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à la charte de 1155. Passons maintenant aux autres constructions en commençant par l'aile de l'ouest.

D'après Aymery de Peyrac, elle aurait été construite par Bertrand de Montaigu, qui occupa la chaire abbatiale de Moissac de 1260 à 1295 Castrum de Sancto-Nicholao de novo opere ampliavit (1), dit-il. Son autorité a ici d'autant plus de valeur qu'environ un siècle après, il écrivait sa chronique dans le château même de Saint-Nicolas (2). On voit par ce texte que Bertrand de Montaigu agrandit le château d'un nouvel ouvrage. Quel était cet ouvrage? Nous n'hésitons pas à répondre que ce ne peut être que l'aile de l'ouest; en effet, elle n'est nullement liée aux constructions adjacentes; la bâtisse nouvelle, juxtaposée d'abord à l'ancienne, s'en est séparée par le tassement, et la disjonction nulle au bas a acquis progressivement plus de largeur, tellement qu'au sommet des murs elle est de 20 centimètres, et cela sans une seule lézarde ni un seul arrachement. Passons maintenant aux caractères architectoniques. A chacun des angles extérieurs et tout-à-fait en saillie s'élève une tour carrée, ayant 4 mètres de côté seulement et d'une élévation prodigieuse; quoique abaissées, elles conservent encore de 25 à 28 mètres de hauteur au-dessus du sol sur lequel elles sont assises. Elles sont reliées entre elles par le mur du bâtiment qu'elles flanquent. Ce grand mur a été percé à plusieurs reprises, depuis le XVIe siècle, de croisées de toutes formes qui en ont dénaturé l'aspect primitif, mais il conserve encore deux des ouvertures de l'époque; elles sont à plein cintre, de forme très-allongée, ressemblant à des meurtrières et situées à une très-grande hauteur; au-dessus un cordon en forme de tore se prolonge sur toute la façade; un machicoulis à arcature cintrée est attaché à la tour de l'angle nord. A demi-hauteur on voit sur chacune des tours une fenêtre bouchée et à plein cintre; au sommet se trouvent deux autres ouvertures de forme ogivale; et, donnant sur le chemin de ronde aujourd'hui .

(1) Chron. d'Aymery de Peyrac, fo 166 ro.

(2) Ad castrum de Sancto-Nicholao, ubi presens resideo, in hoc compendio operam prestans. Chron. d'Aymery de Peyrac, fo 144 ro.

disparu, mais dont le système est très-visible, s'ouvrent deux portes, dont le sommet en accent circonflexe est formé par la réunion de deux grandes briques formant linteau. Au-dessus, les tours sont percées sur chacun des quatre côtés de deux baies en forme de créneau et éclairant une pièce haute qui a dû servir de guette. Sur le retour de l'aile au nord, on voit encore une meurtrière à arbalette d'une parfaite conservation.

Comme conclusion de la description que nous venons de faire de cette partie du château de Saint-Nicolas, nous croyons pouvoir dire que son auteur est bien Bertrand de Montaigu, et qu'elle a été construite dans la deuxième moitié du XIIIe siècle.

Il nous reste maintenant à étudier l'aile de l'est; mais nous n'avons pas, comme pour la précédente, de document écrit qui nous guide pour fixer l'époque de sa construction; nous allons cependant essayer de prouver que, postérieure aux constructions qui étaient debout en 1135, elle est néanmoins antérieure à l'aile de l'ouest.

Nous rechercherons ensuite entre ces deux époques la cause qui a pu amener sa construction, et nous espérons pouvoir établir qu'elle remonte au temps où Richard-Coeur-de-Lion occupait Moissac, et que ce dut être sous sa direction que cette première addition fut faite au château primitif.

La construction qui nous occupe est remarquable par son appareil, qui ne se retrouve dans aucune des autres parties du château, et forme avec elles un contraste frappant. Les briques, moins grandes que celles du mur du nord, sont plus grandes que celles de l'aile de l'ouest; elles sont noyées dans un bain de ciment grossier au moins aussi épais qu'elles-mêmes et de la plus grande solidité. Cette aile venait joindre le corps de logis du nord; un contrefort que l'on voit encore ajoute à sa solidité. La partie du sud venait s'adosser à la tour que nous avons décrite, laissant cette dernière former saillie pour commander la courtine; l'angle se défendait lui-même.

