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et d'autres archéologues à sa suite ont déclaré que ce texte s'appliquait aux peintures que nous avons décrites. Que l'abbé Girard ait reconstruit son église à la fin du XIe siècle, cela parait à peu près certain. Mais il ne s'ensuit pas que la porte de la salle capitulaire et les arcades du cloître aient été élevées de son temps.

Du reste, l'examen même des arcades nous prouve que cette partie du monastère, où se révèle très manifestement l'influence de l'école poitevine, n'a pu être édifiée à la fin du XIe siècle. Il faut, selon nous, l'attribuer au second quart ou au milieu du XIIe siècle. Il suffit, pour en être convaincu, d'examiner avec soin les détails d'ornementation des chapiteaux, des colonnettes et des archivoltes. Il y a là une richesse de motifs décoratifs et en même temps une liberté dans l'exécution de certaines figures humaines ou d'animaux qui sont très frappantes (1). Il est encore une raison pour laquelle la date que nous proposons peut être acceptée: un texte nous apprend que Robert de La Tour-Landry, abbé de Saint-Aubin de 1127 à 1154, fit exécuter des travaux assez importants. C'est à lui qu'on attribue la pose de la première pierre, en 1130, de la magnifique tour édifiée au devant de l'entrée de l'église et qui aurait été terminée l'année même de sa mort (1154). Ni le style du monument, ni le caractère de ses sculptures ne contredisent ces dates (2). Dès lors, on est en droit d'émettre l'hypothèse que c'est ce même

(1) Parmi les sujets sculptés, notons: Balaam et l'ânesse, des scènes de la vie de Samson, le combat de David et Goliath, des anges, des guerriers, les travaux des mois, des animaux fantastiques, des centaures, des syrènes, etc. A la porte du réfectoire, on reconnaît le Combat des Vertus et des Vices, Moïse, Aaron, l'Agneau mystique, etc. Cette porte accuse d'une façon encore plus nette l'influence de la décoration des églises du Poitou.

(2) Cf. A. Planchenault: La tour Saint-Aubin, dans Angers-Artiste, 14 janvier 1899; L. de Farcy: La tour Saint-Aubin, dans le Bulletin Monumental, 1906, p. 550, et Mémoires de la Société nationale d'agriculture, sciences et arts d'Angers, 1907, p. 83.

abbé qui fit élever ou commencer la porte de la salle capitulaire et les arcades du cloître. Celles-ci seraient donc bien du second quart ou du milieu du XIIe siècle.

Quant aux peintures, elles paraissent contemporaines ou de très peu postérieures à l'arcade qui les encadre. Elles accusent une certaine habileté dans la façon de rendre les gestes, les attitudes et les expressions. Le dessin est assez souvent tracé avec justesse. La scène où les trois rois s'avancent vers Hérode mérite tout particulièrement d'être citée à ce point de vue. Si l'on se reporte au fragment du manuscrit de la Vie de saint Aubin, on verra que l'art a fait un pas de plus et qu'il est réellement impossible d'assigner aux deux œuvres presque la même date (1).

Nous conclurons donc que le texte commenté pour la première fois par Marchegay en 1846 ne peut convenir aux curieuses peintures de l'arcade de Saint-Aubin. Il n'y a aucun doute à ce sujet et nous sommes surpris que même récemment certains archéologues d'un réel mérite n'aient pas réfuté une erreur qui se répète depuis plus d'un demisiècle.

(1) Nous ajouterons que l'architecture du donjon qui représente la ville de Jérusalem est une preuve de plus pour reporter les peintures au milieu du XIIe siècle.

IX

LES PEINTURES MURALES DU MOYEN AGE

Dans les anciens diocèses du Mans et d'Angers (1)

Par M. Lucien LÉCUREUX.

Depuis quelques années, des circonstances fortuites ou d'heureuses initiatives ont amené la découverte de nombreuses peintures murales dans le territoire de l'ancien

(1) Cet article est essentiellement consacré à l'ancien diocèse du Mans, mais nous aurons à faire plusieurs incursions sur le territoire de l'ancien diocèse d'Angers, en particulier pour parler de l'église d'Azé et de la chapelle de la Rouaudière. Ces deux édifices, où nous avons fait des constatations intéressantes, se trouvent dans la Mayenne. Citons quelques peintures du Maine-et-Loire. On connaît à Angers les peintures du cloitre Saint-Aubin. Il y a un fragment du XIVe siècle à Saint-Martin. Les peintures de Pontigné ont été relevées pour le Musée du Trocadéro. Celles de la Haye-aux-Bonshommes ont fait l'objet d'une étude dans la Revue de l'Art chrétien, 1899. Signalons les études de M. le chanoine Urseau lues aux réunions des Sociétés des Beaux-Arts des départements: La chapelle du château de La Sorinière, 1906; Les peintures du plafond de la salle des gardes au château du Plessis-Bourré, 1909; Les peintures murales de l'ancien couvent de la Baumette, même date. Nous connaissons l'existence de peintures murales sous le badigeon à La Saillette. D'intéressantes peintures murales non classées existent au Lué et mériteraient une étude. Nous remercions l'éminent archéologue angevin M. de Farcy, qui a bien voulu nous les signaler.

diocèse du Mans. Dans ce territoire, qui comprend, outre la Sarthe et les deux tiers de la Mayenne (1), une partie importante du Loir-et-Cher et des portions de l'Orne, de l'Indre-et-Loire et de l'Eure-et-Loir, on a vu souvent se superposer, du XIIe au XVIe siècle, un nombre considérable de peintures murales, dont quelques-unes occupent une place éminente parmi les témoins de l'art décoratif du moyen âge en France.

Il suffit de rappeler l'important groupe de la vallée du Loir étudié par M. Laffillée (2). Peu de pays présentent un pareil groupe de peintures murales. On voit réunies sur un espace de quelques kilomètres les églises à peintures de Poncé, Saint-Jacques-des-Guérets, Bonneveau, Artins, Saint-Gilles de Montoire, où un magnifique Christ du XIIe siècle couronne Castitas et Patientia, Lavardin; le fragment de Villavard, près de Lavardin, dont nous parlerons plus loin. A Thoré, une des dernières paroisses de l'ancien évêché du Mans, dans la direction de Vendôme, existent sous le clocher des fragments de peintures du XIVe siècle. Mentionnons enfin comme souvenir la commanderie détruite d'Artins.

Nous ne prétendons pas cependant que l'ancien diocèse du Mans se soit trouvé particulièrement privilégié à cet égard. Dans toute la France du moyen âge la peinture murale a été très répandue, et on ne saurait trop répéter qu'elle a constitué pendant des siècles la forme la plus populaire de l'art religieux, pénétrant dans la moindre église bien plus facilement que la sculpture ou le vitrail. C'est donc à titre d'exemple que nous voudrions esquisser un historique du mouvement de découverte des peintures murales pour le territoire qui nous occupe. En faisant voir dans quelles

(1) Le reste de la Mayenne appartient à l'ancien diocèse d'Angers. (2) La peinture murale en France avant la Renaissance, conférence... par M. Henri Laffillée, Paris, Hatier, 1904, p. 16-59.

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conditions se sont trouvées révélées ou, hélas! détruites un

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