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PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES

SÉANCE D'OUVERTURE DU LUNDI 13 JUIN 1910 A SAUMUR

PRÉSIDENCE DE M. RENÉ BAZIN, DE L'ACADÉMIE FRANÇAISE

La séance d'ouverture de la soixante-dix-septième session du Congrès archéologique de France s'est tenue dans la grande salle de l'Hôtel de Ville de Saumur, le lundi 13 juin, à 10 heures.

M. René Bazin avait à ses côtés, sur l'estrade: MM. Eugène Lefèvre-Pontalis, président du Congrès; Lasserre, sous-préfet de Saumur; Héron de Villefosse, membre de l'Institut, délégué de M. le Ministre de l'Instruction publique; le docteur Peton, maire de Saumur; Goblet-Mahoudeau, adjoint; l'abbé Bouvet, archiprêtre de Saumur; de La Guillonnière, conseiller général; Mayaud, conseiller d'arrondissement; Girard, président de la Chambre de Commerce de Saumur; Émile Travers, directeur-adjoint de la Société française d'Archéologie; Louis Serbat, secrétaire général de la Société; le chanoine Urseau, secrétaire du Congrès.

On remarquait dans la salle: M. le marquis de Fayolle, inspecteur général; MM. le comte Lair, René Fage, Adrien Blanchet, François Deshoulières. Léon Labande, Léon

Germain de Maidy, Lucien Bégule, inspecteurs divisionnaires; MM. Louis de Grandmaison, comte de Beaumont, Ch. Legrand, Alfred Besnard, Émile Bonnet, Dr Coutan, Roger Durand, Louis de Farcy, Albert Levé, Henri Macqueron, Joseph Pierre, comte de Saint-Saud, Henri Tournouer, Noël Thiollier, inspecteurs départementaux; MM. Jules de Valois, Louis Régnier, Ludovic Langlois, le marquis de Beauchesne, F. Martin-Sabon, R. Michel-Dansac, membres du Conseil.

Au nom de la ville, M. le docteur Peton, maire de Saumur, souhaite en ces termes la bienvenue aux congressistes:

MESSIEURS LES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE
D'ARCHÉOLOGIE,

MESSIEURS LES CONGRESSISTES,

MONSIEUR LE Président,

Les fonctions d'un maire n'ont pas toujours le même charme que l'agréable devoir de vous saluer dès votre arrivée à Saumur.

Une précieuse prérogative me permet de vous offrir le premier, au nom des Saumurois, nos meilleurs souhaits de bienvenue. Je les adresse respectueusement à M. Héron de Villefosse, délégué de M. le Ministre de l'Instruction publique; à notre éminent compatriote M. René Bazin, de l'Académie française; à M. Eugène Lefèvre-Pontalis, le dévoué Président de la Société française d'Archéologie, et cordialement à tous les membres du Congrès.

En répondant à mon invitation et en choisissant Saumur pour y tenir les assises de votre 77o Congrès, vous vous êtes souvenus qu'en cette partie du val de Loire il y a beaucoup à voir pour les savants que vous êtes, beaucoup à découvrir pour les chercheurs avisés si nombreux dans vos rangs, beaucoup à expliquer aux profanes que nous sommes.

J'ai dit: Vous vous êtes souvenus... En effet, la salle où nous sommes réunis en ce moment a déjà voici 48 ans connu pareille réception : c'était en 1862, lors de la « jeunesse >>>

de votre Société qui, depuis, a toujours grandi sans jamais vieillir.

M. de Caumont, votre vénéré fondateur, disait alors, à la séance d'ouverture du 29 Congrès archéologique, rappelant le Congrès de 1841, tenu en Anjou, ce que nous pouvons redire à

notre tour:

"Depuis lors, bien des publications ont vu le jour, bien des Congrès ont eu lieu, et pourtant, il reste tant à faire encore. « que le XX' siècle ne pourra vraisemblablement pas achever la << tâche, entreprise il y a plus d'un siècle, de décrire les monu<<ments anciens de l'Anjou, d'en reconnaitre toutes les vicissi«tudes, d'en indiquer toutes les dates ».

M. de Caumont voyait juste: le pays angevin est, entre tous, riche en monuments de haut intérêt. Des voix plus autorisées que la mienne vous diront, mieux que je ne saurais le faire, la valeur et l'attrait de notre château, si fièrement dressé sur le coteau dominant la Loire, de l'église de Nantilly, de l'abbaye de Fontevrault, du dolmen de Bagneux, des basiliques de Cunault et du Puy-Notre-Dame, des arènes de Doué-la-Fontaine, de la motte féodale de Vihiers,... la liste pourrait s'allonger encore.

Permettez-moi seulement de rappeler que si l'archéologie est une science où les Français ont brillé, les Angevins ont pris une place dans ce concert national.

Depuis longtemps, en effet, il s'est trouvé, pour admirer, protéger, découvrir nos monuments, en France, souvent en Anjou même, une phalange d'hommes justement réputés comme les premiers du monde érudit, légitimement estimés comme de vaillants travailleurs et de véritables artistes.

