Page images
PDF
EPUB

VII

RAPPORT

SUR

LES TOMBEAUX TROUVÉS DANS LE TRANSEPT

DE L'ÉGLISE ABBATIALE DE FONTEVRAULT

Le 14 Juin 1910

Par M. L. MAGNE.

Après démolition du mur qui barrait l'entrée du chœur et qui formait doublure contre la pile nord-ouest de la croisée, est apparu un faux enfeu peint sur le parement. Sa décoration comprenait dans le tympan trois écussons sur un chef, ayant pour tenants deux animaux à demi effacés, paraissant être des léopards d'or; sur le fond, étaient des croix à branches égales, aussi en or, sur un fond noir; au-dessus, une ligne d'inscriptions porte, en partant du côté nord, un nom effacé terminé par un T (Élisabeth (?), puis: Richard, Aliénor, Henri.

Ce sont donc bien les noms des quatre personnages de la famille des Plantagenets, dont les effigies subsistent encore et sont déposées dans la chapelle du croisillon sud.

Cette indication sur la muraille semble bien, d'après le caractère des inscriptions, se rapporter au premier transfert des Plantagenets, qui eut lieu au XVIe siècle, à l'époque de la Réforme de Louise de Bourbon. Les noms indiquaient sans doute les emplacements des cercueils de pierre où étaient déposés les ossements.

J'avais ordonné que les fouilles fussent continuées dans le sol, au pied du pilier, et on m'avait signalé la découverte : 1o D'une tombe de pierre adossée à la colonne portant l'arc-doubleau qui sépare la nef du transept.

2o De quatre cercueils de pierre, orientés de l'ouest à l'est, et qui touchaient presque le pilier sur lequel étaient les inscriptions.

Il est donc très vraisemblable, d'après la position des cercueils mis à découvert, que les quatre cercueils adossés au pilier du côté de la nef étaient ceux des Plantagenets, dont l'inscription donne les noms.

En soulevant les pierres qui les recouvraient et qui, faites de plusieurs morceaux, paraissaient provenir d'un remaniement, nous avons reconnu que le premier cercueil, celui qui. par sa place, correspondrait à la sépulture d'Henri Il Plantagenet, avait été raccourci du côté de la tête, ainsi qu'en témoignaient les ossements et le crâne rapportés sur la partie inférieure du corps; les côtés de la tombe ont été recoupés pour trouver en largeur la place nécessaire.

Les deux cercueils du milieu, ceux qui, d'après leur position, devraient être attribués à Aliénor et à Richard Cœur de Lion, sont compris sous une sorte d'arc formé des débris sculptés et peints d'un enfeu du XIVe siècle. Le dernier cercueil, qui pourrait être celui d'Élisabeth d'Angoulême, est en dehors de la protection de ces débris d'enfeu.

Dans ces quatre cercueils, les débris des ossements paraissent être à peu près à leur place, bien que certainement les tombes actuelles aient été l'objet d'un remaniement au XVIe siècle, comme l'attestent les inscriptions servant à les repérer.

J'ai ordonné que ces quatre tombes soient recouvertes par des dalles de pierre et défendu qu'on touchât aux osse

ments.

La tombe découverte la première, au pied de la colonne de l'arc-doubleau, a un tout autre aspect: c'est une cuve rectan

gulaire de trop faible longueur pour avoir pu contenir un corps; elle était, dans la partie supérieure, à moitié remplie de décombres, mais sous les décombres nous avons recueilli en grand nombre des fragments de cuir percés de clous qui les attachaient au bois d'un coffret, et aussi un très petit nombre d'ossements: le crâne n'y figurait pas. Parmi les débris étaient de nombreuses pièces de ferrures. On peut en conclure qu'on avait, à l'époque où fut faite cette tombe de pierre, réuni des ossements d'un personnage qu'on voulait honorer particulièrement, car on l'a placé à l'entrée du chœur, et ces débris avaient été enfermés dans un coffret doublé de cuir et consolidé par des bandes de fer plat.

Le tympan au bas duquel sont les inscriptions faisait partie d'un décor architectural caractérisé par les ornements à crossette et feuillage de la moulure des formerets et des ogives qui devaient constituer un édicule au-dessus des tombeaux.

