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poussé soit par l'accroissement de la population, soit par l'esprit d'aventures, l'homme entama cette région mystérieuse et encore inexplorée des marais et des forêts vierges. Il paraîtrait qu'il se résigna difficilement à perdre de vue ses chères montagnes jurassiques et calcaires, berceau des ancêtres, et qu'il resta longtemps étab sur la lisière de cette région qu'il s'était proposé de conquérir. Les collines miocènes et pliocènes du terrain tertiaire n'offraient ni cavernes ni abris, et l'homme, obéissant aux traditions rapportées de la montagne, dut suppléer par son industrie à ce défaut d'habitations naturelles en se creusant les souterrains que nous retrouvons aujourd'hui, et qui sont la reproduction perfectionnée des grottes naturelles de Bruniquer, Saint-Antonin, etc. Eh bien ! c'est justement dans la zone qui, sur une largeur d'environ huit kilomètres, touche au terrain jurassique et a calcaire grossier du terrain éocène, que ces souterrains artificiels se présentent en plus grand nombre, puisque, sur les 134 connus jusqu'à présent dans le Tarn-et-Garonne, cette zone en contient 81. Plus on s'éloigne des montagnes jurassiques et éocènes, en se rapprochant de la rive droite du Tescou, du Tarn et de l'Aveyron, plus les habitations troglodytiques deviennent rares; on n'en compte plus, en effet, dans cette seconde zone que 40, qui, réunies à celle de la première, donnent un chiffre total de 121. Elles finissent par disparaître à peu près dans la région qui s'étend à la gauche du Tescou, du Tarn et de la Garonne. En effet, les 13 autres sont éparpillées ainsi qu'il suit: 4 entre le Tescou et le Tarn, 3 entre le Tarn et la Garonne et 6 au-delà de ce dernier fleuve.

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Je m'arrête aussi bien ai-je maintenant fourni, je le crois du moins, tous les éléments propres à donner à cette question si importante de l'habitation primitive de l'homme la seule solution qui lui convienne. C'est au public à juger aujourd'hui lequel des deux, de vous ou de moi, s'est laissé aller au trop facile et trop attrayant plaisir des suppositions, et s'est trop hâté de conclure << en interprétant des faits incomplètement connus et en invoquant « des hypothèses qui n'étaient qu'ingénieuses. »

L'HABITATION SOUTERRAINE DE BONREPOS.

COMMUNE DE SAINT-NAUPHARY.

Pour donner une idée de nos habitations troglodytiques, mets sous les yeux du lecteur un plan du souterrain de Bonrepos, découvert, le 16 février 1870, sur le domaine de M. le baron de Vialar. La galerie par laquelle on y pénètre en ce moment, et qui primitivement devait se prolonger de manière à englober le silo qu'on remarque à quelques mètres en avant de l'entrée, regarde le nord-quart-nord-ouest. Après un parcours de quatre mètres environ, elle se bifurque.

A gauche, l'entrée du corridor offre un système de défense trèsordinaire dans ces sortes d'habitations. Ce sont deux larges rainures perpendiculaires creusées dans les parois du corridor et propres à recevoir un barrage en bois, qu'on épaulait à l'intérieur au moyen d'autres pièces de bois arrêtées dans les angles formés par le rétrécissement du corridor en arrière des rainures. Le corridor ne tarde pas à se détourner à angle droit dans la direction. du nord-quart-nord-ouest, et donne ensuite accès dans une chambre rectangulaire de 10 mètres carrés, dont la porte est ornée d'une moulure et dont la paroi offre, à droite de la porte, une niche d'éclairage.

De retour à la bifurcation, on entre dans une galerie, au plan très-incliné, creusée à droite du nord-est au sud-ouest. Près de l'ouverture et en contre-haut du sol, on voit à gauche un placard à provisions, de 1 mètre 05 cent. carrés, contenant encore des détritus de matières végétales; plus bas, deux rainures perpendiculaires pour le barrage du corridor. Un peu au-delà, cette galerie se bifurque à son tour. La branche de droite conduit à une chambre rectangulaire de 5 mètres 88 cent. carrés, dans un angle de la

quelle s'ouvre un boyau long et étroit qui va joindre la branche gauche de la galerie au détour que fait celle-ci pour aboutir à une troisième chambre, dont le grand axe est dirigé de l'ouest à l'est. Ce boyau avait évidemment pour but de permettre aux individus renfermés dans la deuxième chambre de passer sans danger dans la troisième, où se trouve une galerie de fuite, au cas où le barrage du corridor aurait été forcé par un ennemi.

