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prétentions? C'est ce qu'il nous est permis de croire, et ce qui est certain, c'est que son successeur Vesian II était en hostilité avec eux, et que le château, qui fut construit alors, était destiné à résister aux attaques qui venaient de son côté. La mésintelligence durait encore lorsque, en l'an 1188, Richard duc d'Aquitaine s'empara de la ville de Moissac.

Les savants auteurs de l'histoire du Languedoc établissent que Moissac resta en la possession de Richard, depuis l'année 1188 jusqu'en 1196; leur opinion est que ce fut là sa dernière conquête, et que les seize châteaux qu'il prit aussi et qui ne sont pas nommés dans les chroniques du temps, se trouvaient tous situés entre Moissac et Cahors, c'est-à-dire en Quercy (1).

Malgré cette autorité, nous nous sommes demandé si SaintNicolas ne pourrait pas être compris dans ce nombre. Et, dans le cas contraire, Richard étant dans l'intention, comme l'indique la trève de Bonmoulin, de conserver le Quercy et Moissac, sa ville frontière, dut se montrer jaloux d'étendre sa domination sur toutes les propriétés de l'abbaye; et comme les prétentions de Vesian II de Lomagne sur Saint-Nicolas étaient la cause de luttes et d'hostilités entre lui, les moines et les habitants de Saint-Nicolas, pour rendre plus difficiles les tentatives du vicomte sur cette ville, Richard dut en augmenter les fortifications.

Les inductions que nous venons de tirer de l'invasion de Richard nous paraissent d'autant plus naturelles, que l'intérêt du duc d'Aquitaine s'y trouve. En effet, possesseur de l'Agenais et de la majeure partie de la Gascogne, nous le voyons en 1190 confirmer les priviléges de l'abbaye de Grandselve; comment aurait-il négligé la possession du château de Saint-Nicolas, qui, placé sur la rive gauche de la Garonne et en face de son confluent avec le Tarn, pouvait devenir un point fort important?

Mais recherchons si notre construction n'a pas pu être bâtie

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Histoire de Languedoc, édition annotée par M. du Mège, t. V,

antérieurement à 1188. Si les habitants de Saint-Nicolas et l'abbé de Moissac firent construire un château à un kilomètre de leur ville, ils ont tout aussi bien pu augmenter les fortifications de leur propre château; telle est l'objection qui se pose tout naturellement et à laquelle nous ne pouvons nous rendre. Le château du Moutet a complètement disparu, et nous pensons que cette construction peu importante n'était qu'un poste avancé, destiné à protéger quelques habitations, groupées dans ce lieu, contre l'invasion de petites bandes de pillards, qui, profitant des dissentiments du vicomte, venaient faire la course sur les pays frontières. Mais ce qui a plus de valeur, ce sont les caractères architectoniques. Ces flanquements par la forte saillie des tours, les moucharabis qui couronnent celle qui nous occupe, son évasement dans la partie basse, sont des moyens complètement ignorés encore par les moines et les habitants des campagnes. Les défenses qui leur sont propres, ce sont les murs en terre, que nous voyons du reste prodigués dans les fortifications. de notre ville et de son château.

Une autre objection: Henri II, roi d'Angleterre et père de Richard, revendiquant les droits de sa femme Éléonore d'Aquitaine sur le comté de Toulouse, guerroya 12 ans avec Raymond V; l'Agenais en entier fut conquis; des villes et des châteaux de notre voisinage furent pris et repris; Moissac, Castelsarrasin, Verdun-sur-Garonne tombèrent aux mains des Anglais, qui menacèrent plusieurs fois Toulouse. Ces longues hostilités, mêlées de négociations et de trèves n'aboutirent cependant pour nos contrées à aucune de ces conquêtes d'une certaine stabilité, qui aient pu permettre à Henri II d'élever des constructions telles que celles de notre château; rien ne nous autorise donc à les lui attribuer.

Voyons maintenant si, pendant les temps qui suivirent l'année 1196, époque à laquelle Moissac fut restitué au comte de Toulouse, quelque autre circonstance a pu motiver la construction qui nous occupe. Serait-ce entre cette date et la guerre des Albigeois? et par qui alors? par le vicomte de Lomagne? Ni les moines, ni les habitants ne l'eussent permis. Serait-ce ces derniers? Nous croyons

pouvoir opposer les mêmes caractères architectoniques que précédemment. Serait-ce encore durant la guerre des Albigeois? Ce ne peut être par Simon de Monfort après la prise de Moissac, car il suivit dès-lors une autre direction et ne s'étendit pas dans nos contrées.

Pour ne rien laisser en arrière, signalons encore une tradition, continuée jusqu'à nos jours, qui donne à notre tour le nom de Tour des Anglais, et disons que cette tradition ne peut se rapporter aux guerres du XIVe siècle, le caractère seul de la porte romane s'y oppose formellement.

Nous voici arrivé à la fin de notre étude; aurons-nous fait adopter par l'esprit de nos lecteurs l'opinion que nous venons d'émettre? nous osons l'espérer. Notre but, en publiant ces notes, a été surtout d'attirer l'attention sur un lieu oublié, et de tâcher d'empêcher que plus tard une démolition semblable à celle qui eut lieu en 1849, ne vienne faire disparaître ces vieux témoins des temps passés. Si le château eût été alors connu des archéologues, la destruction de la tour du XIe siècle, témoin des franchises de notre ville, n'eût pas été possible, et ce qui fut alors considéré comme un obstacle aux nouveaux agencements, aurait été au contraire considéré comme l'honneur de notre cité.

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