Nous devons un souvenir particulièrement ému au fondateur de votre Société, Arcisse de Caumont, qui sut le premier faire partager son goût pour nos trésors artistiques nationaux, grouper les amateurs d'art, former, guider et stimuler les érudits locaux pour protéger les monuments maltraités du temps, de l'indifférence et de l'ignorance.

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Comme le disait avec raison à Caen,en 1908, votre éminent Président, M. Eugène Lefèvre-Pontalis : « Ce qui caractérise l'œuvre de

M. de Caumont, c'est la lutte contre le vandalisme! Au moment

où il a fondé la Société française d'Archéologie, les ruines

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s'amoncelaient de toutes parts... Il se dévoua à la tache de découvrir, puis de faire connaître et apprécier les monuments du temps passé à ceux qui avaient mission de les sauvegarder et de les entretenir, et il porta par toute la France la bonne

parole archéologique, créant les Congrès, les animant de sa foi

«<et de son talent, fondant le Bulletin Monumental qui est un de ses titres de gloire ».

Vers le même temps, en 1840, l'impulsion une fois donnée, le Service des Monuments historiques était en voie de formation et l'on y voyait entrer Viollet-le-Duc.

Ce nom seul suffit pour évoquer un immense effort du génie français, tout un monde de recherches, de travaux, de restaurations pour les principaux édifices de notre art du moyen âge.

De Caumont et Viollet-le-Duc symbolisent en quelque sorte le mouvement intellectuel d'où sortirent en France, dès la première moitié du XIXe siècle, les études d'archéologie médiévale. Le premier, initiateur de vocation, obtint pour son œuvre de conservation le concours désintéressé, enthousiaste des historiens, des artistes et même des simples amis des vieux âges, dispersés sur tous les points du territoire comme les monuments mêmes dont la commune admiration les réunissait.

Le second, savant fécond et technicien de premier ordre, donna aux recherches et aux travaux force, ampleur et méthode, leur assurant ainsi durée et continuité.

Notre Anjou fournit sa part d'intelligence et de travail dans ce grand mouvement de l'archéologie naissante.

Je ne puis me dispenser de citer ici en passant un Saumurois : Bodin, éclaireur lointain, dont les intéressants ouvrages montrent ce qu'il en coûte de négliger la méthode historique.

Mais j'ai hâte de prononcer le nom d'un homme que beaucoup d'entre vous ont connu dans sa verte vieillesse et auquel me rattachent de vivaces souvenirs d'affection familiale : Victor GodardFaultrier, le chercheur, l'archéologue avisé à qui, parmi tant de travaux, nous devons L'Anjou et ses monuments et le Répertoire Archéologique, qui reflètent l'esprit élevé, clair, net, précis, et la fine bonhomie de leur auteur. Victor Godard-Faultrier, fondateur du Musée Saint-Jean, a longtemps personnifié l'archéologie angevine; son souvenir est resté, restera vivant dans votre

Société et parmi ceux qui creusent en Anjou le même sillon que lui.

Il n'est pas le seul que nous ayons plaisir à évoquer aujourd'hui devant vous: son contemporain, Aimé de Soland, suivait la même voie et fondait le Bulletin Historique et Monumental de Maine-et-Loire.

A la même époque, depuis 1854, travaillait près de GodardFaultrier et d'Aimé de Soland, Célestin Port, archiviste de Maine-et-Loire, devenu membre de l'Institut. Célestin Port, dont le Dictionnaire, célèbre parmi nous et dans le monde savant, constitue un monument impérissable; Célestin Port, qui a renouvelé l'histoire de la Vendée angevine; Célestin Port, dont l'énorme labeur, dont la rigueur scientifique, la conscience intransigeante, l'humeur spirituellement caustique ou aimablement enjouée, marquent la physionomie d'un relief inoubliable dans notre histoire locale.

Tous les Angevins cultivés ont connu Parrot et d'Espinay en appréciant les consciencieux ouvrages de ces travailleurs infatigables.

Tous les Saumurois se souviennent de Jolly-Leterme, architecte de l'école de Viollet-le-Duc, auquel nous devons la belle restauration de l'Hôtel de Ville.

Après un incomplet hommage à ceux qui ne sont plus, il convient de chercher à rendre justice aux vivants. La France du XX' siècle n'oublie pas plus que celle du XIX les œuvres d'art du temps passé, et les archéologues contemporains se montrent en Anjou toujours pleins de zèle et de talent dans leur travail de recherches patientes, de protection éclairée et de restauration artistique.

J'adresse tout d'abord un salut hautement sympathique et déférent à M. Lucien Magne, professeur à l'École des BeauxArts, inspecteur général des Monuments historiques, un des premiers architectes artistes de notre temps. Il appartient à la lignée « des Magne», il suit la route droite et belle que lui tracèrent son aïeul et son père, il continue plus loin, plus haut' ce qu'ils commencèrent si bien. Savant, artiste, il s'est révélé écrivain clair et précis, comme seul un Français sait l'être en étudiant les Grecs. Grâce à son étude sur le Parthénon, tout

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