'appuie la tradition? Je m'adresse donc aux archéologues angevins, si parfaitement instruits de tout ce qui touche aux antiquités de leur pays. J'ose croire qu'ils voudront bien profiter d'une de nos séances pour répondre à mon appel. Ils compléteront ainsi l'histoire de ces précieux exvoto qui nous introduisent dans le domaine spécial du sentiment religieux, c'est-à-dire dans un coin de la vie morale où la fidélité aux traditions demeure toujours vivace et profonde.

Je suis certain que vous me garderiez quelque rancune, Messieurs, si, après vous avoir parlé de vos travaux, je ne vous disais pas un mot de celui qui les dirige avec un dévoûment auquel nous nous plaisons tous à rendre hommage. Nous serions fort ingrats de ne pas le faire, et nous nous connaissons assez pour savoir que, sur ce sujet comme sur beaucoup d'autres, nous nous entendons à merveille. Aussi, je suis sûr d'être l'interprète de vos sentiments, au moment où ce directeur modèle s'apprête, comme chaque année, à vous faire profiter sans compter de son

expérience et de son érudition,à vous donner des marques nouvelles de son zèle et de son ardeur, en lui renouvelant publiquement, au nom de tous les membres de ce Congrès, l'expression d'un attachement qui ne saurait s'affaiblir et d'une reconnaissance qui ne doit pas s'éteindre. La grande semaine de l'Archéologie nationale s'ouvre aujourd'hui en Anjou : à l'appel de M. E. LefèvrePontalis, vous êtes accourus de tous les points de la France; c'est son enseignement que vous venez recevoir, c'est derrière lui que vous allez marcher,

Je dois ajouter qu'il est heureusement secondé par d'admirables lieutenants. Sa tache serait impossible à remplir sans le concours de ces auxiliaires d'élite dont vous connaissez le rôle et dont les noms sont sur vos lèvres. Vous me permettrez de ne pas les désigner autrement, car je veux laisser à votre directeur la joie de vous dire lui-même le concours apporté par chacun de ses dévoués collaborateurs à l'œuvre dont il est l'àme et le cœur.

Et maintenant, j'ose formuler un vœu qui sera, je le pense, bien accueilli par vous, car je le crois tout à fait conforme à vos espérances et à vos désirs. Je voudrais que votre tournée archéologique en Anjou eût un résultat si salutaire, que votre influence y demeurat si profonde et si durable, qu'en parlant des édifices honorés de votre visite, on puisse dire désormais, comme dans les contes orientaux: le malheur n'osera plus les toucher; la prospérité y est entrée avec le Congrès de 1910; elle y réside à jamais. De longs jours de paix les attendent!

M. E. Lefèvre-Pontalis prononce l'allocution suivante :

Mesdames, Messieurs,

En prenant la parole à mon tour, je me ferai d'abord l'interprète de tous les membres du Congrès pour remercier cordialement la municipalité de Saumur, représentée ici par M. le Dr Peton, maire, et M. Goblet - Mahoudeau, adjoint, de son aimable accueil et de la médaille qu'elle a fait frapper en notre honneur. Quand votre directeur a passé quelques jours ici, l'automne dernier, avec ses dévoués .collaborateurs, pour organiser

cette session, nous avons senti que tous les habitants de cette charmante cité seraient heureux d'offrir l'hospitalité à l'élite des archéologues français et étrangers. Dominée par les belles tours de son château qui se reflètent dans la Loire, fière de ses églises et de ses merveilleuses tapisseries, la ville de Saumur, animée par la fougue des premiers cavaliers de France, est la perle de l'Anjou. C'est le meilleur centre pour rayonner vers Montsoreau, Candes, Fontevrault, Cunault, Asnières, Puy-Notre-Dame et Montreuil-Bellay, où nous étudierons ensemble des monuments du plus haut intérêt.

Nous sommes encore sous le charme du discours de notre président d'honneur, M. René Bazin, qui trouve en Anjou le calme nécessaire aux grands écrivains et qui a bien voulu donner à notre Société un précieux témoignage de sympathie. Nul ne sait peindre comme lui les paysages et les paysans de nos provinces, nul ne sait mieux développer l'amour du sol natal en nous faisant sentir les battements du cœur de la France. Il aime comme nous ces vieux monuments qui séduisent aussi bien les touristes que les archéologues et l'église de Sallertaine a trouvé en lui un éloquent protecteur. Il représente ici l'urbanité traditionnelle de l'Académie Française, tandis que la science archéologique s'incarne en la personne de son éminent confrère de l'Institut, M. Héron de Villefosse, délégué de M. le Ministre de l'Instruction publique, qui vient chaque année au milieu de nous pour apporter la bonne parole, pour encourager les jeunes et les vieux travailleurs et pour mettre à notre service les trésors de son érudition.

