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bronze par un signe particulier, mais de la même couleur que les trouvailles de la pierre. Nous n'avons point consacré à cette époque, si importante dans d'autres départements, une couleur particulière pour ne pas multiplier les frais d'établissement de notre carte, et en nous fondant surtout sur ce que les signes de cette époque y sont peu nombreux, car les découvertes de l'époque du bronze proprement dite sont rares dans notre département. Nous n'avons même pu y noter l'épée en bronze de Courtavant, puisque ce gisement fait partie du département de l'Aube.

En effet, bien que les trouvailles d'objets en bronze gaulois, romains et francs, abondent dans notre département, les vestiges de l'époque du bronze, c'est-à-dire de celle où cet alliage de cuivre et d'étain était le métal uniquement employé à la confection des bijoux, des instruments et des armes, ces vestiges ont été rencontrés seulement en très-petit nombre dans la Marne.

Beaucoup d'entre eux ont été peut-être mis au jour dans des travaux et des fouilles qui n'avaient qu'un caractère d'utilité, mais leurs possesseurs ou inventeurs, ignorant la valeur et l'intérêt qu'ils pouvaient présenter, les ont livrés au creuset. C'est là certainement une des causes qui, surtout dans le centre de l'Europe, rendent plus rares les objets de l'âge du bronze conservés jusqu'à nos jours; car, à toutes les époques qui lui ont succédé, ce métal, dont l'oxydation n'altère pas la valeur, a été refondu et employé à la confection de nouveaux objets, tandis que le fer qui s'oxyde plus profondément, n'est dans cet état propre à aucun usage.

Notre carte est donc spécialement destinée à l'étude de ces cinq époques; elle présente cet intérêt et cet ensemble, que des documents de cette nature peuvent

seuls offrir à l'archéologue, en lui permettant de voir d'un coup d'œil la répartition et le groupement, à ces différentes époques, de populations habitant une même région.

En effet, en tenant même compte dans cet ensemble, et pour les classer à part, des agglomérations de sépultures qui sont le résultat d'un combat et non les dépouilles des populations habitant le lieu même, il reste encore à l'observateur des indications nombreuses sur la manière dont étaient reparties sur notre sol les peuples de ces cinq époques.

Sur cette carte, les signes archéologiques abondent dans les plaines, le long des grandes voies et sur les coteaux qui bordent les rivières, tandis qu'ils sont rares au contraire ou manquent complétement dans les parties montagneuses et boisées du département. Cela tient probablement à deux causes :

D'abord, bien que cette région ait été sans doute habitée, elle est depuis un temps immémorial couverte d'épaisses forèts, elle ne renferme que peu d'espaces cultivés, par conséquent, peu de points où le sol ait livré par hasard les vestiges qu'il renfermait. Ensuite les recherches y sont difficiles, l'œil perçoit avec peine des indices sur ce sol recouvert annuellement de détritus végétaux, d'herbes et de broussailles; la nature du terrain y rend les sondages impossibles'ou inutiles. Il faut y procéder par tranchées, moyen coûteux et long.

C'est à ces causes, Messieurs, que vous devez attribuer la nudité et le silence de notre carte dans cette région. Nous espérons que ce travail pourra être consulté avec quelque fruit par les archéologues et les touristes. Il renferme sans doute des erreurs et des lacunes. L'ardeur de trouver et d'étudier est telle dans notre département, ainsi

que le constatent les communications faites au Congrès, que déjà sans doute un certain nombre d'indications nouvelles manquent encore à l'ensemble que nous vous présentons. Mais avant que cette carte soit livrée à la publicité, nous aurons soin d'y ajouter les nouvelles découvertes dont la notion nous parviendra.

Tel est le sort de pareil travaux, de ne pouvoir être jamais aussi complets le lendemain que la veille. Nous devons donc sans découragement en prendre notre parti, et nous terminons, Messieurs, cette communication en vous disant :

Quod potui, feci; faciant meliora potentes.

