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ferrure de la porte du château qu'il devait construire à Montauban. Une bulle du pape Eugène IV, du 23 juin 1145, montre qu'à cette époque le manoir comtal était encore en voie de construction.

L'enceinte de ce château, qui formait deux grands corps de bâtiments séparés par un vaste jardin, comprenait la Maison d'Arrêt, les maisons contiguës de la rue du Pont, et l'Hôtel-de-Ville actuel avec la partie de la rue et les deux maisons qui lui font face. Je m'occuperai seulement du corps de logis que la Mairie a remplacé. Située sur le bord du Tarn, à droite de l'embouchure du torrent de la Pissote, qui se jetait alors dans la rivière par le ravin dont on a fait depuis le jardin inférieur de l'Hôtel-de-Ville, cette partie du château comtal portait le nom de Castellare (château-fort), ainsi que l'atteste un document du 5 juillet 1168 (de aqua Tesconis usque ad Pissotam que est inter CASTELLARE domini comitis et castellare Bernardi Ramundi. - Archives de Montauban, série AA, Livre Rouge, fo 21 v°). Les restes des anciens murs montrent que la façade de ce manoir, du côté de la rivière, était alors parallèle aux remparts de la ville, qui suivaient une direction oblique, au lieu de faire, comme aujourd'hui, un angle droit avec le pont, qui, du reste, n'existait pas encore. Lorsque le comte Raymond VII, vaincu et trahi, dut subir les humiliations. du traité de Paris (12 avril 1229), et raser entre autres les fortifications de Montauban, cette partie de son château fut démantelée, et il n'en reste aujourd'hui que des fondements, quelques pans de murs qu'on raccorda depuis avec les constructions actuelles, des galeries souterraines, une base de colonnette romane avec empattements finement sculptés, et un modillon roman en pierre, consistant en une tête de guerrier qu'on a encastrée dans la tourelle contiguë au pont, et que le peuple, sous l'impression de la légende fantastique des quatre fils Aymon, appelle encore la Tête de Renaud.

Cent trente-un ans après, la ville de Montauban fut cédée à l'Angleterre par le fatal traité de Brétigny (8 mai 1560). Sur l'injonction du roi Jean, elle dut ouvrir ses portes à Jean Chandos, lieutenant-général du roi d'Angleterre, qui en prit possession le 20

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Cuverture moderne

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PLAN

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janvier 1362. Le Prince-Noir, à qui son père fit don, le 29 juillet suivant, du duché d'Aquitaine, ayant, quelque temps après (juin 1368), par ses exactions, soulevé, dans nos contrées, une irritation des plus violentes, se hâta de prendre des précautions pour s'assurer de la ville de Montauban, en relevant le vieux château des comtes de Toulouse, ainsi que l'atteste le passage suivant d'une ancienne enquête : « Du temps que les Anglois occupoient icelle < ville de Montauban,... ung prince de Galles fist faire et bastir < ledit chasteau, ou le commencement qui est, pour y cuider faire < habitation et lieu pour soy tenir, et mettre en subjection les habi<tans de ladite ville. » (Archives de Montauban, série DD, original en papier, liasse 21). Mais il avait compté sans l'énergie de nos aïeux, qui, dans les premiers jours de juin 1569, chassèrent la garnison anglaise. « A cause de la réduction dudit pays faicte au

roy nostre dit sire, ajoute l'enquête, ledit chasteau, qui est tant « seullement un corps de mayson encommencé, qui tant seullement du cousté de la ville n'est hors de terre que environ dix ou doutze « pams (2 m. 30 à 2 m. 76 c.), demeura ainsi imparfaict. » Cet édifice inachevé, « au-dedans duquel, dit encore l'enquête, y a << quelques chambres voultées soubz terre, pour ce qu'est basti

contre le bort de la rivière de Tarn passant contre lesdites « murailles,... où y a de gros aneaulx de fer pour attacher les < bateaulx, reçut dès-lors le nom de Castel-Nuo (château-neuf) qu'il porte dans deux titres du 14 novembre 1395 et du 7 janvier 1451 (Archives de Montauban, série GG, Livre de la Pitancerie de Saint-Théodard, f° 2, et Livre Bironis, N, fo 118), et qu'il a conservé jusqu'à sa reconstruction par l'évêque de Bertier.

Ces murs où devait s'étaler le faste des ducs d'Aquitaine reçurent, aussitôt après l'expulsion des Anglais, une destination telle, que la plume est tentée de biffer cette page immonde de l'histoire du Château-Neuf. En effet, pendant un siècle et demi, les salles voûtées du manoir anglais servirent de repaire aux voleurs et aux courtisanes. Le deppousant a veu, dit l'enquête, les filles public<ques se retirer dans ladite mayson, et demeurer dans quelques

< caves voultées que a dans lesdites murailles, en y faisant plu<< sieurs meschancetés et choses deshonestes,... et les larrons y cacher les larrecins. Et par plusieurs foys, ledit deppousant y a <«< veu venir les consulz et autres justiciers de ladite ville, tant de « nuyt que de jour, que trouvoient illec plusieurs choses qu'avoient << esté desroubées et cachées par les larrons. A la longue, les désordres finirent par acquérir une telle gravité, que, sur la protestation réitérée des habitants, le sénéchal de Quercy chassa, en 1520, les courtisanes du Château-Neuf.

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Si la morale publique reçut ainsi une éclatante satisfaction, le sort du vieux manoir n'en fut guère amélioré, et ses murs de nouveau déshonorés virent, ajoute l'enquête, les habitans cir< cunvoisins de ladite mayson et chasteau tenir tous les jours, dans <ladite mayson, leurs pourceaulx et y aller faire journellement « leurs immundices et femiers, comme en ung lieu publique et « abandonné, tellement que desjà toutes lesdites murailles sont <combles et que pour la grand immundicité et puantise que y est, < n'est homme que y ause entrer. »

Pour en finir avec une situation aussi intolérable, les consuls de Montauban résolurent de reprendre les constructions au point où les Anglais les avaient laissées, et d'y transférer l'Hôtel-de-Ville : heureuse pensée qui ne devait être réalisée qu'environ trois siècles après! Ils adressèrent donc au roi, en 1527, une requête pour être autorisés « à faire parachever ledit édifice ainsi encomencé, < pour servir tant à la fortification de ladite ville, que aussy à y « faire une Maison-Comune pour servir à la communaulté de ladite « ville. » François Ier, par ses lettres patentes du 5 août 1527, ordonna aux trésoriers de France d'ouvrir immédiatement une enquête de commodo et incommodo sur l'utilité de la cession du Château-Neuf. Cette enquête eut lieu, le 30 septembre suivant, devant Gaillard de Lacroix, viguier royal de Montauban, et il en résulta« que ce seroit l'honeur et prouffit du roi et de la ville « qu'icelle mayson fust parachevée pour la fortification et défense « du cousté et endroit de la rivière et port: et qu'à la vérité ladite

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