J'ai le devoir de remercier tous nos invités qui assistent à cette séance d'ouverture, M. Lasserre, sous-préfet de Saumur; M. l'archiprêtre Bouvet, curé de Saint-Pierre; M. de La Guillonnière, conseiller général; M. Girard, président de la Chambre de Commerce, en excusant l'absence de M. le général Mazel, retenu par ses fonctions à l'École de cavalerie. Mon excellent ami Émile Travers, directeur-adjoint, qui se fait toujours un plaisir de prendre part à nos Congrès, se joint à votre directeur pour exprimer notre gratitude à M. Guiffrey, membre de l'Institut, qui vous expliquera l'origine et la technique des tapisseries de Saumur, d'Angers et du Mans à M. Lucien Magne, inspecteur

général des Monuments historiques, qui vous fera les honneurs du château de Saumur et de l'abbaye de Fontevrault, dont il dirige la restauration, et qui a préparé une savante conférence sur l'origine des coupoles et des voûtes angevines; à M. de Grandmaison, député de Saumur, qui nous ménage une cordiale réception dans son château de Montreuil-Bellay.

Heureux de souhaiter la bienvenue aux étrangers qui reviennent chaque année suivre nos excursions, je suis certain que vous êtes extrêmement sensibles à l'aimable attention du gouvernement belge qui a délégué notre confrère M. le vicomte de Ghellinck pour le représenter. Sa présence nous vaudra certainement un nouveau compte-rendu de cette session aussi bien rédigé que bien illustré, comme celui du Congrès d'Avignon. Ses fidèles compatriotes MM. Hambye, de Buggenoms, délégué de la Société d'Archéologie de Bruxelles, et Matthieu ont fait deux recrues qu'il m'est très agréable de saluer, M. le colonel Lambert et M. le commandant Havenith. Le prince de Monaco est représenté par notre inspecteur divisionnaire M. Labande, qui a été l'âme du dernier Congrès. Notre savant confrère John Bilson, délégué du Royal Archæological Institute et de la Société des Antiquaires de Londres, qui manie si bien le crayon et la plume, symbolise l'entente cordiale avec Sir Fordham, M. Francis Bond, M. Godfray, M. Percy Cox. Enfin, M. Puig y Cadafalch, délégué de l'Institut d'Estudis Catalan, se propose de nous rejoindre à Angers.

Le vieux proverbe : « pour faire un civet il faut un lièvre » pourrait s'appliquer à nos sessions, car pour faire un Congrès, il faut un bon guide. M. le chanoine Urseau, qui joint à toutes les qualités du cœur et de l'esprit une noble passion pour l'histoire de l'art, a bien voulu rédiger la monographie de la ville d'Angers et du château de Plessis-Bourré. Mon cher élève André Rhein a pris comme domaine le Saumurois, et je tiens à le féliciter de ses observations originales, qui prouvent la sûreté de son coup d'œil. Notre inspecteur général M. Robert Triger et notre confrère M. Gabriel Fleury se sont partagé la ville du Mans, dont ils nous feront visiter les richesses monumentales. Ils ont organisé en notre honneur une réception qui marquera dans les annales de notre Société. Le Maine et l'Anjou, liés l'un à l'autre

par tant de souvenirs historiques, continuent à fraterniser sous nos auspices.

Pour vous transporter à pied d'œuvre, tout a été prévu par notre infatigable trésorier Raymond Chevallier, qui a commandé les voitures et les repas, tandis que M. Heuzé traçait le graphique des trains spéciaux. Notre ami Banchereau, trésorier-adjoint, a terminé son rude apprentissage sans se départir de sa bonne humeur. Votre bureau s'appuie sur ces trois assises comme une cathédrale sur ses piliers et votre directeur ne proclamera jamais assez haut tout ce qu'il doit à l'expérience et au dévouement de ses collaborateurs. M. Perrein, délégué du TouringClub, a bien voulu s'occuper de loger un grand nombre de congressistes chez les habitants: vous vous unirez à moi pour le remercier de tout cœur, ainsi que M. Méauzé, trésorier du Congrès.

Trois inspecteurs généraux, M. le marquis de Fayolle, toujours fidèle à nos sessions, M. Robert Triger et M. Louis Demaison, prennent part à ce Congrès, avec MM. René Fage, Adrien Blanchet, François Deshoulières, inspecteurs divisionnaires. Leur collègue, M. le comte Lair, qui veille sur l'Anjou, vient de m'informer qu'il prend à son compte toutes les médailles de vermeil destinées aux lauréats les plus méritants. Suivant son désir, elles seront décernées en souvenir de mes quatre prédécesseurs et de nos confrères disparus qui lui sont restés chers, comme MM. Julien Travers, Jules de Laurière, Eugène de Beaurepaire, Godard-Faultrier et Gustave d'Espinay. Sa générosité lui vaudra votre profonde reconnaissance.

Je ne puis nommer toutes les Sociétés savantes qui sont représentées à notre Congrès par un ou plusieurs délégués, mais je tiens à les remercier de cette preuve de solidarité scientifique. Plusieurs sont les filleules de M. de Caumont et l'activité de leur parrain leur a porté bonheur. Je veux cependant me réjouir de la présence des vingt architectes qui se proposent de prendre part à nos travaux et exprimer ma gratitude anticipée à MM. Alfred Besnard et Charles Nizet, délégués de la Société centrale, pour le compte-rendu qui paraîtra dans l'Architecture et dont ils seront les aimables auteurs. En outre, une aïeule de 77 ans comme notre Société, a le devoir de faire des vœux pour

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