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Ce serait une étude intéressante que d'analyser, dans ses ressemblances et ses différences, la constitution respective des communes, et de voir de quelle manière le principe moteur, l'élément nouveau s'y est appliqué aux anciens éléments d'organisation municipale, de quelle manière et dans quelle proportion il s'est combiné avec eux. (Aug. Thierry, Récit des temps mérovingiens.)

TEN, au milieu des documents du Moyen-Age qui sont venus jusqu'à nous, ne donne une idée plus exacte et plus complète des mœurs, des usages et des droits civils et politiques de nos pères, que les coutumes locales sous le régime desquelles ils ont vécu. Nous disons coutumes locales, car il n'y avait pas de ville, presque pas de village qui n'eût sa loi particulière, conférant aux habitants souvent des libertés très-étendues, parfois les réduisant à l'asservissement le plus misérable.

Ce régime, conséquence nécessaire de l'établissement de la féodalité, devait être attaqué comme elle. Les parlements lui portèrent

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(1) La présente Notice a été communiquée à la Société dans la séance du 4 mars 1868.

les premiers coups (1) et ils le sapèrent jusqu'à sa destruction complète, en basant leur jurisprudence sur les actes émanés du pouvoir royal, et notamment sur le texte des coutumes générales concédées aux provinces, sans tenir compte des chartes communales qui liaient les seigneurs et les vassaux par des concessions réciproques résultant d'engagements librement consentis. Le pouvoir royal fut ainsi substitué sans violence aux lieu et place de la féodalité, et les bourreaux de Louis XI et de Richelieu ne firent que précipiter les évènements en renversant violemment une institution dont l'existence était déjà condamnée. Dès longtemps, en effet, les rois avaient enlevé aux seigneurs leur autorité et aux vassaux leurs priviléges et leurs libertés. Les coutumes locales n'étaient plus qu'un souvenir, et les prédécesseurs de Louis XIV auraient pu dire, aussi bien que lui, dans toute l'étendue de leur royaume : « L'État, c'est moi! >

Cependant la féodalité, cette période de notre histoire la plus intéressante, et durant laquelle les libertés communales furent souvent plus étendues qu'elles ne l'ont été plus tard, en est aussi la plus inconnue, malgré les savantes recherches des jurisconsultes et des historiens français des XVIIIe et XIXe siècles et les travaux plus profonds de l'école allemande. Nous sommes encore à nous demander quelle fut l'origine du droit public et privé qu'adoptèrent les populations pendant le travail de réorganisation qui se fit depuis la conquête jusqu'à l'établissement définitif de la féodalité? Quelles furent les traces que laissèrent de leur domination les Phéniciens, les Grecs, les Romains, les Wisigoths, les Franks, sur les mœurs de la région du Sud-Ouest? Retrouve-t-on exclusivement, selon l'opinion de Klimrath (2), les principes du seul droit romain dans nos coutumes locales, et l'influence des Ghildes germaniques ou des constitutions municipales de l'Italie ne s'y remarque-telle jamais? Ce sont là de graves questions que, faute de documents suffisants, il est impossible de résoudre aujourd'hui. Les publications qui ont précédé ou suivi celle du Coutumier général de Bourdot de

(1) Aug. Thierry. Essai sur l'histoire du Tiers-Etat.

(2) Étude sur les coutumes, Paris, 1838.

Richebourg sont en effet très-incomplètes, et ce serait rendre un service considérable à la science que de réunir dans le Recueil de la Société archéologique, sinon toutes les coutumes inédites, du moins celles qui concernent le département de Tarn-et-Garonne. Nous nous permettons, en conséquence, de faire un appel au zèle de ceux de nos collègues que ce genre d'études intéresse, et de les inviter à concourir à cette œuvre importante, en ajoutant que, selon nous, la transcription des coutumes, suivie, autant que possible, d'une étude historique sur la localité concernant chacune d'elles, suffirait d'abord, et qu'il serait nécessaire d'attendre la fin de leur publication, soit pour les commenter et éviter ainsi des répétitions fastidieuses, soit pour en déduire le travail d'ensemble dont nous avons, en partie, signalé les bases.

Nous donnons aujourd'hui, dans ces conditions, la traduction authentique des coutumes d'Albias (1), village situé dans les environs de Montauban, non comme les plus intéressantes mais comme les dernières qui, croyons-nous, aient été découvertes. Cette traduction fut faite par M Jehan d'Auguste, avocat au siége de Montauban, sur les ordres de Jehan de Vesins, sénéchal de Quercy, qui, sur la sollicitation des consuls d'Albias, les approuva et ratifia sous leur nouvelle forme le 24 octobre 1579.

