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Malgré son état lamentable, l'église abbatiale du Ronceray, qui marque une étape dans l'histoire de l'architecture romane, est un édifice d'une importance capitale, comme celles de Beaulieu-les-Loches et de Saint-Étienne de Nevers, parce que son constructeur avait été capable de voûter toutes ses parties vers la fin du XIe siècle. En outre, ses particularités permettent de la rattacher aux origines de l'école poitevine, dont l'influence rayonna sur toutes les provinces voisines. Avant d'analyser sa structure et de discuter les dates de ses remaniements, il est utile de dépouiller les textes qui nous donnent quelques points de repère historiques (1).

(1) BIBLIOGRAPHIE. Histoire Gallia christiana, t. XIV, col. 695. – Marchegay (Paul): Cartularium monasterii beatæ Mariæ caritatis Andegavensis, dans les Archives d'Anjou, t. III, 1854, p. 1. Lemarchand (A.): Notre-Dame-Angevine par Joseph Grandet († 1724), 1884, P. 123. Port (Celestin): Dictionnaire historique, géographique et biographique de Maine-et-Loire, 1874, t. I, p. 69. — Dom Piolin: Étude sur Notre-Dame de la Charité ou du Ronceray, dans la Revue d'Anjou,

Dès le VIe siècle, une basilique mérovingienne dédiée à la Vierge s'élevait au-dessus d'une crypte dans le faubourg d'Outre-Maine. Saint Melaine, archevêque de Rennes, y célébra la messe en 529, assisté de saint Aubin, évêque d'Angers, de saint Victor, évêque du Mans, de saint Laud, évêque de Coutances, et de saint Mars, évêque de Nantes (1). Au XIe siècle, cet édifice tombait en ruines, lorsque Foulque Nerra, comte d'Anjou, et sa femme Hildegarde résolurent de fonder l'abbaye de Notre-Dame de la Charité sur le même emplacement. Le nom de Ronceray ne fut donné au monastère qu'en 1527, après la découverte d'une statue de la Vierge, entourée par une ronce, dans la crypte actuelle, qui fut déblayée à cette époque.

Le 14 juillet 1028, l'église abbatiale des Bénédictines fut solennellement consacrée par Hubert de Vendôme, évêque d'Angers (2), qui avait célébré trois ans plus tôt la dédicace de sa cathédrale. Foulque Nerra avait affecté quatre prêtres au service du culte, et il avait donné l'ordre de conserver l'autel de la crypte primitive, célèbre par le souvenir de la messe de saint Melaine (3). Après la mort du célèbre comte d'Anjou, décédé le 21 juin 1040 et inhumé à Beaulieu

t. XXIII, 1879, p. 1 et 169. ceray, 1895.

Bretaudeau (L'abbé): Notre-Dame du RonArchéologie: D'Espinay: Le Ronceray, dans le Congrès archéologique d'Angers, 1871, p. 64. Chapiteaux de la crypte du Ronceray, dans le Bulletin Monumental, 1875, p. 577. Urseau (Le chanoine): Église abbatiale du Ronceray, dans le Congrès archéologique d'Angers-Saumur, 1910, t. I, p. 207.

(1) Acta Sanctorum, janvier, t. I, p. 332.

(2) Halphen: Recueil d'Annales angevines et vendômoises, p. 3 et 107. Marchegay: Cartularium, etc., dans les Archives d'Anjou, t. III, p. 3. (3) Hanc beate Marie basilicam usque ad fundum erutam a fundo paulo nobilius reduximus ad integrum: reservato tamen altari quod usque ad presentem diem apparet desubtus in criptis in quo beatus Melanius in quadragesime capite sacrato Christi corpore, missa expleta, electo Dei Albino Victori, Launo, Marso eulogiam caritatis contradidit et hoc hanc causam ab hinc locus iste nomen Caritatis optinuit ». Marchegay: Cartularium, etc., dans les Archives d'Anjou, t. III, p. 1.

les-Loches, sa femme Hildegarde et son fils Geoffroy Martel firent d'importantes donations aux religieuses (1).

