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sante, quy puisse et doibve succeder au deffunt, aprés qu'il sera ainsy cogneu et preuvé, que lesdictz biens luy soinct entierement randuz.

58° Item, voullons et reservons à nous, pour le droict de simple clameur, cinq soulz causans, payables par celluy quy sera vendu en justice (1). Que s'il y a clameur pour debte, et dans quatorze jours à compter despuis la clameur denoncée le debteur paye et satisfaict à son creancier, il ne sera teneu payer aulcune chose pour ladicte clamenr. Et s'il y a aucung doubte sur ladicte denonciation, qu'il en soict demeuré à la relation du sergant confirmée par son

serement.

59° Item, voullons que, avant exiger lesdicts cinq soulz causans de clameur sur celluy quy perdra sa cause, il soict plus tost satisfaict à partye.

60° Item, voullons et ordonnons que quiconcques prandra, de jour, aulcungz raisins ou aultres fruictz estant à aulthruy, il paye, pour les decz, troys soulz causans, et, oultre ce, reppare le domatge qu'il aura donné. Que s'il a desrobé, de nuict, de verjus, raisins ou aultres fruictz, jusques à la valleur de doutze deniers causans ou plus, qu'il soict condampné envers nous en l'admande de vingt soulz causans, et paye le dommatge donné. Et sy lesdictz fruictz sont de moindre valleur que de doutze deniers, et qu'il les ayt desrobés de nuyct, qu'il soyt condampné en l'amande de cinq soulz causans pour les susdictz decz.

61° Item, quiconcques desrobera foin ou pailhe, soict de nuict ou de jour, qu'il paye au maistre quy aura esté desrobé ces intheretz, et à nous cinq soulz causans pour la justice.

(1) C'est-à-dire dont les biens seront vendus.

(La fin au prochain numéro.)

MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE.

LE TOMBEAU DE SAINT RAYMOND,

A MOISSAC.

On disait autrefois : Quiconque a beaucoup vu peut avoir beaucoup retenu, et quiconque a beaucoup retenu peut raconter beaucoup; mais je crois qu'aujourd'hui il serait difficile d'en dire autant. On voit beaucoup, mais on retient peu; on voyage, mais on n'observe pas; les touristes abondent, mais les conteurs s'en vont; les curieux pullulent, mais les érudits sont rares. « La jeunesse du XIXe siècle, a dit avec raison une tête couronnée, qui malheureusement ne l'est plus (1), élevée dans les doctrines desséchantes du matérialisme, se croit encore, il est vrai, tenue de voyager, mais il serait du plus mauvais genre de prendre intérêt à quoi que ce soit on n'a d'autre but que de comparer la différence des cuisines. du globe, et l'on bâille d'un air de hautaine indifférence devant les beautés immortelles que nos pères avaient la naïveté d'admirer. > Voilà pourquoi tant d'oeuvres d'art, léguées par les races qui ne sont plus, dorment souvent ensevelies dans l'ombre du passé et dans la poussière de l'oubli. Heureux celui qui peut les découvrir par la science! Heureux celui qui peut les montrer aux élus de l'art!

Aujourd'hui nous voudrions présenter aux archéologues, aux amateurs du bon vieux temps, aux chercheurs infatigables qu'un littérateur facétieux appelle les Cuvier du tesson, une de ces reliques d'autrefois que des moines ont laissées à notre admiration. Nous

(1) L'empereur Maximilien.

n'avons pas, à coup sûr, l'honneur de l'avoir découverte, mais nous voudrions avoir celui de la montrer à ceux qui ne la connaissent pas.

C'est un sarcophage de l'époque mérovingienne, qui se trouve à Moissac, au chevet de l'église Saint-Pierre, et qui est connu sous le nom de TOMBEAU DE SAINT RAYMOND (1).

La tradition lui a donné ce nom, parce qu'il a servi, au XIIIe siècle, à inhumer Raymond de Montpezat, abbé de Moissac, qui mourut en odeur de sainteté en l'an 1245, comme il conste par la Gallia christiana, où il est dit : « Obiit an. 1245, dominus Raymundus de Montepezato, abbas, et hoc ipso anno dominus Guillelmus de Bessens electus est, rexitque annis XVI. »

Or, ce tombeau a son histoire et sa légende. Comment pourraitil en être autrement? Il a traversé trop de générations pour qu'il n'ait pas laissé quelques traces dans leur souvenir.

Nous lisons, en effet, dans l'Histoire abrégée des Abbés de Moissac (2), qu'il était placé à gauche, dans l'église abbatiale, et qu'il reposait sur deux grosses colonnes de marbre blanc. Cette disposition était-elle prise ainsi pour permettre aux malades qui venaient invoquer saint Raymond, de passer sous son tombeau, afin d'en recevoir des émanations salutaires? Nous n'osons pas l'affirmer, mais il est bien certain que l'histoire est là pour attester que cet usage naïf s'est pratiqué au tombeau de certains saints. Celui qui nous occupe se trouvait encore au côté gauche, sous l'inscription en vers léonins qui rappelle la dédicace de l'église faite en 1065, quand éclata la révolution française. Il ne devait pas être épargné dans cette tourmente qui entraînait les mœurs, les rois, les dieux, les saints et les blasons. Les démagogues qui ne respectèrent pas même

(1) Le dessin de ce sarcophage, accompagné de quelques lignes descriptives, paraîtra dans notre prochain numéro. Nous publierons en même temps un tombeau du même genre, conservé à l'hospice de Lavaur. (Note de la Direction.)