M. de Cougny félicite M. Nicaise de son beau travail qui permet de classer toutes les découvertes faites et à faire. Il attire l'attention du Congrès sur ce que M. Nicaise vient de dire d'un tumulus allongé en forme de baleine. On en a signalé de semblables au Mexique, mais celui dont il est question paraîtrait être le premier de ce genre décrit en Europe.

M. Buvignier demande à faire quelques observations. M. Nicaise, dit-il, vient de parler des poteries dites samiennes. Ces belles poteries rouges, à grain très-fin, se fabriquaient tout près du département de la Marne, dans la vallée de l'Aire et dans les environs. En rencontrant à Avocourt, et entre Boureuiller et Neuvilly, des amas considérables de débris de ces poteries, M. Buvignier se demandait quel accident aurait pu les réunir aussi abondamment, s'il n'y avait pas eu là des fabriques. Toute incertitude a été levée en trouvant dans les deux dernières localités, non-seulement des masses de fragments, mais encore des amas de poteries brûlées et roulées ensemble par une cuisson trop vive.

Dans les différentes localités où, avec une main d'œuvre convenable, on obtenait ces belles poteries, on ne fabrique plus aujourd'hui que des tuiles ou des poteries grossières. Cependant depuis quelques années, il s'est établi à Boureuiller une faïencerie, mais dont les produits

sont assez communs.

La séance est levée à cinq heures.

1re SÉANCE DU MARDI 24 AOUT 1875.

PRÉSIDENCE DE M. DE LAURIÈRE, INSPECTEUR GÉNÉRAL.

Siégent au bureau

MM. de Caix de Saint-Aymour,

le comte de Serres et A. Nicaise.

La séance est ouverte à 9 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance est lu et adopté.

La parole est à M. Perrier, pour donner lecture d'un discours que M. le comte de Mellet adresse du château de Chaltrait, où il est retenu par la maladie.

MESSIEURS,

Au moment où s'ouvre cette nouvelle session du Congrès archéologique de France, je vous demande la permission de jeter un rapide regard, quelque peu empreint pour moi de mélancolic, sur les temps qui ont précédé celui-ci, temps en partie déjà loin de nous, ainsi que sur les hommes éminents auxquels nos chères études doivent leur plus grand lustre, et qui malheureusement ne sont

plus. Dieu les a rappelés à lui; mais nous suivons leur glorieux sillon avec un mélange d'admiration et de regret.

Ne dois-je pas, Messieurs, commencer par nommer notre chef à tous, M. de Caumont, le maître illustre dont les préceptes et les exemples sont présents à toutes les mémoires, et dont les doctrines sur les monuments du moyen âge sont devenues un code contre lequel rien ne viendra prescrire? Pendant trente ans j'ai suivi ses leçons, pendant trente ans j'ai été l'un des témoins de ses travaux multipliés, de son exquise bienveillance et de ses plus aimables qualités. Mon esprit et mon cœur garderont gravé, d'une manière impérissable, le souvenir de leurs rapports avec lui.

Après et avec M. de Caumont je dois nommer, au point de vue qui nous occupe, M. Didron, notre éminent compatriote, si remarquable par ses recherches 'approfondies sur l'iconographie chrétienne, et dont le courage indomptable pour protéger nos monuments nationaux ne s'est pas ralenti un moment.

Plusieurs grands établissements scientifiques, fondés par lui, subsistent encore, et il était vice-président de la commission d'archéologie départementale fondée par le préfet de la Marne, M. Bourbon de Sarty, de regrettable mémoire. Alors florissait, dans toute la gloire de son éloquence, l'illustre comte de Montalembert, dont je n'ai point oublié la présence et le concours au Congrès archéologique de Troyes, et qui adressait si heureusement à M. de Caumont ce Te saxa loquentur qui a été gravé depuis par la reconnaissance publique sur la médaille frappée en l'honneur du fondateur des Congrès.

Si je me reporte aux divers concours de ce genre qui ont eu lieu dans le département de la Marne, il ne m'est point possible de passer sous silence le prélat illustre, le

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