L'emplacement est si réduit qu'il est permis de se demander si les figures surmontant les sarcophages pouvaient toutes les quatre être comprises dans la largeur du pilier; d'autre part, quelle peut être la raison de l'établissement. d'un arc de protection constitué à l'aide de débris du XIVe siècle. S'agissait-il de porter un autel adossé au pilier? C'est ce que pourra nous apprendre l'assemblage de débris retrouvés dans les déblais.

En résumé, il semble bien que les fouilles de ce jour nous aient révélé les modifications faites au moment de la réforme du XVIe siècle.

Il y a lieu maintenant de procéder à de nouvelles fouilles dans le chœur, pour retrouver les traces du mausolée édifié à la mémoire des Plantagenets par l'abbesse Jeanne-Baptiste de Bourbon, et dont les dessins de Gaignières nous conservent la fidèle reproduction.

VIII

QUELQUES ŒUVRES DE PEINTURE

Exécutées à l'Abbaye de Saint-Aubin d'Angers

DC IX AU XII SIÈCLE

Par M. Amédée BOINET.

Nous nous proposons d'étudier dans cet article quelques manuscrits à miniatures et quelques peintures murales exécutées à l'abbaye de Saint-Aubin d'Angers, de l'époque carolingienne au début du XIIe siècle. Les plus anciennes peintures dont nous avons à parler se rencontrent dans les manuscrits.

Le monastère de Saint-Aubin a possédé au moyen åge une riche bibliothèque, dont la formation et l'accroissement s'expliquent par l'existence de l'école qui s'y était créée. De ces collections, une partie est heureusement conservée à la bibliothèque municipale d'Angers. Sans doute, au cours des siècles, la précieuse librairie avait subi bien des pertes, et lorsqu'en 1798 le dépôt d'Angers fut ouvert au public, plus d'un des volumes catalogués par Montfaucon dans la Bibliotheca bibliothecarum manuscriptorum avait disparu. Mais nous avons encore relevé cependant 210 manuscrits environ qui portent l'ex-libris de Saint-Aubin et parmi eux il en est de très importants au point de vue

paléographique et littéraire (1). Plus de quarante, en outre, remontent au IX ou au Xe siècle. Parmi ces derniers, quelques-uns méritent de nous arrêter un instant.

Nous indiquerons d'abord en quelques lignes une Bible latine en deux volumes (n°s 1-2). Elle a été étudiée pour le texte par Samuel Berger, dans son Histoire de la Vulgate (2), et paraît avoir été copiée à Tours. On y remarque en effet la demi-onciale si caractéristique des manuscrits exécutés dans les ateliers tourangeaux. La décoration se compose uniquement d'initiales ornées fort simples, avec entrelacs de couleur. Cette Bible, qui peut être considérée comme un des plus anciens produits de l'école de Tours, date de la première moitié du IXe siècle (plutôt vers 820-830).

Il en existe une seconde (nos 3-4) qui est en rapports assez étroits avec elle et qui renferme en outre des peintures et une décoration des plus curieuses. On y retrouve aussi la demi-onciale tourangelle, mais, comme S. Berger l'a fait remarquer, « le manuscrit semble être imité de ceux de Tours et le tome Ier copié directement, peut-être après une rapide correction, sur la première Bible. On peut considérer comme à peu près certain que la première Bible était à Saint-Aubin d'Angers dès la seconde moitié du IXe siècle et on est en droit de regarder la seconde comme un type de l'art angevin de ce temps » (3). Cette dernière observation est tout à fait juste, comme nous allons le prouver.

Les deux volumes qui forment la seconde Bible comptent 309 et 323 feuillets à deux colonnes et mesurent 496 sur 368 millimètres environ. La demi-onciale qu'on y rencontre çà et là (fol. 1, 105 vo, 132, etc.) n'a pas la régularité et la

(1) Voir le Catalogue publié en 1863 par A. Lemarchand et celui d'Aug. Molinier dans le t. XXXI, 1898, du Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France.

(2) P. 220-226, 235 et suiv., 241, 255, 332, 341, 343 et suiv., 363 et 375. (3) Histoire de la Vulgate, p. 221. Voir aussi p. 255, 332, 341 et suiv. et 375.

« PreviousContinue »