Elles sont conçues en ces termes :

Philippe, par la grâce de Dieu, Roy de France, scavoir faisons à toutz ceulx que ces présantes lettres verront, présans et advenir, que nous, par ces présantes, donnons et concédons aulx habitans quy sont de presant ou seront à l'advenir en nostre bastide ou ville appellée la ville d'Albias, diocese de Cahpurs, les coustumes et libertés que s'ensuivent :

4° Premièrement, voulons et leur conscedons et permettons que en ladicte ville et environ d'icelle il y ayt troys places publicques,

(1) Nous avons trouvé cette pièce, déposée depuis aux archives de la Préfecture, dans une liasse de documents dont nous devons la communication à l'obligeance de M. de France.

contenant chacuue une cestayrée de terre, mesure dudict lieu, pour l'uzage de la communaulté de ladicte ville, sa juridiction et deppandances d'icelle et pour l'uttillitté publicque; et que nostre bailhe et consulz de ladicte ville puissent ordonner les lieulx grandz et suffizans pour y estre dressées lesdictes places, immunes de tout ceans, au preallable satisfaict du priz aulx proprietaires à quy lesdicts lieulx appartiendront.

2o Item, voulons et permettons que la mesure, tant pour le regard des terres que d'aultres choses, soict gardée en ladicte ville et ces deppandances en la forme et maniere accoustumée par le passé.

3° Item, voullons et leur permettons que chacung quy aura dans l'encloz de ladicte ville aucune place, sive ayral, de huict brassées de long et quatre de largeur, paye, chascung an, à la feste de Noel, de rente et ceans ung denier tournois d'or, avec ung denier de accapte, advenant mutation de seigneur.

4° Item, que chacung quy aura une punherée de terre pour jardin ou verger aulx environs de ladicte ville paye, toutz les ans, à ladicte feste, deux deniers tonrnois, avec deulx deniers de accapte, advenant changement de seigneur.

5° Item, que chacung quy aura une cestayrée de terre en vinhe audict terroir paye, pour chacung an, à ladicte feste, doutze deniers tournois de ceans et rante, avec aultant de accapte, lors qu'il escherra.

6o Item, que chacung quy aura audict terroir une cestayrée de terre, plus ou moingz, n'estant ne jardin ne vinhe, paye pour chacune cestayrée deulx soultz tournois de rante et cens, pour chacung an, à ladicte feste de Noel, et autant de accapte, advenant mutation de seigneur.

7° Item, esdites maisons, jardins, terres et predz vandus, nous reservons, pour chacung soul, ung denier pour les los et vantes, et pour impygnoracion ung obolle pour chacung soul. Que sy quelcung a moingz de place sive ayral, moingz de jardin, vinhe on

terre, que n'a esté dict, et qu'il vande son droict à ung aultre en tout ou en partie, ce payera ledict ceans, accaptes et aultres depvoirs, prorata du plus ou du moingz.

8° Item, voullons et permettons que ceulx quy auront les choses susdictes, ou bien auront ruisseau, lacz, paluz, estangz, viviers, molins et autres choses quelconcques, puissent en iceulx planter, ediffier, semer pasturatges et boix, et autrement cultiver, et d'ung usaige le transmuer en ung aultre, et y fere ce que leur semblera pour leur commodité et profict, et lesdictes possessions allienner et transfferer en faveur de quy que soict, en tout ou en partie, à leur volonté, avec ledict cens, touteffois exepté que ne pourront sur icelles possessions mettre fief, ne icelles mettre en main de gendarme, clerc ou monastaire, sans nostre especialle et particulliere permission et licence. Et ne pourrons nous ny nostre bailhe rettenir pour le pris les choses susdictes contre la volonté du vandicteur, ny exiger d'eulx aultre chose pour l'herbage, forestage, ny aultrement, pour les choses à eulx comme dessus baillées et concedées à cens. Que s'il y entre les choses susdictes ou aultres choses oultre icelles, en ladicte ville et sa juridiction, pour raison desquelles nous ayons droict de lever rente de bled ou aultre chose, nous ne voulons rien innover quand ausdicts debvoirs, mais entendons et voullons que, pour lesdicts debvoirs, il soict faict suivant les instrumens particuilhierement sur ce desjà concedés, ou quy le seront sy-aprės, par nos predecesseurs ou aultres ayant de nous charge; saulf toutesfoys que, pour les terres à eulx bailhées à rente de bled par le vyconte de Brunicquel, ilz seronct teneuz, de quatre cestiers de rente qu'ilz faisoinct audict vyconte, nous en payer cinq, plus ou moingz, gardée ladicte proportion.

9o Item, voulons et permettons que les ventes ny accaptes ne soinct payés pour les choses dessusdictes, en cas d'eschange faict entre quelconcques personnes, ny en cas de division d'heredicté entre fraires, soict en tout ou en partie, sinon qu'en ladicte permutation et division intervinst somme de donnée auquel cas, les vantes seront payées à proportion de ladicte somme.

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