Page images
PDF
EPUB

OPPIDA PRIMITITS ET CAMPS ROMAINS DANS LE TARN-ET-GARONNE. 77

permis d'avancer que chaque tribu possédait une place de guerre où elle se réfugiait pour résister aux attaques d'un ennemi trop puissant, et que l'étendue de cet oppidum était toujours en rapport avec l'importance de la tribu. Ces places de guerre sont telles que pouvaient alors le comporter le défaut des moyens de construction et l'ignorance absolue de l'art de bâtir. Elles consistent tout simplement en plateformes artificielles, circulaires, elliptiques, carrées ou même irrégulières, élevées sur un point culminant de la région habitée par la tribu. Ces terrasses offrent, en général, au pied des talus, un fossé large et profond. Le bord supérieur des talus devait probablement, comme dans les places de guerre de la Nouvelle-Zélande, qui semblent appartenir à une civilisation identique, être protégé par un ou deux rangs de palissades.

Je passe maintenant aux oppida que j'ai observés cette année.

1° L'oppidum du Paillas (commune de Puygaillard-de-Quercy), situé sur le faîte de la colline qui sépare les ruisseaux du Gouyre et de la Vaysse, surplombe une gorge assez profonde qui descend au premier de ces ruisseaux. Il est de forme ovale et son grand axe mesure 45 mètres, tandis que son petit axe n'en mesure que 35. La hauteur de ses talus varie de 3 mètres 75 à 6 mètres 50. Une ceinture de silos règne au pied des talus (voir le dessin n° 1).

2o L'oppidum de Castelmayran a des proportions autrement considérables. Assis sur les escarpements qui dominent la rive droite de la Sère et le ravin de Garde-Boué, il commande un vaste plateau à peu près triangulaire, circonscrit par la Sère, les ruisseaux de Tartassègues et de Sabatou et, à la base du triangle, par la chaîne de collines qui borde la rive droite du ruisseau du Gat. Sa forme est à peu près circulaire, et son diamètre ne mesure pas moins, en moyenne, de 380 mètres. Ses talus sont d'une hauteur proportionnée, et s'élèvent sur certains points au-dessus de 15 mètres, tandis qu'ils ne descendent jamais au-dessous de 12. Les approches de cet oppidum sont protégées, du côté du sud, où le ravin du Gat se prêtait si bien à une surprise, par une grande motte élevée au

sommet de la colline, et servant à la fois de vigie et de poste avancé (voir le dessin n° 2).

3° L'oppidum de Montgaillard s'élève à la gorge d'une sorte de promontoire qui s'avance au-dessus de la vallée du Camezon, et commande le plateau resserré qu'occupent le village de Montgaillard et le hameau des Carboués. Il a la forme d'un rectangle aux angles légèrement arrondis. Son grand axe mesure 66 mètres 50 et son petit axe 25 mètres seulement. La hauteur de ses talus varie de 10 à 12 mètres. On remarque encore jau pied des talus, du côté du nord, les restes d'un large fossé (voir le dessin no 3).

4o Le camp romain de Balignac, qui surveille les deux voies antiques d'Auvillar à Saint-Clar et d'Auvillar à Mauvezin, occupe le point culminant du plateau qui s'étend entre les vallons du Camezon et de l'Ayroux. Sa forme est celle d'un rectangle un peu irrégulier et sa longueur, en y comprenant les fossés, est de 150 mètres, tandis que sa largeur moyenne est de 100 mètres environ. Il est entouré d'un fossé profond, dont la largeur primitive, d'après ce qu'il en reste sur la face orientale, atteignait 12 mètres. Partout ailleurs les riverains l'ont retréci par leurs empiétements au point de le réduire, en certains endroits, à 3 mètres seulement. L'agger assez bien conservé n'avait guère moins de 4 mètres de hauteur, mais la culture l'a abaissé de plus de moitié sur divers points. On remarque à l'intérieur du camp, mais adossée à la face méridionale, une grande motte haute de 11 mètres et dont le diamètre, à la base, est de 35 mètres environ. C'est là qu'était dressé le prætorium ce qui permettait au général d'embrasser du regard toute l'étendue du camp. On retrouve la même disposition dans le camp de Saint-Porquier (voir le dessin n° 4).