Comme les habitants de la Doutre devenaient de jour en jour plus nombreux, la construction d'une église paroissiale sous le vocable de la Trinité devint une véritable nécessité. Agnès, femme de Guillaume Tête-d'Étoupe, contribua généreusement à cette œuvre et l'édifice, bâti au sud-est de l'église abbatiale, fut consacré le 21 avril 1062 par quatre évêques (2). En 1894, on a reconnu l'existence de ses murs primitifs et de deux fenêtres romanes au nord, dans la cour de la sacristie.

L'incendie du bourg Sainte-Marie, qui eut lieu au commencement de l'année 1088 (3), suffit à expliquer la reconstruction presque totale de l'église du Ronceray, dont le maître-autel fut consacré le 7 septembre 1119 par Calixte II. Le pape, qui s'était rendu à Fontevrault et à Saint-Maur-deGlanfeuil, se fit assister par les évêques d'Angers, de Léon et de Nantes, qui célébrèrent la dédicace de l'église après la messe. Les reliques de saint Pancrace et de saint Gatien, qui se trouvaient dans l'ancien autel, plus rapproché de la nef, furent transférées dans le nouveau, qui s'élevait au fond de l'abside (4). Vers le milieu du XIIe siècle, l'absidiole

(1) Cartularium, etc., dans les Archives d'Anjou, p. 5 et 7. (2) Halphen: Recueil d'Annales angevines, p. 63.

(3) Ibid., p. 6 et 89. Marchegay: Chronique des églises d'Anjou,

p. 14.

(4) « Ingressus ecclesiam sancte Dei genetricis Marie altare dominicum, ab introitu januarum elongatum, ut majus esset spatium inter januas et altare sancti, spiritus unctione et apostolica benedictione in honore ejusdem virginis consecravit capsa que in altari plena reliquiis reperta fuerat ibidem resigillata in qua sancti Pancracii martiris et Gaciani Turonensis episcopi reliquie indubitanter fuere recundite... Peracta dedicatione ipse cantavit missam... Tunc pontifices jussu ipsius, ecclesiam dedicaverunt ». Marchegay: Cartularium, etc., dans les Archives d'Anjou, t. III, 12. Cf. autres textes dans Grandet: Notre-DameAngevine, p. 444.

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du croisillon sud fut englobée dans l'église de la Trinité, qui fut reconstruite après l'incendie de 1132 (1): sa nouvelle façade vint buter contre le croisillon sud du Ronceray.

Il ne faut pas s'étonner de ne rencontrer la mention d'aucun travail exécuté à l'époque gothique, car l'église était si solide qu'elle ne fut l'objet d'aucun remaniement, sauf l'addition d'une petite chapelle du XIVe siècle à chevet plat et à pignon tréflé dans le croisillon nord, visible sur un dessin de Gaignières, qui a reproduit également les deux tombeaux des abbesses de Civray et de Chambes (2), mortes au XIVe siècle (3). L'effigie de la première était gravée au trait sous une arcade trilobée et la statue de la seconde était surmontée d'un dais; ses pieds s'appuyaient sur un lion. Le 21 février 1470, le roi René d'Anjou offrit aux religieuses une châsse d'argent magnifique qui renfermait une croix d'or enrichie de pierreries, où le pape Paul II avait fait incruster du bois de la Vraie Croix (4). De 1505 à 1518, Louise Le Roux, camérière, fit exécuter onze tapisseries qui représentent les figures de l'Eucharistie dans l'Ancien Testament, son institution et les miracles opérés par ce sacrement. Cette belle série, qui échappa au pillage des huguenots, décora jusqu'en 1888 les salons du château du PlessisMacé (5).

Vers 1620, on refit la charpente pour englober sous le même toit la nef et les bas-côtés, ce qui entraîna l'exhaussement du pignon de la façade. A la même époque, les

(1) Halphen: Recueil d'Annales angevines, p. 69 et 96.

(2) On ne trouve aucune mention de ces abbesses dans la Gallia christiana.

(3) Bibl. nat., Cabinet des estampes, Topographie de la France, Maineet-Loire, t. I.

(4) Grandet (Joseph): Notre-Dame-Angevine, ms. publié par A. Lemarchand, p. 450.

(5) Aujourd'hui, l'une des tapisseries se trouve au château de Langeais, une autre aux Gobelins et les trois autres sont conservées au château de la Colletrie, près d'Angers.

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Plan de l'église du Ronceray.

E. Chauliat, del.

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