(2) Cette histoire est manuscrite et se trouve entre les mains de M. le baron Hippolyte de Saint-Paul, qui a bien voulu nous la communiquer. Elle a été copiée par M. de Cardaillac, son grand-père, dans les documents d'un procès agité, en 1532, entre Jean de Narbonne, abbé de Moissac, et quelques-uns de ses moines.

les innocentes fleurs de lis placées en écusson aux clefs de voûte de l'église, le violèrent sans honte et jetèrent au vent les reliques qu'il renfermait. Il fut descendu du piédestal qui le supportait depuis des siècles, et porté dans un hôtel où il servait d'abreuvoir; mais Dieu qui veille sur la poussière des saints, permit que les chevaux qui vinrent y boire fussent frappés de mort des vieillards, dignes de foi, l'ont conté.

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Cette mortalité fit donner au sépulcre profané une nouvelle destination, qui fut peut-être moins profane on en fit un réservoir d'eau pluviale dans un jardin public, et c'est là que la Société du Cloitre, que pour son honneur nous voudrions bien voir renaître de ses cendres, comme le phénix, vint le racheter. Elle le remplaça par une auge de pierre que le jardinier estima tout autant, et le remit enfin à sa place primitive.

Aujourd'hui, il se trouve derrière le maître-autel, oublié dans la poussière et loin des regards des fidèles; mais, en revanche, il n'est pas oublié par les bonnes femmes du pays, qui quelquefois encore viennent le visiter d'abord et le râcler ensuite pour faire, avec la poussière qu'elles obtiennent, une tisane qu'elles croient souveraine contre les maux de tête. Cette croyance populaire n'est pas née d'hier elle remonte bien haut dans les traditions locales, et se trouve même consignée dans les archives de l'abbaye, qui disent quelque part Illum (sanctum Raymundum ) invocant qui laborant morbo capitis. Elle est écrite, du reste, je ne dirai pas en caractères, mais en traces ineffaçables, sur le couvercle du sarcophage. On peut y reconnaître encore les pieux larcins qu'a faits mille fois peut-être le couteau rustique d'une humble plébéienne, ou la lame historiée d'une dame bien damée. Dans tous les cas, elle établit d'une manière bien évidente la réputation de sainteté qui, jusqu'à nos jours,

!1) Nous devons une partie de ces détails à M. Laroque, conservateur du cloftre.

a suivi le souvenir de Raymond de Montpezat. Ce souvenir est encore vivant, et l'Histoire abrégée des Abbés de Moissac, citée plus haut, nous raconte un miracle qui lui donne une consécration toute particulière.

Il y est dit que, pendant l'administration de Raymond, la grêle ravagea, un jour d'orage, toutes les vignes qui entouraient l'abbaye. Désolés de ce désastre et persuadés que leur saint abbé leur rendrait ce qu'ils avaient perdu, les habitants de Moissac lui apportèrent deux ou trois grappes de raisin, échappées au fléau dévastateur; celui-ci les bénit, les fit jeter dans les trois grandes cuves du monastère et se mit en oraison pour que le Dieu qui donne l'accroissement les bénit à son tour. Au bout de quelques instants, par un prodige inouï, les cuves regorgèrent de vin, et les pauvres de la ville vinrent au plus tôt emplir leurs vaisseaux vinaires (1). On vit même, comme complément de la merveille, une colombe s'abattre sur chacune des cuves et becqueter la vendange bouillonnante. Or, comme au-dessus du médaillon qui renferme le monogramme du Christ, dans le sarcophage que nous étudions, se trouve une coupe dans laquelle viennent boire deux colombes, on n'a pas manqué de dire qu'elles étaient là pour rappeler ce grand miracle. Les naïfs qui ne connaissent pas la date du tombeau, et qui ne savent pas que cet emblême figure sur une foule de monuments de la même époque, pourraient croire à cette allusion symbolique (2). Mais le savant ne s'y trompe pas....... Si cependant l'on préfère supposer que ce symbole eucharistique qui représente les âmes fidèles buvant à la coupe de l'amour divin, a été sculpté après coup, tout s'expliquera facilement dans le sens de la légende. Nous ne nous y opposons pas, car le merveilleux nous sourit et nous avons toujours aimé les légendes.

C'est avec un vrai plaisir que nous parcourons ces traditions naïves, où l'imagination apporte ses créations poétiques et la religion. ses espérances consolatrices, et nous disons volontiers avec M. le

(1) Ce miracle est attribué aussi à saint Bernard de Clavo, en Espagne. (2) Voir l'Abécédaire de M. de Caumont, architecture religieuse, ère romane primitive.

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