Il paraît qu'après l'abandon du camp de Balignac, qui appartient évidemment à la catégorie des camps temporaires, cette enceinte fut utilisée pour l'établissement d'une grande villa galloromaine. J'y ai vu, en effet, parmi les débris que la charrue avait récemment ramenés à la surface, des blocs de béton, des briques de puits, des tuiles à rebords et de ces quarts de rond en brique

dont on se servait pour construire des colonnes, à cause de la rareté de la pierre. Du reste, le lieu porte encore le nom de La Salle, qui, dans le Tarn-et-Garonne, caractérise la plupart des villas romaines. Le petit village de Balignac, à l'entrée duquel le camp est situé, est désigné, dans les anciens documents, par le nom de Balniacum et Balnihac. Le premier nom ne serait-il pas une corruption de Balneacum et ne dériverait-il pas de Balnei (bains)? Ce qu'il y a de certain, c'est que cette désinence en acum trahit une origine gallo-romaine. Il était, en effet, d'un usage assez général dans le Midi de la Gaule qu'un domaine portât le nom de son possesseur, avec une légère modification consistant dans le changement de l'us final de ce nom en acum, dérivé du celtique ac, qui signifierait, suivant les uns cours d'eau, suivant les autres habitation : acception qui me paraîtrait préférable à la première. Cette transformation si simple est surtout palpable dans le poème (Carmen VII) où Sidoine Appollinaire, dépeignant la somptueuse résidence que son beau-père Avitus possédait dans une des belles vallées de l'Auvergne, et où il vivait en Cincinnatus en attendant son élévation à l'empire, donne à cette riche villa le nom d'Avitacum.

5o Le camp romain de Castera-Bouzet appartient également à la catégorie des camps temporaires. Situé au centre du plateau qui sépare le ruisseau de Maynard de celui d'Asques, et dominant un ravin où coule un petit affluent du ruisseau de Maynard, il s'élève au milieu du triangle formé par les trois grandes voies de Toulouse à Auvillar, d'Auch à Cahors, et de Montauriol à Lectoure. C'est de son nom latin Castra, que le village voisin a pris, en adoucissant la dernière syllabe, son nom de Castera, auquel dans la suite on a ajouté celui des Bouzet, seigneurs du lieu. Sa forme est rectan gulaire et sa longueur est de 150 mètres, comme à Balignac ; mais il est moins large, puisqu'il n'a en moyenne que 63 mètres. D'une régularité parfaite, il semble au premier abord divisé en deux camps distincts, l'un plus grand que l'autre, séparés par un large fossé, mais cependant compris dans la même enceinte. Chacun de ces camps est, en effet, complètement entouré d'un agger de 3 à 4 mè

80 OPPIDA PRIMITIFS ET CAMPS ROMAINS DANS LE TARN-ET-GARONNE.

tres de hauteur, dont la présence, en admettant l'existence d'un camp unique, paraît assez inexplicable, du moins pour les faces qui dominent le fossé intérieur de séparation. Malgré cette singularité dont je ne connais point d'autre exemple, je ne pense pas qu'il faille voir un double camp dans le camp de Castéra-Bouzet. Il est assez probable que la petite enceinte n'est autre chose que la partie haute réservée, dans les camps romains, au prætorium, aux tentes des tribuns et des préfets des troupes auxiliaires et aux cavaliers d'élite qui formaient la garde du général. La grande enceinte formant la partie basse du camp, aurait alors été occupée par les tentes des centurions et par les troupes d'infanterie et de cavalerie placées sous les ordres de ces officiers. L'espace de 11 mètres de largeur, qui s'étend entre les deux enceintes et que bordent de chaque côté les talus de celles-ci, a bien toutes les apparences d'un grand fossé, mais il ne saurait en réalité être autre chose que cette grande rue nommée via principalis, qui traversait les camps romains d'un bout à l'autre et les divisait en deux parties. Le fossé qui entoure le camp de Castéra a été l'objet de nombreux empiétements de la part des riverains; on voit toutefois, par la largeur qu'il a conservée sur certains points, qu'il n'avait pas moins de 10 mètres. Quant à la superficie des deux enceintes, elle est de 14 ares pour la partie haute du camp et de 28 ares 20 centiares pour la partie basse (voir le dessin n° 5).

[graphic]

chelle de 01 mil pour 01 mere

Vue Plan et Coupe de L'OPPIDUM du PAILLAS, Commune de Puygaillard

[blocks in formation]
« PreviousContinue »