L'aile et la tour intérieure étaient des constructions de date différente; ces parties ont, il est vrai, disparu, mais des témoins

oculaires m'ont affirmé qu'un intervalle existait entre les deux bâtisses; de plus, l'angle entier de l'aile et le retour du mur qui venait s'appuyer à la tour s'effondrèrent tout-à-coup, sans que cette dernière en éprouvât aucun dommage et sans un seul arrachement, ce qui me paraît tout-à-fait concluant.

Passons maintenant à l'examen de la construction. Une seule trace d'ouverture se voit encore dans le mur du levant; elle est à plein cintre, placée très-haut et d'une certaine dimension.

La tour est remarquable de conservation: elle a 6 mètres de côté; un peu plus basse que celles de l'ouest et assise sur un sol beaucoup plus élevé, elle est évasée à la naissance, afin sans doute d'augmenter la solidité de son assiette, et de mieux découvrir les assaillants qui auraient voulu tenter la sape à sa base. Une meurtrière longue et étroite s'ouvre au pied sur le fossé du nord, quelques rares ouvertures semblables à des meurtrières, mais agrandies depuis, éclairaient seules son intérieur, tandis qu'une grande porte romane à deux archivoltes donnait accès sur les remparts du levant, qui communiquaient, selon toute apparence, avec l'autre tour située à l'extrémité intérieure de l'aile; elle était couronnée par des moucharabis aujourd'hui détruits, mais dont les consoles démolies ont laissé des traces incontestables.

Ne reconnaît-on pas dans cette sobriété de détails, dans ce parti pris de ne rien laisser à l'ornementation pour tout consacrer à la solidité et à la défense, ne reconnaît-on pas, dis-je, le caractère normand? Cet évasement du bas de la tour, afin de rendre l'approche plus difficile, n'est-il pas aussi un caractère particulier? Remarquons encore que cette construction, en communication avec la tour intérieure, formait un système de défense complet. Le constructeur de cette partie du château ne laissa aucune communication avec les autres ouvrages; si ces derniers eussent été pris, il suffisait de se renfermer dans l'aile de l'est, et l'assiégeant vainqueur était obligé d'entreprendre un nouveau siége plus difficile que le premier. Les remparts devaient être munis de hourds; de plus, la tour extérieure par sa forte saillie les défendait extérieure

ment, tandis qu'à son tour celle de l'intérieur, placée dans les mêmes conditions, tendait au même résultat. Tels sont les caractères architectoniques de cette partie du château; et, d'après eux, nous croyons avoir démontré que, postérieure aux constructions qui étaient debout en 1135, elle est cependant antérieure à l'aile de l'ouest.

Recherchons maintenant si les données historiques ne viendront pas à l'appui du but que nous nous sommes proposé, c'est-à-dire de prouver que l'aile de l'ouest n'a pu être bâtie que pendant l'occupation de Moissac par Richard duc d'Aquitaine, et plus tard roi d'Angleterre.

En l'année 1147, après la mort de Saxetus, Odon II, qui devint vicomte de Lomagne, prêta à Gérard, abbé de Moissac, aux moines et aux habitants de Saint-Nicolas, le même serment qu'avait prêté son prédécesseur, touchant la ville et le château de SaintNicolas (1). De cette époque à l'année 1183, nous ne connaissons aucnn document qui puisse nous indiquer la cause des dissentiments qui durent cependant s'élever entre les contractants. Mais à cette dernière date, Aymery de Peyrac, dans sa chronique, dit que Bertrand, abbé de Moissac, fit un accord avec les habitants de Saint-Nicolas, pour la construction et la défense d'un château situé dans un lieu qui conserve encore de nos jours le nom de Moutet (2). Ce fort, situé à environ un kilomètre de la ville, et sur la route que suivait le vicomte de Lomagne, ne pouvait être qu'un moyen défensif en vue de ses attaques; il est donc certain que le bon accord avait cessé de régner entre le vicomte et les habitants.

Odon II, qui se qualifiait vicomte par la grâce de Dieu, vécut jusqu'à l'année 1198. Durant son long règne, trouva-t-il que son droit de suzeraineté sur Saint-Nicolas avait des bornes trop restreintes? L'abbé de Moissac et les habitants se refusèrent-ils à ses

Cart. de l'abbaye de Moissac.

(1) Archives départementales. (2) Idem anno m. clxxxjjj. fecit conventiones cum hominibus de Sancto-Nicholao de constructione mote castri et custodia ejusdem castri. - Chr. d'Aymery de Peyrac, fo 63 vo.

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