Cette troisième chambre, de forme rectangulaire comme les précédentes et mesurant 9 mètres carrés, possède, au sommet de la voûte, un soupirail rond et vertical pour la ventilation du souterrain. A gauche s'ouvre un corridor long de 30 mètres, que des éboulements obstruent à l'extrémité opposée. Cette galerie, qui servait à assurer la fuite des habitants du souterrain lorsque la résistance n'était plus possible, suit d'abord la direction du nordnord-ouest, et, passant au-dessous de la galerie principale vers le point où elle se bifurque pour la première fois, disposition que je n'ai encore rencontrée nulle autre part, elle tourne vers le nordOuest-quart-ouest. Elle offre d'abord, à gauche, une niche d'éclairage, puis un bassin assez long et profond creusé de main d'homme entre deux sortes de trottoirs étroits, et constamment alimenté par une faible source; enfin deux rainures perpendiculaires propres à recevoir une barricade.

Bien que le souterrain de Bonrepos n'ait pas encore été déblayé, on y a néanmoins recueilli d'assez nombreux fragments de poteries grossières, identiques à celles des dolmens. Sur plusieurs points, mais surtout dans la galerie qui conduit à la première chambre, on remarque les traces admirablement conservées de la hache de pierre, reconnaissables au renflement voisin du tranchant, et partout ailleurs celles du petit pic en bois de cerf, au sillon court et arrondi.

MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE.

MOSAIQUE DÉCOUVERTE A LILLEBONNE.

Monsieur J. Bailliard, bibliothécaire de la ville du Hâvre, et moi nous avons fait à Lillebonne, arrondissement du Hâvre, la reconnaissance d'une magnifique mosaïque gallo-romaine qui, à en juger par la portion découverte, doit être un morceau unique. A Lillebonne, cela n'a rien qui doive nous étonner, car c'est, pour la région du nord de la France, la ville dans laquelle on a fait les découvertes les plus intéressantes.

Au commencement de ce siècle, l'abbé Rever y commençait les fouilles du théâtre romain qui se dresse fièrement encore, avec ses immenses gradins, en face de la grande route de Caudebec. Peu après, le même explorateur rencontrait à peu de distance la statue en bronze doré de six pieds qui orne aujourd'hui le Musée du Louvre; Emmanuel Gaillard découvrit ensuite le Balnéaire, dans les ruines duquel se trouva une belle statue en marbre blanc qu'il crut celle de Faustine. M. A. Deville vint ensuite analyser les inscriptions et les cippes funéraires du cimetière. A M. Deville succéda notre savant concitoyen, M. l'abbé Cochet, qui explora avec un succès remarquable le cimetière en 1852, et fit en 1868 la rencontre d'une riche sépulture isolée dont il rendit compte dans la Revue des Sociétés savantes. En 1867, le cimetière du Mesnil se montra de nouveau avec des sépultures plus riches que jamais. Le Moniteur de l'Archéologue a rendu compte sommairement des découvertes que nous y fimes. La plus importante était celle des miroirs sphériques en verre étamé. Tous ces précédents nous autorisaient donc à attendre beaucoup de la nouvelle découverte; et, jusqu'ici, cette attente n'a pas été trompée.

La mosaïque est de grandes dimensions. En la supposant carrée, elle doit avoir en tout, au moins, six mètres de côté. Les deux compartiments que nous avons vus laissent voir, sur le premier, un cerf retenu par un serviteur, derrière lequel on aperçoit un personnage armé d'un instrument emmanché qui paraît devoir servir à achever un animal blessé mortellement. Derrière encore, on voit deux chiens qui semblent par leur attitude attendre que la bête soit lancée.

Sur le deuxième compartiment, on assiste à l'épisode du cerf poursuivi. Un chasseur ajuste l'animal en tendant son arc pour lui décocher une flèche. Ce sujet est parfaitement conservé.

Le milieu de la pièce n'étant pas dégagé, nous ne pouvons dire ce qu'il renferme. Nous avons aperçu une section de courbe à l'intérieur de laquelle se lit une inscription ainsi conçue :

TSENFILIXCPUTEOLNVSFEC

Et qui peut s'expliquer par :

T. SEN. FILIX. CIvis puteolanus feCIT. T. sen. Filix (ou Felix), citoyen de Pouzzoles, fecit. Cette inscription donne le nom de l'artiste auquel on doit la mosaïque et le nom de sa ville natale. (Pouzzoles, en Italie).

L'origine italienne de l'artiste, la facture de son travail, qui n'a rien d'hellénique dans le dessin des figures, sont une nouvelle preuve que l'on ne doit point voir dans chaque morceau un peu important rencontré dans la Gaule romaine, une production grecque. La mosaïque paraît dater de la fin du deuxième siècle de notre ère. A cette époque l'art grec avait certainement perdu sa signification individuelle, et les Grecs avaient dû se trouver à Rome à peu près sur le même pied que les Romains, auxquels ils avaient d'abord enseigné leurs traditions artistiques.

Les travaux continuent. Sous peu nous aurons, sans doute, à donner de nouveaux détails non moins intéressants que ceux qui nous ont été déjà révélés.

CH. ROESSLER.

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