Page images
PDF
EPUB
[graphic][merged small][merged small][subsumed][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]

48

Fi

Fi

ORFÈVRERIE DU MOYEN-AGE.

ENCENSOIR D'AMBIALET (TARN).

UAND un archéologue a le bonheur de rencontrer, dans le cours de ses investigations, un de ces précieux objets d'art du Moyen-Age, véritables épaves arrachées au double fléau du mauvais goût et de la

node qui ont englouti sans retour tant de chefsd'œuvre, orgueil des siècles passés, il éprouve une émotion réelle. Dans l'église aujourd'hui dépouillée, il a découvert un objet d'orfèvrerie délaissé, et, remontant le cours des âges, sa pensée repeuple l'antique sanctuaire et lui rend sa jeunesse et sa beauté primitives. Sur l'autel orné d'une croix précieuse, aux cabochons étincelants, brillent les châsses émaillées; les fenêtres ne laissent pénétrer qu'un demi-jour à travers les verrières chatoyantes. Les images des saints sont retracées sur les murs et les voûtes, et, suspendue devant l'autel, une couronne de lumière symbolise la céleste Jérusalem. Enfin, le prêtre s'avance vêtu d'une chape trèsample, aux plis majestueux; il tient dans ses mains une monstrance et est précédé de deux accolytes qui balancent des encensoirs richement travaillés.

Telles étaient les pensées qui agitaient notre esprit un jour où nous rencontrâmes dans l'église de Notre-Dame-du-Prieuré ou Notre-Dame-de-l'Oder, l'encensoir qui fait l'objet de cette notice.

Ce précieux objet en cuivre fondu et doré, d'un diamètre de 0 m. 10 c., haut de 0 m. 17 c., réalise assez bien les prescrip

tions de Théophile, moine du XIIe siècle, pour fabriquer des encensoirs (1).

Examinons d'abord le couvercle. Au sommet une tour pentagonale, percée de fenêtres cintrées, surmonte trois petites tours également ajourées d'ouvertures carrées à toits imbriqués. Audessous, on voit six tours, alternativement rondes et carrées. Les tours rondes, ajourées dans leur partie inférieure, ont un toit imbriqué, surmonté d'une tourelle ronde percée de 8 ouvertures et terminée par une boule: la partie à jour représente dans une des tours des griffons affrontés, séparés par des feuillages; dans une autre, on voit aussi des quadrupèdes à tête d'aigle affrontés; sur la troisième sont figurés deux personnages, également dans des enroulements de feuillage.

Les trois tours carrées possèdent aussi un toit imbriqué formant un pignon peu aigu, surmonté d'une boule. La portion inférieure est ajourée; sur une d'elles, on voit un personnage assis sur un lion dont il ouvre la gueule. Ne serait-ce point l'image de Samson? La seconde tour offre la représentation d'une chimère, coiffée d'un bonnet phrygien; enfin, sur la troisième est un dragon ailé à tête de léopard.

Passons à la partie inférieure de l'encensoir ou cassolette. Elle est d'une magnifique conservation et forme un curieux enchevêtrement de figures humaines, de monstres remplissant l'office de caryatides, de quadrupèdes, d'oiseaux, de masques, de léopards et de têtes de lion. Dans ce petit espace, nous avons compté treize figures enlacées dans des rinceaux de feuillage formant un ensemble des plus riches.

Le pied est en cuivre uni et moderne.

Trois chaînes, fixées au-dessous des tours rondes et une à la tour centrale, soulèvent le couvercle ou le laissent retomber sur les cassolettes.

(1) Thophili, Diversarum artium schedula, lib. III. cap. LX (trad. du comte Charles de L'Escalopier. - Paris, 1843, in-4o, pag. 207 à 216).

Quel est, au point de vue du symbolisme, la signification de ces animaux : lions, dragons, chimères, maintes fois répétés sur notre encensoir? Nous ne saurions avoir en pareille matière de meilleur maître que M. Didron, de regrettable mémoire.

Les gargouilles jouent un rôle pénible; elles dégorgent sans < relâche l'eau qui tombe du ciel et descend des toits. On y a « vu des démons ou des harpies condamnées à ce supplice perpétuel. Le dragon, qui est une bête diabolique (conculcabis ◄ leonem et draconem), serait également condamné, comme dans <les encensoirs, à se brûler le ventre sur la calotte incandescente < ou à s'asphyxier à l'épaisse fumée de l'encens....... L'inscrip⚫tion importante gravée sur le fameux chandelier de GLOCES< TER paraît bien confirmer cette opinion (1). Ce chandelier en <argent est tout couvert, au pied, à la tige et à la cuvette, de < quarante deux bêtes et de neuf hommes qui hurlent, mordent <et rongent. Or, sur la lèvre de la bobêche, on lit une inscription <d'une clarté douteuse, mais où l'on voit bien distinctement que l'homme ne doit pas se laisser aveugler par le mal (2).

Les léopards, dragons, griffons, etc., de notre encensoir nous paraissent réaliser le même symbolisme que les monstres du chandelier de Glocester.

Quant à l'époque de sa fabrication, après l'avoir comparé avec le célèbre encensoir dit de Lille, nous ne pouvons pas assigner à ce meuble d'église une date plus récente que la fin du XII ou les premières années du XIIIe siècle.

L'église de Notre-Dame-de-l'Oder, qui possède encore cet encensoir, est un édifice roman à trois nefs, bâti sur un roc escarpé, dans une presqu'île formée par les méandres de la rivière du Tarn, en amont d'Albi. La position est des plus sauvages. Il y avait jadis un prieuré dépendant du chapitre de la cathédrale de Mont

(1) Mélanges d'Archéologie, par le R. P. Arthur Martin, t. IV, pag 279 à 281. (2) Annales Archéologiques, t. XXII, pag. 47 et 48.

« PreviousContinue »